« Un enfant ma mère », laissons les mots faire leur chemin en nous. Laissons apparaître l’enfant qu’était cette mère, enfant que l’on n’a pas connu, dont on ne sait pas les rêves, les peines, les jours. Et nous voilà dans un temps d’avant notre venue au monde. On ne peut que l’imaginer, tenter de passer outre les souffrances, le labeur de l’adulte qu’on a connue et qui fut « ma mère ». C’est « un » enfant, mais tout de suite on sait que c’est une fille, on pourrait dire immédiatement son nom, et pourtant, on ne la reconnaît pas. Trouve-t-on dans ses traits ceux de la femme déjà disparue ? Et l’amie qui est avec elle, aujourd’hui, est aveugle. Qu’est-ce que ce regard révèle donc ? C’est justement un présent au-delà de toute mémoire. Un présent qui m’est offert, qui me fait, moi, par la rencontre, par l’écoute des textes que lit Christiane Veschambre ce soir-là. Et par l’échange qui s’instaure entre nous.
D’où vient que l’on écrive ainsi, d’où vient cette voix qui se pose en nous réveillant des mots, des traces que l’on n’imaginait pas voir affleurer ? Croyant peut-être que les mots des autres nous sont extérieurs, alors qu’ils attendent, en nous, d’être remués pour laisser venir à la surface des ondes, des signes, de l’émotion, de la vie. La poésie de Christiane Veschambre est là, dans la vie, non pas dans un récit de vie dont on ne lirait que la chronologie, mais dans le verbe même, vivre, qui fait de nous des vivants et qui fait que nous pouvons nous y rencontrer.
« Un enfant ma mère » est le texte inédit par lequel Christiane Veschambre a terminé sa lecture, en ce début de février, lecture au cours de laquelle nous avons reçu d'elle des textes extraits de Passagères et Après chaque page.