Dans
San Martín par lui-même et par ses contemporains, en souscription
jusqu'au 30 avril 2014 aux Editions du Jasmin, j'ai rassemblé une
bonne trentaine d'auteurs qui se partagent trois langues :
l'espagnol, largement majoritaire comme on s'en doute, l'anglais et
le français, le tout sur 384 pages.
Aujourd'hui,
je vous présente les auteurs individuels.
Je
garde pour un autre jour les groupes d'officiers, les juntas
gobernativas, congrès constituants et autres cabildos qui ne
manquèrent pas de rendre hommage à San Martín ou de lui décerner
des récompenses tantôt pour ses victoires, tantôt pour la sagesse
de sa pratique gouvernementale.
*
* *
En
espagnol (chacun de ces textes est présenté avec sa traduction en
vis-à-vis)
Quelques uns des alliés politiques de San Martín parmi les auteurs du recueil
José de San Martín, lui-même (c'est dans le titre), Yapeyú, 25 février 1778- Boulogne-sur-Mer, 17 août 1850, Argentin. En ce qui le concerne, je vous renvoie à un ouvrage précédent, San Martín, à rebours des conquistadors, et à tous mes articles déjà publiés, que vous ferez remonter en page d'accueil en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
Juan Bautista Alberdi, San Miguel de Tucumán, 29 août 1810 – Neuilly sur Seine, 19 juin 1884, Argentin. Juriste, compositeur, pianiste, poète, écrivain et immense intellectuel argentin porté par le courant libéral français qui aboutit, en Europe, en 1848, aux premières structures démocratiques et sociales (suffrage universel, liberté de la presse, liberté de candidature, lutte contre la corruption, abolition définitive de l'esclavage, etc.). Il rencontra San Martín à Paris et cette rencontre l'a profondément ému. Avec lui, vous prendrez pour la première fois un moyen de locomotion ultra-moderne, spectaculaire et très rapide. Les Français appellent cela "chemin de fer" et en 1843, on va si vite (45 km/h au grand maximum) que le long de la voie ferrée, les arbres défilent en sifflant comme une balle à vos oreilles...
Juan de la Cruz Mourgeón, Espagne, 1775 ? - Quito, 8 avril 1822, Espagnol. Ce héros de la victoire de Bailén avait distingué le jeune capitaine San Martín, qui servait sous ses ordres. C'est à cette époque qu'on le rejoint, en 1808, quand il est encore du "bon côté" de l'Histoire occidentale. Ce digne serviteur de l'Etat d'Ancien Régime devint en effet le dernier vice-roi de la Nouvelle-Grenade (Amérique centrale). Noble et valeureux, il est mort en combattant Bolívar. Quelques mois plus tôt, alors que San Martín investissait les côtes péruviennes et que les royalistes avaient pu craindre qu'il monte s'emparer immédiatement de Guayaquil, il avait écrit à Madrid qu'il l'attendait, les armes à la main, prêt à l'affronter le moment venu.
Antoine Mallet, marquis de Coupigny, Arras, vers 1760 – Madrid, 12 juin 1825. Français naturalisé espagnol (si toutefois ce terme a un sens à cette époque-là). Co-vainqueur, avec le Suisse Théodore Reding, à Bailén, en Andalousie, contre l'Empire français. Il appartenait à la famille française des comtes de Hénu élevée au marquisat par Louis XV en 1765 (aujourd'hui petit village du Pas-de-Calais, Hénu a oublié ses comtes). Ayant repéré San Martín dès le début de la guerre d'indépendance d'Espagne contre l'Empire français, il en avait fait son aide de camp. Malgré la divergence idéologique entre le marquis absolutiste et le révolutionnaire nourri par la lecture assidue des philosophes des Lumières, malgré l'inégalité sociale marquée entre le fils d'hidalgo et l'aristocrate titré, doublée d'une très stricte hiérarchie militaire, ils eurent l'un pour l'autre une amitié dont rendent témoignage ces deux billets que Coupigny écrivit à son cadet dans la deuxième moitié de 1808 et que j'ai traduits à la page 26 de mon prochain livre.
Bernardo de Monteagudo, San Miguel de Tucumán, 20 août 1789 – Lima, 28 janvier 1825, Argentin. Dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, il exerce surtout les fonctions de journaliste, comme auteur du plus célèbre article de la Gaceta de Buenos Aires. Mais après ce travail de rédacteur du journal officiel de l'Argentine balbutiante, il fit mille choses avant d'être assassiné au Pérou et c'est une autre histoire!
Bernardo Rivadavia, Buenos Aires, 20 mai 1780 – Cadix, 2 septembre 1845, Argentin. Dans le film, c'est un méchant, façon raciste obtus. Et cela ne s'est pas amélioré avec le temps... Et c'est sans doute pour cette ignoble stratégie qu'il a développée tout au long de sa carrière politique que la Generación del Ochenta en Argentine a trouvé en lui son inspiration, au point de donner son nom à l'artère principale de Buenos Aires, qui détermine la numérotation des rues dans toute la capitale argentine. Sur ce qu'est la Generación del Ochenta, voir le Vademecum historique dans la partie médiane de la Colonne de droite.
Gervasio Posadas, Buenos Aires, 18 juin 1757 – ibidem, 2 juillet 1833, Argentin. Le premier Directeur suprême des Provinces-Unies du Río de la Plata, future République argentine.
Juan Martín de Pueyrredón, Buenos Aires, 17 décembre 1777 – ibidem, 13 mars 1850, Argentin. Le premier Directeur suprême des Provinces-Unies indépendantes. Sa sagacité politique, sa préférence pour la conciliation jusqu'à l'éclatement de la guerre civile, son sens de l'humour, à peu près égal à celui de San Martín, nous rendent leur correspondance étonnamment familière. On y perçoit la fraternité pleine de jeunesse et de joie, qui liaient ces deux hommes sûrs de la légitimité de la cause à laquelle ils consacraient l'un et l'autre toutes leurs forces.
Francisco Marcó del Pont, Vigo, 1770 – Luján de Cuyo, 1819, Espagnol. Dans le film, il joue lui aussi le rôle d'un méchant. D'un méchant et d'un lâche – le rôle rêvé pour un acteur de composition. Et il a mal fini, comme tous les méchants de cinéma.
Remedios de Escalada La Quintana de San Martín, Buenos Aires, 20 novembre 1797 – ibidem, 3 août 1823, Argentine. J'ai choisi, au dernier moment, d'intégrer au recueil la seule lettre manuscrite qu'il nous reste d'elle. Un trésor précieux conservé au Museo Histórico Nacional à Buenos Aires, situé dans le Parque Lezama, en plein San Telmo. A la page 86.
Vicente Pérez Rosales, Santiago del Chile, 5 avril 1807 – ibidem, 6 septembre 1886, Chilien. Grand écrivain dont l'autobiographie, présentée toutefois comme s'il s'agissait d'un roman, est classée parmi les classiques de la littérature chilienne. D'une plume vive, il reconstitue pour nous la libération de son pays natal, à laquelle il a assisté du haut de ses dix ans. Sa contribution commence à la page 87.
Bernardo O'Higgins, Chillán, 20 août 1778 – Lima, 24 octobre 1842, Chilien. Le premier Directeur suprême du Chili indépendant et non reconquis, ce qui se connaît dans la geste chilienne comme la Patria Nueva. Fils naturel d'un vice-roi du Pérou tout droit venu de la verte Erin (comme son nom l'indique assez bien), Ambrosio O'Higgins, il fut un ami intime de San Martín. Et -le croiriez-vous ?- l'implacable capitaine de guerre berçait dans ses bras la petite Mercedes quand à Mendoza, il préparait la traversée des Andes avec le papa du bébé, qui n'avait alors pas plus de quatre mois. Il est le héros de Chacabuco. Voir mon article du 12 février sur cette victoire capitale et les vidéos que j'y ai intégrées.
James Duff, quatrième comte Fife, Aberdeen, 6 octobre 1776 – Banff (1), 5 mars 1857, Irlando-écossais, pair d'Ecosse et d'Angleterre. Un beau personnage, romantique à souhait. Un libéral de haute volée triplé d'un officier valeureux et d'un fidèle serviteur de la monarchie britannique, très bien placé dans la hiérarchie de cour d'où il pouvait donner à San Martín, là-bas, aux antipodes, les avis les plus pertinents. Actif lobbyiste de l'indépendance sud-américaine et de San Martín en Europe, jusqu'en Suisse où vous verrez qu'il y avait des yeux pour lire ses communications. Dans sa circonscription du Banffshire, où il est mort, tout près d'Aberdeen, on se souvient encore de lui comme du seigneur qui sut développer ce lopin de terre et en faire une région prospère de la lande écossaise. Vous pouvez consulter sa fiche officielle (en anglais) sur le site Internet que l'Université de Londres a bâti sur l'histoire du Parlement britannique. Voir également sa fiche sur le site The Peerage, consacré à la pairie du Royaume-Uni.
Guillermo Miller, Wingham, 12 décembre 1795 – Lima, 1861, Anglais naturalisé péruvien. Une épée vaillante et une plume fluide, dans les deux langues. Car il écrit aussi en espagnol et fort bien. Conciliant de nature, doté d'un sens de l'observation d'une rare lucidité et précurseur des méthodes scientifiques qui seront définies et adoptées seulement à la fin du XIXème siècle, en 1827, en permission à Londres, Miller n 'écrit pas seulement des mémoires mais déjà un véritable livre d'histoire sur l'indépendance du Chili et du Pérou. Grâce à lui, vous assisterez même aux pieds des Andes à une authentique scène de western bien longtemps avant que John Ford invente la grammaire du genre à Hollywood.
Tomás Guido, Buenos Aires, 1er septembre 1788 – Ibidem, 14 septembre 1866, Argentin. Un autre des trois amis intimes que San Martín s'était fait en Amérique. C'est à lui que j'ai confié le point culminant du livre : un récit très intimiste de la journée du 20 septembre 1822 qui vit, à la stupéfaction de tous, San Martín renoncer pour toujours à l'exercice du pouvoir politique, aux pages 266-275. Depuis 1966, ses restes sont déposés dans la chapelle, dans une urne placée derrière le mausolée de San Martín.
Mariano Balcarce, Buenos Aires, 8 novembre 1807 – Paris, 20 février 1885, Argentin. Il était le gendre de San Martín. Nous le rejoignons quelques semaines après le décès de son beau-père, dans les toutes dernières pages du livre. Mais on en aura entendu parler, avec beaucoup d'affection, bien avant !
Ramón Castilla, Tarapacá, 31 août 1797 – ibidem, 30 mai 1867, Péruvien. Pour rendre hommage au défunt Fondateur de la Liberté du Pérou, ce président de la République du Pérou prit en 1850 de belles et grandioses décisions. Qui restèrent lettre morte.
Simón Bolívar, Caracas, 24 juillet 1783 – Santa Marta, 17 décembre 1830, Vénézuélien. Est-il vraiment nécessaire de le présenter ? Les deux libérateurs continentaux, l'un venant du nord, Bolívar, l'autre montant du sud, San Martín, se sont rencontrés en juillet 1822, dans le port de Guayaquil, aujourd'hui en Equateur. Et cette entrevue est entourée de mystère et suscite encore aujourd'hui d'innombrables questions car la teneur de leurs entretiens est resté secret jusqu'à ce que les historiens, en décryptant le peu de documents qui existent, reconstituent les enjeux de leurs deux entrevues en tête à tête.
José de la Riva-Agüero, Lima, 3 mai 1783 – ibidem, 25 mai 1858, Péruvien, premier président du Pérou puis putschiste. Encore un rôle de méchant. Un personnage tellement odieux qu'il réussit à faire sortir San Martín de ses gonds. Lui d'ordinaire d'une patience à toute épreuve, le voilà qui explose. Le souffle de cette bombe morale n'a pas beaucoup perturbé Riva-Agüero. Et pourtant, même Videla et consorts en ont pris d'avance pour leur grade. * * *
En anglais (chacun de ces textes est présenté avec sa traduction en vis-à-vis) Quelques proches de San Martín dont on a des portraits authentiques (parfois très éloignés de nos standards esthétiques)
William Miller (le même qui s'appelle Guillermo au Chili et au Pérou). Le western dont je vous parlais plus haut, c'est en anglais qu'il intervient. Avec Indiens, chevaux, verroteries, beuveries en règles, tuniques-bleues et en arrière-plan, un fort militaire. Il ne manque que les bisons et le travelling ! Miller écrivit ses mémoires en 1827. Elles parurent en deux volumes à Londres en 1828 pour le tome 1 et l'année suivante pour le second. Profitant d'un intérêt considérable de l'opinion publique, surtout dans sa partie libérale, pour la révolution américaine dans toute l'Europe atlantique, elles connurent un extraordinaire succès de librairie, avec plusieurs rééditions en trois ans et une version hispanophone qui parut dans la foulée de l'édition originale. Elles étaient le premier témoignage d'un acteur des événements. Avec les carnets de voyage de Basil Hall (voir plus bas), elles constituent, surtout dans l'hémisphère nord, la base documentaire de l'historiographie de la révolution indépendantiste en Amérique du Sud (2).
Samuel Haigh. Ce négociant, aussi hardi que britannique, serait né en 1795 en Angleterre. A part sa présence en Amérique du Sud dans les années 1817-1822 et la parution de son livre à Londres en 1829 (un grand succès de librairie qui lui valut plusieurs rééditions), on ignore tout de sa vie et de sa mort. Il écrit très bien et il rend compte des événements auxquels il a pris part sans chercher à se donner plus d'importance que vraisemblable. Il semble très fiable. Mais on sait si peu de choses de lui qu'il est difficile d'aller plus loin dans le jugement. Sa description de la bataille de Maipú (5 avril 1818) constitue un tableau presque cinématographique que vous ne serez pas près d'oublier.
Basil Hall, Edimbourg, 31 décembre 1788 – Portsmouth, 11 septembre 1844, Ecossais. C'est un observateur des événements du Pérou que je vous ai déjà présenté l'année dernière. San Martín l'a en effet reçu lorsqu'il était au mouillage dans un chenal du port du Callao, près à faire tomber la forteresse royaliste de Lima. C'est alors, le 15 juin 1821, qu'il lui avait expliqué le pourquoi de sa stratégie de non violence. Je vous renvoie donc à cet article que j'ai publié en novembre 2012. Capitaine du HMS Conway, Basil Hall fut envoyé par l'Amirauté britannique à Valparaíso pour veiller aux intérêts des commerçants britanniques établis depuis une trentaine d'années sur la côte de l'Atlantique sud. A plusieurs reprises, il eut à prendre des décisions politiques lourdes de conséquences sans avoir le temps de prendre ses consignes auprès de Londres. Doté d'une grande lucidité que l'on perçoit bien en le lisant, il eut la sagesse de choisir, discrètement mais sans hésitation, le parti des indépendantistes. Ses carnets de voyage furent publiés à Edimbourg dès son retour au Royaume-Uni, en 1824, sans remaniement significatif (mais sans doute avec un léger toilettage). Ce fut donc, avec le journal de Maria Graham publié en 1823, les tout premiers témoignages oculaires que les Européens purent lire sur des événements que les journaux leur racontaient, mal, depuis une quinzaine d'années. Or à l'égard de San Martín et en dépit d'un ton objectif, le livre de Hall était très laudatif. Cet ouvrage sur l'Amérique du Sud connut un succès foudroyant en Grande-Bretagne au point de susciter la même année une édition à Philadelphie, aux Etats-Unis, et cinq éditions écossaises jusqu'en 1827. La sixième parut en 1840 alors que Basil Hall souffrait déjà de la maladie qui allait l'emporter (3).
Thomas Cochrane, dit Lord Cochrane, plus tard dixième comte Dundonald, Annesfield (1)14 décembre 1775 – Londres, 31 octobre 1860, pair d'Ecosse, Ecossais. Pendant les guerres napoléoniennes, nos ancêtres l'avaient surnommé "Le loup des mers" tant ils redoutaient de l'affronter sur les flots. L'oligarchie chilienne en a fait un grand héros national parce qu'elle a considéré qu'il avait fondé la Marine nationale. En fait, il n'a passé que deux ans dans le pays et ses rapports avec les autorités de cette époque ont été d'emblée des plus houleuses. Psychopathe patenté et ambitieux venimeux, c'est la tête à claques de service du film. San Martín a été un saint de le supporter aussi longtemps. L'homme avait cependant de grandes qualités : c'était un excellent marin, un tacticien téméraire et un combattant qui débordait de courage physique. Il est d'ailleurs mort très âgé au cours d'une opération rénale. En 1860, à 85 ans, il fallait du cran pour accepter de passer sur le billard, pour la deuxième fois de surcroît ! Et malgré son passé terni dont il ne fut jamais pleinement relevé (4), il fut enterré dans Westminster Abbey, en haut de la nef, devant le chœur. C'est là tous les ans, au mois de mai, que l'Ambassade de la République chilienne près la Cour de Saint James vient honorer sa mémoire. Voir la note le concernant sur le site Internet de Westminster Abbey (en anglais, avec une photo de la tombe fleurie par les Chiliens qui parle sans avoir besoin de traduction). Voir sa longue fiche (en anglais) sur le site History of the Parliament déjà cité. Voir enfin sa fiche sur le site Internet de la pairie britannique (The Peerage) qui le disculpe dans le scandale de la Bourse de Londres en 1814.
John Murray Forbes, Saint-Augustine (5), 13 août 1771 – Buenos Aires, 14 juin 1831. Citoyen des Etats-Unis d'Amérique. Son lieu de naissance laisse supposer qu'il était bilingue anglais-espagnol. Consul des Etats Unis à Hambourg, puis à Szczecin (Pologne) et enfin à Buenos Aires de 1820 à 1825, puis Chargé d'Affaires (Ambassadeur faisant fonction) de 1825 à 1831. En 1821, il a vu Buenos Aires se noyer dans la liesse lorsque arriva l'annonce de la chute de Lima aux mains de San Martín. Depuis 1892, il est inhumé dans le carré britannique (protestant) du cimetière de la Chacarita. Voir sa modeste fiche sur le site officiel Office of the Historian de l'US Department of State.
Maria Graham, Cockermouth (1), 19 juillet 1785 – Londres, 21 novembre 1842, Ecossaise. Groupie sophistiquée de Lord Cochrane, elle en a adopté les analyses délirantes. Vous ne serez donc pas étonnés d'apprendre que l'oligarchie chilienne a inscrit son nom au panthéon des personnages que la nation se doit de vénérer. C'est qu'elle est le premier écrivain de langue anglaise à avoir parlé du Chili naissant. Il est vrai que ses propos sont beaucoup plus aimables envers O'Higgins qu'envers San Martín qu'elle hait d'une haine irréductible sans même s'aviser que les deux hommes travaillent main dans la main et poursuivent ensemble les mêmes buts politiques. Maria Graham, admirable illustratrice, se fit aussi connaître et admirer en Grande-Bretagne comme auteur de littérature enfantine, une pionnière du genre. Contrairement à celle de son homologue la comtesse de Ségur, son œuvre est bien oubliée aujourd'hui.
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En français
Quelques uns des amis très proches de San Martín qui apparaissent dans mon livre
Adolphe Gérard, Boulogne-sur-Mer, 1804- ibidem 1878, Français. C'est lui qui écrivit la toute première des nécrologies de San Martín, qui est aussi la plus exacte. Quelques jours plus tôt, il avait assisté à ses derniers moments, au deuxième étage de sa grande maison de la Grande-Rue, l'artère principale de Boulogne-sur-Mer, qui monte du port vers la somptueuse citadelle médiévale et sa culminante cathédrale.
Gabriel Lafond de Lurcy, Lurcy-Lévis (6), 25 mars 1801 – Paris, 11 avril 1876, Français (7). Lui aussi, je vous l'ai déjà présenté l'année dernière au sujet de la politique de San Martín à Lima. Comme Miller, Gabriel Lafond est un enquêteur consciencieux et précis qui tâche de confronter ses souvenirs et ses analyses personnelles à la consistance des documents historiques. Une manière de faire qui est loin d'être habituelle sous la Monarchie de Juillet, qui se sert encore de l'histoire pour manipuler l'opinion publique et l'orienter dans le sens où la classe dominante veut qu'elle aille.
José de San Martín (le même que plus haut !). Et cette fois, dans notre langue. Emouvant, non ?
Gabriel-Antoine Miéville, Grandson (8), 21 septembre 1766 – Lausanne, 9 août 1852, citoyen de la Confédération helvétique. Cet intellectuel brillant est l'auteur d'une somme en deux volumes sur la révolution (de 1789) en Suisse qui fait pendant avec les travaux français de Jules Michelet à la même époque. Un grand révolutionnaire vaudois dont le regard alpin sur l'épopée de San Martín est d'autant plus intéressant qu'il parle alors avec le recul de l'âge (il a cinquante ans quand San Martín commence à faire connaître son nom en Europe). En général, on n'oublie pas de regarder les événements depuis Paris (ou depuis Londres, voire depuis Madrid) mais depuis les Alpes, on ne pense presque jamais à le faire et pourtant ça vaut le coup, surtout lorsqu'il y a de la traversée des Andes dans l'air et bien davantage encore lorsque l'Europe se soumet au conformisme réactionnaire de la Restauration post-Waterloo.
Domingo Faustino Sarmiento, San Juan, 15 février 1811 – Asunción, 11 septembre 1888. Argentin. En français, lui aussi ! (9) Un art consommé de dire à peu près le contraire de ce que pensait San Martín tout en faisant croire aux Parisiens qui le lisaient qu'il lui composait un honnête panégyrique et de fait, messieurs les distingués membres de la Société historique de France s'y sont laissés prendre. Linguistiquement, c'est admirable (Sarmiento est considéré, à juste titre, comme un grand écrivain de langue espagnole et vous allez voir qu'en français, ce n'est pas mal non plus). Politiquement, sa démarche est beaucoup plus discutable et même cet asservissement de l'histoire à des buts politiques partisans a de quoi choquer le lecteur du XXIème siècle. Et c'est ce que ressentit San Martín lui-même, qui ne s'en laissa pas compter. C'est aussi ça, Sarmiento : le croisement entre un autodidacte indubitablement génial (10) et un politicien déjà madré et tortueux à l'âge de trente-six ans.
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La plupart de ces auteurs se retrouvent à plusieurs endroits du livre, à chaque fois que leur chemin croise celui de notre héros. Parfois à des époques très éloignées l'une de l'autre. Presque tous sauf d'une part Remedios de Escalada, dont on n'a que fort peu de traces écrites, et d'autre part Lord Cochrane et Maria Graham, parce que recourir à plusieurs reprises à leurs témoignages ne présentait pas d'intérêt particulier dans le cadre d'un livre qui s'adresse au grand public (11).
Quelques unes des personnalités hostiles à San Martín
(il y en eut peu mais la violence de l'opposition pallie le petit nombre)
San Martín par lui-même et par ses contemporains couvre une période qui va de juillet 1789 jusqu'à novembre 1850. Les documents se succèdent dans l'ordre chronologique des événements dont ils témoignent pour en rendre la lecture fluide, comme celle d'un roman épistolaire. En fin de volume, une table des matières donne les sources que j'ai utilisées pour composer ce recueil et un peu plus tôt déjà, pour écrire San Martín à rebours des conquistadors.
Prochain épisode : mardi prochain Nous nous retrouverons pour fêter l'anniversaire de naissance de José de San Martín le 25 février. J'ai l'idée de vous emmener à nouveau sur les côtes péruviennes observer avec Basil Hall le comportement informel de San Martín au jour le jour sur sa petite goélette baptisée Moctezuma.
Le bon de souscription de San Martín par lui-même et par ses contemporains, accompagné d'une présentation succincte inspirée de la quatrième de couverture, est à télécharger sous un format imprimable sur mon site Internet (pdf). Pour lire tous les articles relatifs à ce nouvel ouvrage, cliquez sur le mot-clé SnM ant Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. D'autres informations sont disponibles sur le site Web de la maison d'édition, les Editions du Jasmin.
(1) en Ecosse
(2) Les ouvrages ultérieurs, ceux de Samuel Haigh, William Bennett Stevenson (secrétaire de Lord Cochrane), John Parish Robertson et Gabriel Lafond (en français), profiteront de cette vogue et se vendront eux aussi comme des petits pains. Les Sud-Américains en bénéficieront également en publiant leurs sommes historiques à Paris, comme Carlos Calvo et d'autres qui établiront des collections documentaires colossales et prépareront ainsi le travail de Bartolomé Mitre, considéré en Argentine comme le père de l'histoire. Samuel Haigh, Gabriel Lafond, Carlos Calvo font partie des sources que j'ai consultées. William Bennett Stevenson et John Parish Robertson, non. Stevenson fit paraître les trois volumes de ses mémoires en 1825. Elles furent traduites en français dès l'année suivante mais il s'agit d'un ouvrage servile et indignement obséquieux à l'égard de Lord Cochrane, dont la personnalité en fait un témoin lui-même fort peu crédible. En ce qui concerne San Martín, Stevenson travaille surtout à le discréditer et à déconstruire l'impression favorable laissée par les deux volumes de Basil Hall. Et c'est dans cette âpre et mesquine polémique que Miller revint à Londres en 1827, pour une permission de deux ans, qu'il occupa à écrire ses propres mémoires. Plus tard, Gabriel Lafond ne s'y trompa pas : pour ne pas s'appuyer sur l'ouvrage de Stevenson dont il voyait qu'il était beaucoup trop partial, il s'adressa à San Martín en personne, à Paris pour recueillir de sa bouche ses propres analyses, tout en sachant qu'il n'aimait guère aborder ces sujets en dehors du cercle latino-américain établi ou de passage en France. Et il fit bien car il reçut ainsi un dépôt inestimable dont je vous parlerai plus tard dans le cadre de la souscription en cours. Quant à Parish Robertson, il ne faut pas être grand clerc pour l'écarter d'emblée : ses pages, publiées très tardivement entre 1838 et 1843, sont remplies de rodomontades, de calembredaines et autres bobards, visibles comme le nez au milieu de la figure, qui le disqualifient tout de suite. L'homme se présente comme un simple négociant, en affaire en Amérique du Sud (partout et tout le temps, contrairement à un Samuel Haigh, installé une fois pour toutes à Santiago). Selon les versions les plus aimables, il aurait appartenu à un groupe de colons écossais qui s'installèrent dans la Province de Corrientes sur l'initiative de Bernardino Rivadavia (mais il vite en Grande-Bretagne sous le règne de Victoria). La vérité historique participe sans doute fort peu de l'utopie des pionniers. La lecture des souvenirs qu'il a publiés au Royaume-Uni le désigne plutôt comme un agent secret de Sa Gracieuse Majesté : il a tous les coups fourrés de l'espion politique, militaire et économique. Il nous plonge en pleine époque romantique entre un film de James Bond et une version des Barbouzes façon Alexandre Dumas. L'homme a cependant été un habile charlatan pour ses contemporains qui, ne disposant pas de toutes nos sources, ne pouvaient sans doute que difficilement détecter ses impostures. A noter que pour autoriser ses propos, il présente ses chapitres comme autant de lettres envoyées (on se demande bien quand, pourquoi et comment) au général William Miller, le tout en suivant un plan inutilement compliqué qui noie le poisson. (3) Sans doute la syphilis, car il a fini ses jours dans un asile d'aliénés et à cette époque-là, les asiles d'aliénés abritaient essentiellement des hommes syphilitiques. (4) Il avait fait un an de prison pour un très grave délit financier en 1814-1815. (5) En Floride, qui appartenait encore à l'Empire espagnol. (6) Dans l'Allier (France) (7) Informations dues au travail du professeur A. Darío Lara (1918-2009) (8) Canton de Vaud, en Suisse (9) Sarmiento est l'un des trois grands intellectuels qui a fondé la pensée dominante argentine, avec Juan Bautista Alberdi et Bartolomé Mitre. On lira ici dans sa version originale un texte que les Argentins ne connaissent que sous une forme retravaillée ultérieurement par Sarmiento lui-même, qui l'a traduit en espagnol. (10) Il a à peine fréquenté l'école, qu'il a quittée quand il avait une dizaine d'années parce que la pauvreté de sa famille l'obligeait à gagner sa vie. Or à l'âge de 36 ans, il signe là, en français, un étincelant mémoire qui le fait entrer dans le saint des saints des historiens les plus distinguées d'un pays qu'on considérait encore alors comme le plus avancé sur le plan intellectuel, culturel et scientifique. (11) En revanche, les épistémologues de tous poils, qu'ils soient spécialisés dans l'histoire américaine, dans la charnière des XVIII et XIXèmes siècles ou dans la psychologie clinique, se régaleront de leurs délires, lubies et autres arrogantes psycho-rigidités de sujets de Sa Gracieuse Majesté incapables du moindre effort d'adaptation culturelle au monde sud-américain, une incapacité d'autant plus visible que les autres Britanniques, Basil Hall, Samuel Haigh et William Miller s'intègrent en souplesse.