Né en 1882 à Lamballe (de toute manière quand on s’appelle Mathurin, il y a de grandes chances pour être né à l’Ouest de l’Oust…), il se forme aux Beaux-Arts de Rennes puis aux Arts décoratifs à Paris. Dans le même temps, il obtient un poste d’illustrateur dans une revue prestigieuse (Art & Décoration, oui, oui, la même revue que vous voyez encore en kiosque). Sa passion de la mer le rattrape et il rejoint Roscoff, pour illustrer une Etude de la mer, flore et faune de la Manche et de l’Océan éditée par la station de biologie marine. Il part ensuite au Japon grâce à la bourse Autour du monde financée par Albert Kahn, d’ailleurs réservée en principe aux jeunes agrégés, ce que n’était pas du tout Méheut. Le Japon le marquera notamment par son art de « l’essentiel », avare en moyens et artifices graphiques. En 1914, il quitte brusquement le Japon : la France est en guerre. Il est envoyé dans l’enfer des tranchées et en reviendra couvert de boue, de sang, de larmes, de gloire et… de croquis. Démobilisé en 1919, il se consacre entièrement à son art, en plus de son enseignement à l’école Boulle et à l’école Estienne.
Son œuvre est immense, ce touche-à-tout a été extrêmement prolifique, avec du très bon, et, il faut l’avouer, du « commercial » plus convenu. Que peut-on en retenir ?
Mathurin Méheut est un artiste du geste. Il prend plaisir à dessiner et peindre les hommes (ou les animaux) en action : du poilu au marin, en passant par la bigoudène et la japonaise en tenue traditionnelle, ce qui l’intéresse, c’est l’homme dans son environnement et dans son travail. Toutes les œuvres de Méheut sont habitées et bien vivantes. Il est visiblement fasciné par les pêcheurs pêchant, les animaux s’animant et les soldats… guettant. Un véritable éloge du quotidien !
Méheut choisit de suggérer. L’attitude et l’intention comptent plus que le souci du détail. En quelques traits, il croque une scène et tout est dit. Les visages sont toujours absents (d’ailleurs, beaucoup de peintures voient leurs modèles de dos), les corps étant souvent à la limite de la caricature. Son art est très graphique, la couleur ne venant qu’approfondir ce qui a été suggéré par le trait, les techniques utilisées (aquarelles, pastels…) renforçant cette nébulosité de la couleur.
Le Faouët – cf cet article d’Artetvia
Enfin, Mathurin Méheut est un artiste breton… qui a surtout habité à Paris. Même s’il a peint le Japon, la Provence, les Vosges, la Sologne, etc. il revient toujours à la Bretagne et à la mer, avec une préférence pour le pays bigouden et Quimper. Il y trouve une source inépuisable d’inspiration. Tout à fait conscient que cet univers de paysans, de goémoniers, de femmes en coiffe et de barques à rames va disparaître rapidement, il s’est donné pour mission de le figer une fois pour toute dans le dessin et la couleur. S’il n’a pas souhaité participer au Seiz Breur, ce mouvement breton qui avait pour but de renouveler l’art breton, loin des clichés à la Théodore Botrel et aux « biniouseries », Méheut est resté très proche de la Bretagne traditionnelle sans pour autant tomber dans un folklore aussi idéal que faux, de nombreux illustrateurs de son temps basculant dans une vision vraiment kitsch de la Bretagne.
Ses oeuvres ne suscitent sans doute pas de vives émotions, néanmoins elles dégagent beaucoup de charme, où l’on sent pointer la tendresse qu’avait le peintre pour sa région, ses habitants et leur travail. A découvrir donc et à apprécier !N’hésitez pas à visiter le musée qui lui est dédié à Lamballe : http://www.musee-meheut.fr/fr/accueil.html