22 février 2014
Pas très malin pour moi d’avoir commencé une trilogie par le dernier volume ! Découvrir un nouvel auteur est cependant un vrai bonheur ...
J’avoue n’avoir jamais entendu parler de Pierre Lemaitre avant que ne lui soit décerné le dernier Prix Goncourt … Alors, j’ai craqué pour ce thriller, qui narre une tranche de vie du Commandant de Police Camille Verhoeven. Je le sens, ce personnage attachant va rejoindre mon panthéon de policiers préférés !
Un drôle de type (on n’arrête pas d’insister sur sa caractéristique physique la plus évidente, il ne mesure que 1,45 m), calme, extraordinaire dessinateur et sans doute hypermnésique, un peu triste car il a vécu déjà bien des malheurs. Mais là, il n’en demandait pas tant : la femme qui partage sa vie depuis quelques mois – une aubaine car elle est jolie, jeune, intelligente, se fait tabasser au cours du braquage violent d’une bijouterie. Défigurée, on se demande par quel miracle elle a échappé aux balles de l’agresseur, un cruel, un vrai carnassier…
Contre tout principe déontologique – et on connait bien la procédure après avoir visionné autant de séries policières que moi – il obtient d’être chargé de l’enquête … qui va s’avérer pleine de contradictions et de surprises. Camille Verhoeven va risquer sa peau, son honneur, sa carrière. Mais certaines circonstances imposent des sacrifices.
L’écriture de ce polar - et en particulier les premières scènes carrément époustoufflantes - s’apparente à la coupe au laser. J’y retrouve le charme des romans de J-C Izzo. Le style est acéré, efficace, percutant. C’est le cas de le dire tant les descriptions de coups donnés et reçus sont réalistes. Pour l’auteur, le visage d’une femme battue provoque sa déchéance, porte atteinte à son intégrité comme l’ablation d’un sein. Il y a aussi l’ambiance, celle de la vie des commissariats, les fraternités qui se nouent entre collègues, le cadre sordide de la grande misère des sans-papiers, populations arrivées sans autre solution que de passer par la case « délinquance », une certaine tradition dans notre histoire (voir les travaux de Madeleine Leveau-Fernandez).
J’ai une petite tendresse aussi pour le beau Louis, un policier en tous points exceptionnel : c’est le seul flic de la Criminelle à porter sur lui en vêtements de luxe le montant de son salaire annuel, et il aurait naguère réussi le concours d’entrée à l’ENA mais lui aurait préféré Sciences Pô. Un double fantasme d’écrivain car cette dernière circonstance est rigoureusement improbable puisqu’on doit faire Sciences Pô avant de présenter le concours d’entrée à l’ENA.
Broutilles, me direz-vous, et vous aurez raison. Le roman est noir, mais haletant, voici un écrivain qui a un fantastique talent … Il me reste à lire les deux premiers opus de la trilogie. En attendant la prochaine enquête de Camille Verhoeven … qui, après cette enquête menée hors des clous, ne sera sans doute plus commandant !
Sacrifices, polar de Pierre Lemaitre, au Livre de Poche, 353 p. 7,10€