Le volume exponentiellement croissant d'informations personnelles récoltées sur Internet, légalement ou illégalement, pose le problème du rapport à l'Internet comme espace public.
Internet est-il encore réellement un espace public ? Aujourd'hui, il semble que la réponse soit encore positive : les internautes y entrent en leur nom, sont traçables en cas de manquement aux règles et lois, et déploient une réelle identité numérique. Cependant, cette hypothèse ne cesse de souffrir depuis plusieurs années avec le développement des dérives liées aux informations personnelles. Une récente étude publiée dans l'International Journal of Engineering Trends and Technology pose ainsi implicitement la question de la sécurisation des données. Le chercheur décline un véritable guide destiné à offrir la meilleure sécurisation possible des données contre la surveillance, par nature illégale, évoquée par les récents scandales. Cependant c'est dans la réponse apportée qu'émerge le problème, pour une sécurisation optimale, l'utilisateur doit devenir anonyme.
TOR
Qu'on soit ou non familier des systèmes informatiques, le nom de TOR jouit d'une reconnaissance certaine. Du moins, à défaut de TOR, a-t-on entendu parler, une fois au moins du Darknet. The Onion Router (TOR), est un programme permettant de se connecter à Internet via plusieurs milliers de relais que constituent un relais de volontaires, les couches métaphoriques de l'onion, afin d'offrir une navigation proprement anonymisée. Si en théorie ce système apparaît particulièrement utile, il est d'abord reconnu comme moyen d'accès au Darknet, ces sites non répertoriés par les moteur de recherche, médiatisés surtout pour leur caractère illégal. Pour les universitaires Kashyap et Boominathan, co-auteurs de l'étude, l'utilisation de l'outil ne le rend pas par essence mauvais. Bien au contraire, ceux-ci préconisent ainsi pour les internautes l'utilisation de ce système comme le meilleur moyen de sécuriser les données personnelles émises sur la Toile, étant donné le caractère presque complètement anonyme du procédé. Si l'on comprend aisément l'approche pratique des chercheurs, cette question de l'anonymat soulève de nombreux enjeux. Avec l'apparition des objets connectés qui devraient être plus de 50 milliards à l'orée 2020, la monétisation, la valorisation des données personnelles, dans l'approche individualisée du client, est devenue centrale.
Régression : de l'individu vers l'anonyme
On peut aisément considérer que de tels conseils se rapprochent de l'approche paranoïaque, tout comme la recrudescence anecdotique de l'utilisation de téléphones publics pour se protéger des écoutes illégales. Cependant, cette étude montre bien une certaine tendance et incarne les questionnements soulevés, à des degrés divers, par la protection des informations individuelles. L'émergence de l'Internet des Objets et la transition vers une économie encore plus dématérialisée basée sur les services numériques doit, dès lors, bien s'accompagner d'une politique strictement réglementée en matière de traitement des données. De fait, si l'anonymat des données devenait la norme, peut-être nous fermerions nous, au nom d'une tentative de contrôle absolue de nos données, à une dynamique d'innovation qui au contraire tend à remettre l'individu au coeur du processus économique, de la conception à l'utilisation.