One woman show écrit par Antonia de RendingerMis en scène par Olivier Sitruk
Présentation : Bienvenue dans la loge de madame Cayeux, 80 ans, concierge de son état et plaque tournante d’un petit immeuble où, au fil des rencontres, se croisent autant de points de vue que de personnages variés…On embarque dès que le noir se fait dans un voyage d’une heure quinze qu’on ne saurait vraiment qualifier de « seule en scène » tant nombreux sont les protagonistes qui s’y invitent ! On remarquera surtout la manière dont chacun fait écho à l’autre, composant un puzzle jubilatoire, dans l’esprit des films choraux…
Mon avis : Je m’attendais à un bon spectacle. J’ai découvert une prestation d’une qualité allant au-delà de mes espérances. Comme beaucoup, Antonia m’avait époustouflé par son talent et son culot avec son sketch sur Miss France et ses apparitions à On n’ demande qu’à en rire m’avaient fréquemment enchanté. Et bien, Antonia gagne encore plus à être vue sur la longueur, pendant les Quatre-vingt minutes que dure son one woman show.
Antonia de Rendinger (oui, oui, comme Olivier de Benoist, c’est une aristocrate grand teint) est un véritable phénomène. Mine de rien, ça fait vingt ans qu’elle écume les planches. Ligue d’impro, théâtre, sketchs en solo… elle a un sacré bagage et de l’expérience à revendre. Et, particularité qu’il ne faut surtout pas négliger, elle a fait des études de lettres modernes et possède une maîtrise de littérature française. D’où la remarquable qualité de son écriture… Antonia, c’est de 4G agrémentée du haut débit. 4G comme Gaîté, Grâce, Générosité et Grivoiserie ; avec une touche de Génie comique.
Huit sketchs, huit performances de très, très haut niveau. Dès son entrée en scène, elle nous déclenche une irrépressible envie de faire l’humour avec elle. Elle nous entraîne dans son monde, un monde fait de folie, d’extravagance et d’irrévérence. Je crois que l’adjectif qui la qualifie le mieux à mes yeux (et à mes oreilles), c’est « truculente » (Petit Larousse : « Qui exprime les choses avec crudité et réalisme ; pittoresque, haut en couleurs »… Elle est rabelaisienne dans le sens le plus noble ‘normal pour une aristocrate qui pratique l’irrévérence) du terme. Dans son spectacle, en effet, comme chez Rabelais, il y a de l’épique, du parodique, de l’exagération, de la satire, de la paillardise, voire de la scatologie et, surtout, elle est la démonstration vivante de l’adage « le rire est le propre de l’homme ».
Olivia sait tout faire. Du mime (voir le premier sketch), elle prend tous les accents, elle danse remarquablement (voir sa bluffante chorégraphie du septième sketch), elle a l’art d’incarner des personnages. Visiblement, elle n’a aucune limite. Elle n’a peur de rien. Elle est sacrément gonflée… J’ai tout aimé dans ce spectacle : le jeu, l’audace, le délire, l’écriture, la mise en scène. C’est d’une efficacité rare. Jacqueline Cayeux, la concierge qui est le fil rouge de Travail, Famille, Poterie, est une sorte de compromis pour la voix entre Michel Serrault et la Gisèle des Vamps. Cette bignole est une sacrée nature. Son franc-parler est dévastateur. Comme Monsieur Jourdain, elle pratique sans le savoir l’anticonformisme, la xénophobie, le politiquement (très) incorrect, la subversion. Etre, en même temps, elle peut s’avérer touchante.Dans ce spectacle qualitativement impeccable, deux sketchs m’ont arraché encore plus que les autres des spasmes de rire : l’épilation et la conférence sur le nombril. Mais, motus et clavier cousu, je n’en révélerai absolument rien.Précipitez-vous aux Mathurins. Vous y passerez un moment de bonheur total. Antonia de Rendinger possède un talent monstrueux. C’est une auteure et une comédienne hors pair. Elle a largement sa place au Panthéon de l’humour…
Gilbert « Critikator » Jouin