Conclusion : Reporté à plusieurs reprises, Broken Age est enfin là et montre à quoi a servi l'argent récolté par sa campagne Kickstarter. Son écriture fantastique renvoie aux classiques du point 'n click, tandis que sa fluidité et son enrobage visuel et sonore en font un jeu moderne. Un premier épisode diablement prometteur !
4
Genre majeur dans les années ’80 et ’90, le point ´n click ne fait plus vendre depuis longtemps. Allez proposer à un producteur d’en réaliser un aujourd’hui et il vous rira au nez. Cela, c’est Tim Schafer qui nous le dit en 2012. Et il sait de quoi il parle puisqu’il a construit sa réputation dans ce style abandonné. Sa période de gloire, c’est celle du grand LucasArts où il réalise entre autres Day of the Tentacle, Full Throttle et Grim Fandango. Depuis ce dernier, le truculent Tim a exporté sa rock-attitude vers d’autres chemins avec sa société Double Fine, notamment la plateforme avec Psychonauts et le beat’em all STR avec Brütal Legend.
La liste des backers défile dans les crédits du jeu
Une distribution en épisodes, voilà qui n’est pas très catholique pour le chantre de la production participative. Les backers peuvent se lamenter, ils n’y pourront rien, les voilà confrontés aux affres du milieu. Cette autonomie que s’est autorisée l’équipe de Tim Schafer a montré ses limites, le budget du jeu final et ses délais de livraison ayant été dépassés plus que de raison. Mais si la liberté d’exécution a été bafouée, qu’en est-il de la liberté de création ? En gros, du Tim Schafer unchained, ça donne quoi ?
Un point ‘n click, c’est avant tout une histoire. Un scénario qui vous pousse à garder la souris en main. Sur ce point, Broken Age est – osons – sensationnel ! L’univers est proprement fantastique, original, plein d’idées, charmeur et suffit à faire le bonheur du joueur. Mieux, il n’y a pas un, mais deux univers. Deux actes qui se déroulent à des endroits différents sans aucun lien entre eux. Pourtant, on se doute dès le début que les deux mondes vont s’entrechoquer. Quand ou comment, impossible de le deviner.
Les deux univers sont personnifiés par deux adolescents : Vella la fille et Shay le garçon. Sur le premier écran du jeu (l’image en haut de l’article), on les voit côte à côte, séparés par… tout en fait. Vous dirigez votre pointeur vers la gauche, vous ouvrez l’histoire de Vella. Shay disparaît alors de l’écran mais reste présent en arrière-plan. À tout moment, vous pouvez en effet basculer d’un personnage à l’autre et changer d’univers à la volée. Si vous quittez Vella, elle vous attendra patiemment et vous la retrouverez exactement au même endroit. Sans autre transition qu’un écran noir de deux secondes. Bluffant à l’usage, ce basculement permet aussi de prendre l’air lorsque vous ne parvenez pas à résoudre une énigme. Quoique… ça ne vous arrivera pas souvent.
Si vous avez connu « l’âge d’or » du point ‘n click, vous vous souvenez certainement des heures passées à chercher la solution d’une seule énigme (de meeeeeerdeeeeee). Ces instants de solitude (y avait pas internet et ses soluces à l’époque) ont marqué les joueurs et en ont découragé beaucoup. Consciente que ces arrêts dans la progression ne sont plus de notre âge, l’équipe de Double Fine a diminué la difficulté générale. Qui, aujourd’hui, aurait suffisamment de patience pour rester bloqué sur une énigme, alors que les soluces sont à portée de navigateur ? Pas moi du moins et je me réjouis que la progression soit si fluide dans Broken Age.
De surcroît, cette facilité s’exprime de la bonne façon, sans qu’on s’en rende vraiment compte. Le jeu comprend ainsi six séquences isolées (à une seule mini-exception à ma connaissance) et y concentre toute votre réflexion. Concrètement, vous êtes enfermé dans un espace de quelques écrans et vous devez trouver la « sortie » avec ce que vous y trouvez. Heureusement, et c’est là qu’on attendait Broken Age, la résolution des énigmes n’en est pas moins loufoque que dans les classiques. Ici, on ne tue pas un monstre avec un pistolet classique, mais avec un… Quoi, un MONSTRE ?
Oui, et même un gros monstre appelé Mog Chothra. Une terreur à laquelle on sacrifie rituellement des jeunes filles en fleur pour éviter ses représailles. Pas n’importe quelles filles en plus, mais les demoiselles désignées pour avoir l’honneur d’être dévorées par Mog Chothra. Vella est l’une d’elles et fait la fierté de sa famille. Vella, elle, est beaucoup moins enthousiaste, et le décalage entre son point de vue et celui de ses proches est particulièrement savoureux.
Shay vit à l’opposé de ce monde pastoral. Depuis toujours, il séjourne dans un vaisseau spatial, avec une intelligence artificielle comme mère protectrice. Ses journées sont rythmées par son déjeuner, ses jeux puérils inventés par sa mère et ses discussions avec ses amis en peluche. Le rêve pour un enfant, mais le cauchemar pour un ado. Son obsession à lui est maintenant de découvrir l’univers en sortant de sa prison de crème glacée.
Hormis leur âge, difficile de trouver des points communs entre la non-conformiste Vella et le surprotégé Shay. Pourtant, leurs chemins vont se croiser à la toute fin de ce premier acte. Si la division du jeu est une mauvaise chose en soi, le découpage de cet épisode est parfait et tiendra le joueur en haleine jusqu’à la prochaine moitié. Quand le deuxième acte sortira-t-il ? On l’ignore encore et, à vrai dire, on ne croirait plus Tim Schafer même s’il nous donnait une date en le jurant sur la tête de Ron Gilbert. Il va donc falloir patienter en se remémorant le début de l’aventure.
Car cette première partie est clairement mémorable. L’écriture des personnages, principaux et secondaires, est géniale. Leurs répliques sont toujours drôles ou inattendues et sonnent juste grâce aux doublages (en anglais sous-titrés français) de très haute qualité. Les musiques jouées par un orchestre symphonique dépassent aussi nettement le niveau habituel des productions indépendantes (merci à la campagne lucrative sur Kickstarter). Visuellement ensuite, Broken Age est superbe aussi bien dans les plans serrés sur les protagonistes que dans les plans larges dignes de peintures. La vue rappelle évidemment celle des point ‘n click d’antan, avec son charme intact. Du charme, du style, une progression fluide et un humour ravageur, vous aimez ça ? Si oui, Broken Age vous attend pour une vingtaine d’euros sur PC.
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La liste des backers défile dans les crédits du jeu
PC
Publié le 20 février 2014 par spacecowboy
0Broken Age : Tim Schafer et les mille et un producteurs
Broken Age : Tim Schafer et les mille et un producteurs spacecowboyConclusion : Reporté à plusieurs reprises, Broken Age est enfin là et montre à quoi a servi l'argent récolté par sa campagne Kickstarter. Son écriture fantastique renvoie aux classiques du point 'n click, tandis que sa fluidité et son enrobage visuel et sonore en font un jeu moderne. Un premier épisode diablement prometteur !
4
Genre majeur dans les années ’80 et ’90, le point ´n click ne fait plus vendre depuis longtemps. Allez proposer à un producteur d’en réaliser un aujourd’hui et il vous rira au nez. Cela, c’est Tim Schafer qui nous le dit en 2012. Et il sait de quoi il parle puisqu’il a construit sa réputation dans ce style abandonné. Sa période de gloire, c’est celle du grand LucasArts où il réalise entre autres Day of the Tentacle, Full Throttle et Grim Fandango. Depuis ce dernier, le truculent Tim a exporté sa rock-attitude vers d’autres chemins avec sa société Double Fine, notamment la plateforme avec Psychonauts et le beat’em all STR avec Brütal Legend.
La liste des backers défile dans les crédits du jeu
Une distribution en épisodes, voilà qui n’est pas très catholique pour le chantre de la production participative. Les backers peuvent se lamenter, ils n’y pourront rien, les voilà confrontés aux affres du milieu. Cette autonomie que s’est autorisée l’équipe de Tim Schafer a montré ses limites, le budget du jeu final et ses délais de livraison ayant été dépassés plus que de raison. Mais si la liberté d’exécution a été bafouée, qu’en est-il de la liberté de création ? En gros, du Tim Schafer unchained, ça donne quoi ?
Un point ‘n click, c’est avant tout une histoire. Un scénario qui vous pousse à garder la souris en main. Sur ce point, Broken Age est – osons – sensationnel ! L’univers est proprement fantastique, original, plein d’idées, charmeur et suffit à faire le bonheur du joueur. Mieux, il n’y a pas un, mais deux univers. Deux actes qui se déroulent à des endroits différents sans aucun lien entre eux. Pourtant, on se doute dès le début que les deux mondes vont s’entrechoquer. Quand ou comment, impossible de le deviner.
Les deux univers sont personnifiés par deux adolescents : Vella la fille et Shay le garçon. Sur le premier écran du jeu (l’image en haut de l’article), on les voit côte à côte, séparés par… tout en fait. Vous dirigez votre pointeur vers la gauche, vous ouvrez l’histoire de Vella. Shay disparaît alors de l’écran mais reste présent en arrière-plan. À tout moment, vous pouvez en effet basculer d’un personnage à l’autre et changer d’univers à la volée. Si vous quittez Vella, elle vous attendra patiemment et vous la retrouverez exactement au même endroit. Sans autre transition qu’un écran noir de deux secondes. Bluffant à l’usage, ce basculement permet aussi de prendre l’air lorsque vous ne parvenez pas à résoudre une énigme. Quoique… ça ne vous arrivera pas souvent.
Si vous avez connu « l’âge d’or » du point ‘n click, vous vous souvenez certainement des heures passées à chercher la solution d’une seule énigme (de meeeeeerdeeeeee). Ces instants de solitude (y avait pas internet et ses soluces à l’époque) ont marqué les joueurs et en ont découragé beaucoup. Consciente que ces arrêts dans la progression ne sont plus de notre âge, l’équipe de Double Fine a diminué la difficulté générale. Qui, aujourd’hui, aurait suffisamment de patience pour rester bloqué sur une énigme, alors que les soluces sont à portée de navigateur ? Pas moi du moins et je me réjouis que la progression soit si fluide dans Broken Age.
De surcroît, cette facilité s’exprime de la bonne façon, sans qu’on s’en rende vraiment compte. Le jeu comprend ainsi six séquences isolées (à une seule mini-exception à ma connaissance) et y concentre toute votre réflexion. Concrètement, vous êtes enfermé dans un espace de quelques écrans et vous devez trouver la « sortie » avec ce que vous y trouvez. Heureusement, et c’est là qu’on attendait Broken Age, la résolution des énigmes n’en est pas moins loufoque que dans les classiques. Ici, on ne tue pas un monstre avec un pistolet classique, mais avec un… Quoi, un MONSTRE ?
Oui, et même un gros monstre appelé Mog Chothra. Une terreur à laquelle on sacrifie rituellement des jeunes filles en fleur pour éviter ses représailles. Pas n’importe quelles filles en plus, mais les demoiselles désignées pour avoir l’honneur d’être dévorées par Mog Chothra. Vella est l’une d’elles et fait la fierté de sa famille. Vella, elle, est beaucoup moins enthousiaste, et le décalage entre son point de vue et celui de ses proches est particulièrement savoureux.
Shay vit à l’opposé de ce monde pastoral. Depuis toujours, il séjourne dans un vaisseau spatial, avec une intelligence artificielle comme mère protectrice. Ses journées sont rythmées par son déjeuner, ses jeux puérils inventés par sa mère et ses discussions avec ses amis en peluche. Le rêve pour un enfant, mais le cauchemar pour un ado. Son obsession à lui est maintenant de découvrir l’univers en sortant de sa prison de crème glacée.
Hormis leur âge, difficile de trouver des points communs entre la non-conformiste Vella et le surprotégé Shay. Pourtant, leurs chemins vont se croiser à la toute fin de ce premier acte. Si la division du jeu est une mauvaise chose en soi, le découpage de cet épisode est parfait et tiendra le joueur en haleine jusqu’à la prochaine moitié. Quand le deuxième acte sortira-t-il ? On l’ignore encore et, à vrai dire, on ne croirait plus Tim Schafer même s’il nous donnait une date en le jurant sur la tête de Ron Gilbert. Il va donc falloir patienter en se remémorant le début de l’aventure.
Car cette première partie est clairement mémorable. L’écriture des personnages, principaux et secondaires, est géniale. Leurs répliques sont toujours drôles ou inattendues et sonnent juste grâce aux doublages (en anglais sous-titrés français) de très haute qualité. Les musiques jouées par un orchestre symphonique dépassent aussi nettement le niveau habituel des productions indépendantes (merci à la campagne lucrative sur Kickstarter). Visuellement ensuite, Broken Age est superbe aussi bien dans les plans serrés sur les protagonistes que dans les plans larges dignes de peintures. La vue rappelle évidemment celle des point ‘n click d’antan, avec son charme intact. Du charme, du style, une progression fluide et un humour ravageur, vous aimez ça ? Si oui, Broken Age vous attend pour une vingtaine d’euros sur PC.
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La liste des backers défile dans les crédits du jeu