Je me suis donc prise de passion pour cette saison 2014, après une saison 2013 qui s’est avérée au final très prévisible dès lors qu’on était sorti des castings. Je ne dis pas que le casting a été mauvais en 2013, mais il semblerait qu’il ait été fait un pont d’or à Sophie-Tith, qui n’avait alors que 16 ans et une voix grave à faire frémir n’importe quel auditeur. Elle revient en 2014 non seulement en ayant enregistré un album de reprises poussives, mais surtout blonde (KEUWAH ? Où sont tes mèches bleues, bordayl de cul ?) et avec un single qui ne la met pas du tout en valeur en tant qu’interprète. Je vous le dis, sincèrement, j’ai mal pour elle.
Mais surtout, cette saison de la Nouvelle Star a vu un final complètement inattendu, même de la part de la production : la victoire de Mathieu, 20 ans, étudiant en théâtre, face à l’archi-favorite Yseult, 19 ans, étudiante en BTS immobilier. On peut s’étonner encore de l’âge assez jeune des participants, mais l’industrie du disque a ceci de fascinant qu’elle est toujours prompte à prendre des gamins qu’ils estiment talentueux, quitte à ce qu’ils se trahissent artistiquement. En témoigne le succès auprès du public rock de Jake Bugg, qui vient de fêter son 20e anniversaire et qui a sorti deux albums très bien foutus. Espérons que sa carrière dépasse ses 25 ans, c’est tout ce que je lui souhaite.
En guise de statut, j’ai posté suite à la victoire de Mathieu : Yseult est certes une excellente interprète, elle l’a prouvé pendant 10 semaines. Elle était la gagnante désignée, mais il lui manquait une certaine dimension artistique et créative qu’a justement ce vainqueur qui s’est avéré jusqu’au bout être un excellent outsider. Rose H. m’est tombée dessus – bien lui en a pris, parce qu’elle a finalement largement contribué à cet article. Certes, Yseult n’aurait pas volé sa victoire au regard de tout ce qu’elle a fourni comme performance durant le concours, mais le public, large, lui a préféré un type, certes moins impressionnant vocalement, mais au répertoire folk et chanson française populaire qui lui semblait parler davantage (permettez-moi un léger doute).
Et c’est bien là que se pose la question, selon moi : Yseult aurait été la lauréate de la production, du jury, de la presse, de la critique… mais pas forcément d’un public qui aurait éventuellement acheté ses albums, celui donc qui a la décision finale de la Nouvelle Star. Pas assez cliché par rapport à l’Africaine à grand charisme faite pour reprendre du Tina Turner, du Beyoncé et du Nina Simone (dans une hypothèse très classe) ? Trop originale, puisque davantage positionnée chanson française ? Trop évident ? Il est manifeste que, durant tout le concours, la production l’a mise en avant, vantant sa capacité de varier d’un style à un autre – et c’est même peut-être ceci qui a désarçonné le public – et faisant d’elle une interprète flamboyante. Au contraire, jusqu’à la demi-finale, la production a cru bon de faire passer Mathieu pour un clown, un adorable dilettante à la Dutronc père et fils. Il a fallu attendre justement qu’il puisse montrer ce qu’il a dans le bide pour que le public puisse réaliser qu’il pouvait faire le hold-up, chose qu’il a parfaitement effectuée en finale.
A vrai dire, je n’espérais pas malgré tout une victoire de Mathieu. Pourquoi ? Parce que je trouve au final l’interprète moyen sur le plan vocal, mais le compositeur et l’arrangeur à haut potentiel. J’ai surtout peur qu’il ne soit pas prêt à enregistrer un album tout de suite, même s’il se prévaut d’avoir des compositions plutôt folk. Or, on l’a vu, les lauréats de télécrochet ont dans l’obligation d’exister médiatiquement par leur musique dans l’année qui suit (même si leur premier album est une sombre merde – coucou, Cyril Cinélu). Comme me l’a fait souligner Rose H., même quand ils ne sont pas lauréats – surtout, on devrait dire –, beaucoup de candidats de Nouvelle Star restent des musiciens reconnus par la profession, réussissant malgré tout à faire carrière en marge du grand public.
Et c’est bien ceci qui fait que Nouvelle Star n’est pas un télécrochet comme un autre. Comme dans beaucoup de télécrochets, peu de lauréats réussissent à véritablement s’imposer en tant qu’artistes sans faire d’énooooormes fours (quelqu’un peut me dire ce que deviennent RÉELLEMENT Steeve Estatof et Myriam Abel ?) ou prendre un tournant gênant (coucou Amandine Bourgeois et Jonatan Cerrada, vous nous avez bien mis la ‘chouma à divers concours de l’Eurovision). Bref, tout le monde n’a pas réussi à avoir à la fois l’adhésion du public et des professionnels, à l’image de Christophe Willem et surtout Julien Doré. Ce qu’il y a de particulier, donc, avec Nouvelle Star, c’est que les finalistes, au final, s’en sortent parfois mieux que les lauréats.
Que ce soit dans un circuit commercial (à l’image d’Amel Bent) ou plus confidentiel (Lussi, Camelia-Jordana, Ycare, Miss Dominique, Melissa Nkonda), beaucoup de chanteurs qui ont eu une visibilité avec Nouvelle Star arrivent quand même aujourd’hui à vivre de leur art. Mais il arrive aussi que le chemin Nouvelle Star mène au cinéma (Benjamin Siksou, Jules Pélissier)… voire au commentaire sportif, n’est-ce pas, Isabelle Uthurburu, qui a participé en 2007 ? Mais ce que l’on peut remarquer, c’est qu’à part Cindy Sanders (mais elle, c’était juste un phénomène de foire, on est bien d’accord ?), très peu de candidats se sont retrouvés, au final, dans le filon de la téléréalité, contrairement à bien des candidats de la Star Academy.
Nouvelle Star, quand on se démerde bien, est une étiquette dont on se défait très vite si on a un univers assez installé en tant qu’artiste. C’est ce qui fait d’ailleurs la qualité du programme, comparativement à d’autres télécrochets où l’impression d’une certaine forme de formatage artistique est de mise. C’est, à mon avis, ce qui a fait que Popstars s’écroule comme du flan : le casting mettait de côté des artistes qui présentaient un intérêt certain (coucou Chimène Badi), mais gardaient des artistes de moindre envergure qualitative qui semblaient pourtant avoir leur place dans un quelconque projet initial qui, en fait, n’était pas encore super défini au moment des sélections. Cela revient à soutenir des artistes sans charisme et malléables, d’où l’énorme souci de se démarquer d’une étiquette d’émission de téléréalité.
Cette saison 2014 de Nouvelle Star a été d’autant plus passionnante qu’on y a vu des candidats à l’aura manifeste se casser la gueule au fil des prestations (Sirine, Dana, Léopoldine – mais à mon avis, Léo était trop barge pour survivre, tout le monde ne peut pas être Luce) et des candidats plus que moyens au départ prendre de l’envergure au fil du temps (Mehdi, Pauline, Alvaro). La finale entre Mathieu et Yseult résume tout à fait cette tendance. Vous m’aurez demandé qui gagnerait avant la finale, je vous aurais répondu Yseult sans hésiter. Mais sa prestation en finale était objectivement en-deçà de son potentiel. Ne se sentant jamais mise en danger, que ce soit par le jury ou par la production, elle a peut-être finalement baissé son levier d’exigence (parce que c’est une interprète exigeante). Ce faisant, elle a laissé le champ libre à Mathieu pour qu’il s’impose en tant qu’artiste à part entière, même s’il n’a pas autant fait le consensus qu’elle au fil de ses prestations, tant dans le jury que dans le public.
Je pourrais même dire que, si on retrace l’historique de Nouvelle Star, Yseult a été « victime » du même syndrome qui a touché Amel Bent et Camélia-Jordana. A force d’être trop « parfaites », d’avoir des jugements trop dithyrambiques de la part du jury, le public a voulu sanctionner cet excès d’enthousiasme qu’il a estimé à certains moments pas mérité au regard de certaines prestations de ces chanteuses. D’ailleurs, le public a préféré ces années-là des chanteurs bien moins consensuels, pour ne pas dire hors du système dominant de l’industrie du disque, à savoir Steeve Estatoff et Soan (lesquels n’ont jamais eu le succès escompté, contrairement aux « sanctionnées » du public qui mènent très bien leur barque). C’est pour cette raison principale que je n’espérais pas hier soir la victoire finale de Mathieu. D’une part, je ne crois pas qu’il ait le charisme pour s’imposer sur le devant de la scène très longtemps, à l’image du combo Christophe Willem/Julien Doré. D’autre part, j’ai bien peur qu’il ait été fait lauréat par le public pour dire merde au jugement « partial » des professionnels, que ledit public va sûrement suivre au final.
Bref, comme le dit Rose H., Nouvelle Star n’est qu’un jeu et ce serait bien de le considérer comme tel. Malgré tout, même s’il y a eu quelques cafouillages les premières années, ce télécrochet reste passionnant dans la mesure où la production ose effectuer des mises en valeur audacieuses des artistes en vouloir et en devenir. C’est à ce prix que l’on y découvre des artistes qui se positionnent hors des standards actuels de l’industrie française du disque et qui arrivent réellement à faire carrière après leur médiatisation.