Chozen & Mother up! (2014) : la liberté d’expression du dessin animé

Publié le 22 février 2014 par Jfcd @enseriestv

Chozen est une série d’animation diffusée sur les ondes de FX depuis janvier et met en scène le personnage du même nom qui vient tout juste de sortir de prison après 10 ans de captivité. Ce rappeur gai retourne au collège et renoue avec ses anciens amis dans le but de faire carrière dans la musique. Sans complexes, il se défonce à toutes les fêtes et ne rate jamais une occasion pour mettre à exécution des coups foireux à l’encontre de ceux qu’il a pris en grippe. De son côté, Mother up! est une comédie animée canadienne diffusée sur les ondes de CityTV et Hulu. On y suit le quotidien de Rudi Wilson, ancienne cadre d’une maison de musique à New York, qui décide d’aller s’installer dans une banlieue quelconque au Canada et d’y élever ses deux enfants. En peu de temps, elle réalise qu’elle est probablement la moins douée pour « l’emploi » et met toutes ses énergies à discréditer les autres mères au foyer, lesquelles le lui rendent bien. Chozen et Mother up! ont en commun des protagonistes à la fois déjantés et narcissiques, mais dans le premier cas, on rivalise de vulgarité pour provoquer le rire, alors que dans le second, on privilégie des mises en situation qui vont à l’encontre de toute éthique ou morale. Sans être de grandes séries, on est tout de même ravi que ces têtes d’affiche sortent du moule habituel caractéristique à l’humour.

Le monde du hip-hop : trop cru pour l’écran traditionnel

Alors qu’il était encore adolescent, Chozen (voix de Robert Michael Moynihan qui a longuement fait partie du casting de Saturday Night Live) a été condamné à dix ans de prison pour possession de plusieurs drogues, lesquelles appartenaient à son ami d’alors Pantasm. Ce dernier l’a laissé purger la peine à sa place et depuis, est devenu une légende du hip-hop. À sa sortie, Chozen planifie d’orchestrer sa revanche à l’encontre de celui et décide en même temps de retourner au collège. Là-bas, il renoue d’amitié avec ses amis d’enfance, Ricky et Crisco, et les convainc de former un groupe dans le but de percer dans le milieu de la musique. Dans les trois premiers épisodes, la vie estudiantine dans ses clichés les plus tenaces sert de locomotive aux intrigues, qu’il s’agisse de bizutages, concours de beuveries, aventures d’un soir, etc. Toutes grossièretés sont les bienvenues. Chozen n’hésite pas à mettre de la drogue dans le verre d’un gars qui lui plait pour ensuite le conduire à la chambre à coucher et Ricky, qui doit garder ses jeunes frères, décide de les mettre en laisse au cas où leur viendrait l’envie de fuir. De plus, il y a leur ami Jimmy qui passe son temps à prendre des photos de jeunes filles qui se dénudent et mettre les clichés en ligne (à leur insu). Le langage cru accompagne bien entendu ces mises en situations. L’extrait qui suit est d’ailleurs éloquent :

Les rappeurs sont constamment l’objet de critiques et controverses, souvent pour les valeurs qu’ils véhiculent à travers leurs chansons promouvant la violence et le sexisme. Dès lors, on ne s’étonnera pas que peu de fictions aient voulu dépeindre ce milieu, puisque de toute façon, la censure liée aux heures de diffusion n’aurait pas laissé passer grand-chose. En ce sens, le format animé était le seul qui puisse convenir ici puisque les protagonistes, encore moins qu’en fiction régulière, nous paraissent encore plus éloignés de la réalité, ce qui fait qu’on « digère » mieux la subversion. On doit donner crédit à la série qui s’assume, s’exprime en toute franchise et ne cherche pas à faire des compromis dans son scénario, quitte à s’attirer un auditoire moins large. Le fait que son personnage principal soit ouvertement gai (et même un peu trop fier de l’être) est d’autant plus surprenant qu’il évolue dans un milieu reconnu pour son homophobie et le fait que ses pairs ne le jugent jamais en fonction de sa sexualité apporte quelque chose de positif et d’inspirant à la série. De ce fait, le ton vulgaire des épisodes est quelque peu occulté et comme l’écrit Matt Fowler :« Ultimately, I can’t decide if Chozen‘s trying to push buttons or prove a point by making the main character’s gayness a non-issue: probably both».

Homer Simpson et Peter Griffin au féminin

D’un jour à l’autre, le monde de Rudi Wilson (Eva Longoria) dans Mother up! s’écroule; elle perd son emploi qui devait l’accaparer jour et nuit, son mari et père de ses enfants la quitte pour vivre avec sa maîtresse, tout comme la bonne qui en a assez. Son nouveau défi est de s’occuper de sa progéniture. Cette carriériste tombe vite des nues : elle ne sait pas cuisiner, ignore que son fils est allergique aux noix (le pauvre devra faire un séjour à l’hôpital) et jette sa fille à l’eau lors d’une séance de natation afin qu’elle apprenne par elle-même à nager. Si le futur et bien-être de ses enfants ne la préoccupe à peu près pas, c’est le regard des autres mères qui la déstabilise. Pour pallier son manque d’instinct maternel, elle organise une fête fabuleuse pour l’anniversaire de son fils, non pour son bonheur, mais pour en mettre plein la vue à ses voisines qui feignent le mépris derrière lequel se cache une certaine jalousie. Voilà la guerre déclarée et les coups bas pleuvent au cours des épisodes suivants.

En expliquant son adhésion à Mother up!, Eva Longoria admettait en entrevue :« That’s how the show was pitched to me, that there’s no female presence in animation,"  we like to call her the female Peter Griffin because she’s inappropriate and misguided and awkward and selfish ». D’ailleurs, le créateur de la série, Michael Shipley, est aussi à l’origine de Family Guy et c’est justement ce genre de personnage que l’on retrouve à l’écran. À l’image aussi de la web série Chroniques d’une mère indigne  sur Tou.tv, on nous montre une femme qui assume ses travers, fait peu de cas des sentiments des autres et préfère aller dans un bar plutôt que de border ses enfants. Ce (piètre) « modèle » qui pourtant fonctionne en comédie a toujours été l’apanage des hommes. C’est pour cette raison que Mother up! a quelque chose de franchement agréable à regarder.

Pour l’heure, il est difficile de mettre la main sur l’auditoire de Mother Up!, mais Chozen s’en tire très bien avec une moyenne de 690 000 téléspectateurs par semaine. Dans un épisode de cette série, Chozen dit à ses amis : « if it feels good, just do it.» Cette façon de penser et de se comporter résume bien les protagonistes de ces nouvelles animations. Si on ne retrouvera certainement pas ces comédies dans les annales du rire, on peut saluer l’effort des créateurs de sortir des sentiers battus et de nous proposer des personnages principaux qui souvent sont relégués au second plan en humour.