Le couple franco-allemand : toujours lié mais de moins en moins exclusif ?

Publié le 21 février 2014 par Delits

Ce mercredi s’est tenu le 16ème Conseil des ministres franco-allemands, symbole de la coopération entre les deux pays initiée en 1963 par le Président Charles de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer lors de la signature du Traité de l’Elysée. Au programme des discussions de cette nouvelle rencontre : la convergence économique et sociale entre les deux pays, les modalités d’une coordination pour la transition énergétique et la relance de la politique de défense européenne. Cette réunion nous donne ici l’occasion de faire le point sur la perception par les deux populations des relations qu’entretiennent la France et l’Allemagne.

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Une belle histoire pour un couple gagnant-gagnant

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Invités à l’occasion des 50 ans du Traité de l’Elysée à juger la coopération franco-allemande, 87% des Français et 90% des Allemands en tirent, selon un sondage IFOP pour l’Ambassade d’Allemagne à Paris, un bilan plutôt positif. Dans des proportions identiques, près de 9 habitants sur 10 des deux côtés du Rhin estiment que les liens privilégiés entre les deux nations engendrent des conséquences bénéfiques pour leur pays.  Au regard de ces chiffres, la réconciliation des deux nations autrefois ennemies apparait comme une franche réussite aux yeux de leurs citoyens. Au point même que leur relation semble aujourd’hui relever de l’évidence.  Dans le baromètre des relations franco-allemandes, mené par l’institut Harris Interactive pour la Fondation Genshagen et l’Institut Montaigne, Français et Allemands se désignent spontanément comme des partenaires privilégiés en Europe. Dans la dernière édition en date, menée à la rentrée 2013, plus de 9 Français sur 10 mentionnent en effet spontanément l’Allemagne comme le partenaire le plus important de la France parmi les pays de l’Union européenne. La réciproque est vraie également pour un peu plus de 8 Allemands sur 10. Les deux qualificatifs choisis par les Français et Allemands pour exprimer le mieux les relations entre les deux pays sont dès lors le partenariat (terme choisi par 69%des Français  et 59% des Allemands) et l’amitié (30% et 40%).

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Des relations plutôt au beau fixe

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L’histoire du couple franco-allemand semble donc être celle d’un rapprochement progressif puis d’une belle entente. En dépit des discussions qui opposent parfois leur gouvernement, notamment sur les solutions à adopter face à la crise de la dette ou concernant des opérations extérieures, Français et Allemands conservent  une bonne image les uns des autres : 85 % des Français déclarent avoir une bonne image de l’Allemagne, et inversement, 87 % des Allemands portent un regard positif sur la France. Dans chacun des pays, environ deux tiers des habitants indiquent même avoir une « très bonne » image de l’autre. En outre, les deux peuples estiment que les relations qu’ils entretiennent sont aujourd’hui plutôt de bonne qualité. Notons toutefois que sur ce point, les Allemands apparaissent un peu plus positifs que les Français, nous y reviendrons (notes moyennes respectives de 7 et de 5.9 attribuées à la qualité de leur relation). Si le climat diplomatique entre les deux gouvernements peut influer pour partie sur ce sentiment, il n’en demeure pas moins que Français et Allemands qualifient globalement toujours positivement leur relation. Et que dans l’enquête IFOP, une majorité déclare que la situation économique tendue (crise économique, négociations dans le cadre de l’avenir de la zone euro, etc.) n’affecte pas l’image portée sur l’autre pays. 30% des Français indiquent même plutôt que cette situation a contribué à améliorer leur image de l’Outre-Rhin.

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Des motifs d’admiration mutuelle

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Si le couple franco-allemand perdure, cela est sans doute parce qu’il s’appuie sur des motifs d’admiration réciproque, même si ceux-ci ne sont pas exempts de clichés. Spontanément, les Français associent surtout à l’Allemagne sa chancelière, Angela Merkel – qui semble capable de personnaliser à elle seule le pays – la bière, sa capitale Berlin et les automobiles, avant même de parler du nazisme ou de la guerre puis de la Chute du mur de Berlin. De l’autre côté, les Allemands se focalisent avant tout sur Paris, sa tour Eiffel, la gastronomie française ou encore les richesses touristiques du pays. D’un côté, on entrevoit donc des Français envieux de la réussite économique de leur voisin et admiratifs de la longévité politique d’Angela Merkel, quand de l’autre les Allemands semblent apprécier le mode de vie « à la française » et le patrimoine de notre pays.

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Plus précisément, quand l’institut SEPREM demande aux deux peuples, pour le magazine Paris-Berlin, quels éléments chez l’autre mériteraient de servir de modèle, les Français plébiscitent chez leur voisin allemand l’organisation du travail (48%) et la politique budgétaire (42,4%) avant le système éducatif (37,6%) et le dialogue social (29,5%). Quant aux Allemands, ils semblent nous envier l’art de vivre français (43,9%), et la politique familiale (29,1%) qui permet plus facilement de concilier vie professionnelle et vie de famille. En cohérence avec ces résultats, un sondage réalisé par Harris interactive pour Jolpress sur le modèle allemand montre que les Français considèrent en majorité que la situation de l’Allemagne est préférable à celle de la France dans de nombreux  domaines, principalement d’ordre économique: croissance économique (76%), commerce extérieur (73%), déficits publics (62%), négociation syndicale (60%), voire fiscalité (46% estiment qu’elle est meilleure en Allemagne, 12% France) et salaires (50% « meilleure » en Allemagne). En revanche, ils semblent préférer le droit du travail et les prestations sociales français à leurs équivalents allemands. Si les deux pays ne se ressemblent pas, chacun reconnaît donc à l’autre des qualités importantes.

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Mais une relation jugée déséquilibrée

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Le tableau des relations franco-allemandes dessiné par les deux populations apparaît donc plutôt positif. Toutefois nuançons en précisant que la relation semble souffrir d’un déséquilibre, particulièrement aux yeux d’un des membres du couple. Ainsi, si 85% des Allemands estiment que les relations entre les deux pays sont équilibrées, c’est-à-dire que les deux pays négocient ensemble d’égal à égal), 41% des Français expriment un avis contraire. En outre, 86 % des Français jugent qu’avec la crise, l’Allemagne s’est affirmée comme le pays dominant en Europe, quand la réciproque n’est partagée qu’à 58 % Outre-Rhin.

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Par conséquent, l’admiration n’est pas exprimée avec autant d’intensité des deux côtés. Si 63% des Français estiment que la France gagnerait à s’inspirer du modèle social et économique allemand, ce n’est le cas que de 29% des Allemands, soit un écart notable de 34 points. Et les Allemands indiquent surtout ressentir à l’égard de la France de la sympathie (65%) quand les Français éprouvent également ce sentiment (26%) mais surtout du respect (33%).

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Ce sentiment explique sans doute pourquoi les Français sont aujourd’hui moins positifs sur les relations franco-allemandes. En effet, selon la dernière étude en date, 40% des personnes interrogées dans l’Hexagone jugent « mauvaises » les relations entre la France et l’Allemagne, ce qui n’est le cas que de 17% des Allemands.

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 Une non-exclusivité, particulièrement au sein des nouvelles générations

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De plus, les deux membres du couple ne semblent plus avoir tout à fait la même conception du caractère exclusif ou, à tout le moins, privilégié de la relation franco-allemande. Aujourd’hui, une proportion non négligeable de Français (44%) et surtout une large majorité d’Allemands (72%) indiquent vouloir qu’au sein de l’Union Européenne, leur pays traite tous ses partenaires à égalité, sans privilégier l’autre membre du couple franco-allemand. Ce chiffre apparaît de plus en forte hausse en Allemagne (58% en décembre 2010 et 62% en juin 2012). Dans une autre enquête Ipsos réalisée pour le Monde, les Français déclaraient d’ailleurs en 2012 souhaiter que le prochain Président privilégie une dynamique européenne plus collective (52%) et non qu’il mette l’accent sur le couple franco-allemand (10%). Le moteur franco-allemand n’apparait plus en mesure de tirer seul la construction européenne. Relevons d’ailleurs que dans le sondage rendu public dans le magazine Paris-Berlin, quasi autant de Français déclaraient se sentir proches avant tout de l’Espagne (22%) que de l’Allemagne (25%). Et que les Allemands plaçaient les pays scandinaves quasi à égalité avec la France (21% et 20%). Le couple franco-allemand est donc apprécié par les habitants des deux pays mais ne doit pas faire oublier selon eux les liens tissés avec les autres pays de l’Union Européenne. La relation franco-allemande semble de fait rester assez « froide » et ne pas susciter d’affection ou d’identification positive : en aucune manière, les Français envisagent de vivre en Allemagne et vice-versa. 49% des Français estiment qu’il est plus agréable de vivre en France qu’en Allemagne pour 9% seulement d’avis contraire. Et seuls 47% des Allemands estiment que le mode de vie au quotidien des Français est compatible avec le leur, dont seulement 7.6% tout à fait.

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Autre signe d’un potentiel affadissement des relations franco-allemandes, le regard porté par les jeunes générations : non seulement les plus jeunes semblent moins s’intéresser à l’autre pays, mais ils qualifient également les relations franco-allemandes de moins importantes et les souhaitent moins exclusives. Ainsi, « seuls » 50% des Français de moins de 35 ans et 61% des Allemands du même âge déclarent s’intéresser à ce qui se passe dans l’autre pays, contre respectivement 72% et 73% chez les personnes âgées de 55 ans et plus. Selon un sondage HuffingtonPost réalisé en janvier 2013, 56% des jeunes de 18 à 34 ans des deux nations qualifient en outre l’amitié franco-allemande d’importante, ce qui constitue un différentiel de 20 points de moins que leurs aînés de plus de 55 ans. Dans la majorité des enquêtes, les plus jeunes apparaissent ainsi légèrement en retrait : 50% des jeunes français et 76% des jeunes allemands plaident par conséquent pour des relations à égalité avec tous les pays de l’UE, sans privilège accordé à l’autre membre du couple franco-allemand. Peut-être les jeunes générations, moins marquées par la guerre, considèrent-elle que l’amitié franco-allemande ne revêt pas de caractère prioritaire.

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L’avenir des relations franco-allemandes, des coopérations technologiques ?

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Si le caractère équilibré ou privilégié de la relation franco-allemande, dans le contexte d’une Europe désenchantée, est interrogé, chacun des deux peuples montre néanmoins son désir de voir cette relation perdurer. Ainsi,  72% des  Français ont confiance dans la pérennité des relations entre les deux pays, et 81% côté allemand.

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Dès lors, quelles pistes les deux nations entrevoient-elles pour la poursuite de leur relation bilatérale ? Le sondage de l’IFOP esquisse quelques voies : pour véritablement renforcer les liens entre l’Allemagne et la France, les deux pays estiment qu’il faut prioritairement développer des programmes communs de recherche, par exemple en haute technologie (33% des Français et 24% des Allemands) quand les Français attendent tout d’abord des actions pour favoriser les rapprochements entre les entreprises françaises et allemandes (38% pour 18% des Allemands) et que les Allemands parlent davantage de renforcer les échanges entre les deux populations notamment à travers des échanges d’étudiants ou des jumelages de ville (24% pour 13% des Français). Les différences de cheminement souhaité illustrent de nouveau ce que chacun admire et souhaite transposer de l’autre à l’intérieur de ses frontières mais démontrent une volonté commune de continuer à avancer ensemble. De plus, notons qu’environ trois-quarts des répondants indiquent être favorables à l’harmonisation de la réglementation du travail, mais aussi de la fiscalité entre les deux pays, ainsi qu’à la création d’une agence publique de l’emploi franco-allemande qui aiderait les Français à trouver un emploi en Allemagne et les Allemands à trouver un emploi en France. Autant d’évolutions qui feront sans doute l’objet de discussions lors de ce conseil des ministres commun, destiné à redonner un élan à une relation récemment malmenée.

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Cette analyse a également été publiée sur le site d’Atlantico