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Le Venezuela est-il au bord du chaos ?

Publié le 20 février 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Juan Carlos Hidalgo.
Un article du Cato Institute.

Venezuela manifestations

Ces jours-ci pourraient être tragiques pour l’histoire du Venezuela. Encore marquées par les morts de la semaine dernière, deux grandes manifestations, l’une de l’opposition et l’autre organisée par l’État, se sont déroulées ce mardi dans les rues de la capitale à faible distance l’une de l’autre – aucun incident n’était à déplorer mardi soir. Le régime de Nicolas Maduro avait interdit les marches de l’opposition et menacé de violence si elles tentaient d’entrer dans la municipalité de Libertador, au centre-ville de Caracas. Les choses peuvent dégénérer à tout instant.

Les tensions se sont développées depuis la semaine dernière, lorsque des dizaines de milliers de personnes, essentiellement des étudiants, sont descendues dans les rues pour protester contre le gouvernement. La manière forte avec laquelle le régime a traité les manifestations est quasiment sans précédent. Au moins trois personnes sont mortes, des dizaines ont été arrêtées et beaucoup sont toujours portées disparues. Les étudiants qui ont été libérés ont dénoncé avoir été torturés et violés en détention. En outre, le gouvernement a émis un mandat d’arrêt contre Leopoldo López, l’un des meneurs les plus emblématiques de l’opposition, ancien maire de la commune de Chacao. En qualité de chef de file de la contestation de mardi, il s’est rendu à la garde nationale.

Gardons à l’esprit quelques éléments pour interpréter les événements.

Une grande partie de la population est excédée

Ce n’est pas la première fois que des dizaines de milliers de Vénézuéliens prennent la rue pour protester contre l’État. Cependant, avec l’aggravation de la crise économique, le niveau de désespoir de la population atteint un point culminant, surtout parmi la classe moyenne. Les indicateurs de pénurie montrent que plus d’un produit de base sur quatre est en rupture de stock. Les queues d’une heure dans les supermarchés sont le lot quotidien des Vénézuéliens. Et lorsqu’ils parviennent enfin à trouver un produit, ils mesurent combien leur revenu est en chute libre au moment de l’acheter. Le taux d’inflation officiel a atteint 56% l’an dernier, mais selon les calculs de mon collègue Steve Hanke du Troubled Currency Project, le taux annuel d’inflation implicite est en fait de 305%.

Le crime a fortement détérioré les conditions de vie : le Venezuela est aujourd’hui l’un des endroits les plus dangereux au monde, avec près de 25 000 homicides en 2013, soit un taux de 79 homicides pour 100 000 habitants. Le pays est devenu invivable et de nombreux Vénézuéliens pensent qu’ils n’ont plus rien à perdre.

Le gouvernement fera tout pour conserver le pouvoir

C’est quasiment mot pour mot ce que Nicolás Maduro a laissé entendre ce week-end, en précisant que cela ne le dérangeait pas qu’on le prenne pour un dictateur. Les personnes qui craignent l’éclatement d’une guerre civile au Venezuela voient d’un mauvais œil le fait qu’une seule des deux factions soit armée, celle du gouvernement et de ses partisans. Le régime de Maduro, dont l’appareil de sécurité est étroitement contrôlé par les services secrets de Cuba, a déjà réprimé avec brutalité les manifestants.

L’armée et la garde nationale sont aux ordres de l’État et il y a très peu de chance qu’elles rechignent à déchaîner leur violence contre les civils désarmés. De plus, ceux que l’on nomme les « Tupamaros », des bandes armées qui soutiennent le gouvernement, interviennent spontanément avec la complicité des services de sécurité et sont d’ailleurs suspectés d’être derrière les meurtres de deux manifestants la semaine dernière. Il est difficile d’imaginer une guerre civile compte tenu du déséquilibre des forces en présence.

La réelle menace pour Maduro vient de l’intérieur de l’État

L’opposition est désarmée et ne constitue pas une réelle menace pour Maduro et son emprise sur le pouvoir. Ses véritables ennemis sont à l’intérieur de l’État, en particulier du côté des forces militaires alliées au président de l’Assemblée nationale, Diosdado Cabello. Tout signe de faiblesse de Maduro pourrait donner le feu vert à cette aile du chavisme de prendre le pouvoir. Maduro le sait, et c’est une autre raison pour laquelle il est susceptible de déployer une violente répression des manifestations.

Les pays d’Amérique latine se rangent du côté de Maduro ou gardent le silence

Maduro n’a pas à s’inquiéter de la communauté internationale ; du moins peut-il compter sur ses pairs d’Amérique latine. Le Mercosur1 a déjà publié une déclaration affirmant sa solidarité avec le régime vénézuélien. Des déclarations similaires ont été faites par d’autres gouvernements de gauche comme ceux de l’Équateur, de la Bolivie et du Nicaragua.

D’autre part, les pays d’Amérique latine qui bénéficient de démocraties plus avancées tels que le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Chili et le Costa Rica ont préféré se taire par lâcheté ou cynisme, et continueront probablement de garder le silence. Ainsi l’État vénézuélien a-t-il les mains libres pour réprimer son peuple sans avoir besoin de se justifier auprès de ses voisins ou des organismes régionaux tels que l’Organisation des États américains ou la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes.

Enfin, l’État vénézuélien s’est contenté de balayer d’un revers de main toute autre critique venant de Washington ou de Bruxelles.

Il n’y aura pas de solution miracle. La question est de savoir si l’opposition sera intimidée par les menaces de violence, comme cela a été le cas jusqu’ici, ou continuera sa lutte, même si cela signifie un certain nombre de victimes. Personnellement, je pense que les choses vont aller de mal en pis.


Sur le web. Traduction : Contrepoints.

Lire aussi :

  • La route de la servitude bolivarienne
  • Le Venezuela et l’Argentine en disent long sur la France
  1. Mercosur : Mercado Común del Sur, le marché commun des pays d’Amérique du Sud.

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