Pour se prémunir des effets d’une abstention stratosphérique prédite par les oracles médiatiques aux prochaines élections municipales des 23 et 30 mars 2014 prochains, le gouvernement initie une campagne de sensibilisation intitulée OuiJeVote. Il s’agit d’effacer le souvenir des élections de 2008 où l’abstention avait été massive. Au premier tour, seuls 66,5% des Français avaient voté. Ce taux était le plus faible enregistré à ces élections depuis 1959.
Chaque scrutin donne lieu à une campagne rappelant les règles en vigueur et les enjeux attachés au scrutin. Elle s’inscrit dans les pas de celles qui ont précédé. Il est d’usage que ce type d’initiative civique, informative et non partisane soit orchestrée par le ministère de l’Intérieur. Même si les prévisions d’abstention sont plus handicapantes pour la gauche, cette campagne est présentée comme un outil d'incitation à l’acte de voter et aux conditions qui caractérisent les élections des conseils municipaux. Cela donne l’occasion au premier ministre d’endosser le costume chéri du pédagogue. Il faut expliquer !
Techniquement, la campagne OuiJeVote joue son rôle http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/elections-municipales-ouijevote-la-campagne-pour-les-municipales-2014. Le citoyen est mis en présence de visuels qui expliquent les nouvelles modalités qui caractérisent le scrutin : communes de moins de 1000 habitants, communes dont la population est comprise entre 1000 et 3499 habitants, communes de plus de 3500 habitants, scrutin municipal couplé, pour ces deux dernières, avec l’élection des conseillers communautaires... Lisibilité et graphismes jouent de concert pour ne receler aucune chausse-trappe. La communication est réussie. Une plaquette papier relaye l’information. La campagne a fait le choix d’être présente sur plusieurs supports : radio, presse écrite…
La déclinaison de la campagne mise en ligne sur le site OuiJeVote cible les jeunes électeurs et en particulier les 18-24 ans qui n’étaient que 41% à avoir voté au premier tour des élections municipales de 2008. Le site comprend deux applications de partage de vidéos sous système Vine, le plus utilisé sur le marché, très apprécié de la génération cible. L’une «Vous aimez liker? Votez », fait référence à Facebook. On reconnaît le bouton du premier des réseaux sociaux. https://vine.co/v/MZWHDmBbu70 L’autre, « Voter, c'est tweeter en vrai » https://vine.co/v/MZWXhqDe0WI fait référence à Twitter par la présence du mot-clé « dièse ».
Le ministère de l’Intérieur espère, par cette campagne qui fait la part belle au Net, « fédérer une communauté de discussion sur ce sujet ». Toutefois, en voulant faire un clin d’œil aux usagers des réseaux sociaux, les communicants sollicités par la place Beauvau font mine de considérer que le geste civique équivaut à celui de tweeter ou de « liker ». C’est à la fois mal comprendre la société numérique et les enjeux citoyens qui concernent la participation électorale. Si voter, c’est tweeter en vrai, voter est assimilé, par l’effet d’égalité entre les deux termes de la proposition, à un choix d’humeur qui peut toujours être immédiatement remis en cause. Il est possible de tweeter le contraire. A l’infini. L’électeur est-il le follower de l’élu ? Un like n'est pas l'équivalent d'un vote.
Que des élus aient, avec raison, décidés d’ouvrir une page Facebook et un compte Tweeter comme outils de dialogue et d’information témoigne simplement de l’attractivité des réseaux sociaux. Qu’un politique alimente régulièrement sa page Facebook, intervienne sur son compte Twitter ou Instagram dévoile qu’il joue la carte de la proximité avec le public, qu’il accepte les contraintes du lien direct sans passer par le biais des médias. Les communicants de Sarkosy semblent avoir intégré ces données en entretenant la rengaine des violons magiques de l’éternel retour. Ceux de Hollande ne paraissent pas avoir, pour l’instant, pris en compte les conditions de la communication dans une société au fort tropisme numérique. Les conférences de presse où 400 journalistes se bousculent mais où une douzaine parvient à poser une question ont la préférence de la cellule com de l’Elysée.
Ce qui est conforme à la finalité des réseaux sociaux pour un personnage public ne peut être transféré sans dommage aux fondements de la vie civique. Laisser croire que le vote est une métaphore d’un réseau social, c’est, tôt ou tard, faire la courte échelle à des politiques qui verraient d’un bon œil la fin de l’électeur au profit de l’internaute cliquant et cliquetant, sommé de répondre qu’il like. La démocratie en cinquante nuances de bleu marine : #Orwell2084 « Tweeter, c’est voter comme pour de vrai ».