La grande histoire des petites annonces matrimoniales

Publié le 19 février 2014 par Kicherchekoi

Les petites annonces comme grille de lecture de cent ans d’évolution de la société française. C’est ce que propose le hors-série du Chasseur français, un magazine créé en 1885, avec « La formidable histoire des petites annonces ». Touchants, étonnants ou choquants ces messages ont la saveur du terroir hexagonal. 

Avant la première guerre mondiale, il n’est pas encore question d’amour. Les considérations financières sont omniprésentes. On cherche un bon parti. Ainsi, en 1898 : « Célibataire rentier, 38 ans, désire connaître célibataire, même âge, ayant rentes, pour vivre ensemble, frais communs. On ne s’ennuiera pas. » Ou, en mars 1900 : « Parents marieraient jeune fille, 20 ans, dot 30 000 francs avec fonctionnaire, négociant ou industriel. »

AU FIL DES ANS, LES ANNONCES SE DÉVERGONDENT

Une belle dot peut par exemple aider à effacer une « tache », autrement dit que la jeune fille, qui a perdu sa virginité, n’est plus toute blanche. Après la Grande Guerre, on y découvre le désespoir des « gueules cassées » ou des veuves de « poilus ». En 1920, un « jeune mutilé de l’ouïe, pensionné militaire » cherche à épouser « jeune fille, même infirmité ». Ou ce « grand cœur, officier défiguré, correspondrait personne douce ». Au fil des années, les messages deviennent de plus en plus longs, les premières descriptions physiques apparaissent, surtout pour les femmes désargentées. On peut y lire les premières remarques sur la vie intime et sexuelle,« parfois à la limite de l’indécence » écrit Le Figaro Madame. Certaines femmes écrivent qu’elles sont « ardentes »« câlines », voire « très caressantes. »

Au fil de l’histoire, on perçoit le contexte de la colonisation, avec des « retours d’Indochine » ou du « Moyen-Congo », des « rappelés d’Algérie » et d’autres qui proposent de venir s’installer à Dakar. Ces annonces des colonies représentent près de 15 % à 20 % du total. « Ces lecteurs lointains sont une ressource essentielle pour le journal, qui consacre du coup une partie de ses pages à des points sur les nouvelles terres cultivables là-bas ou sur ce qu’il faut emporter avant de partir », explique Libération, qui a consacré une pleine page aux petites annonces du Chasseur français.

4,5 MILLIONS DE FRANÇAIS NÉS GRÂCE À CES PETITES ANNONCES

« C’est entendu, Le Chasseur français n’a jamais été le journal le plus révolutionnaire et moderniste. En mai 1968, il consacre sa une à… la pêche à la ligne », s’amuseLibé, connu pour ses annonces matrimoniales dévergondées dans les années 70,précisant que son « concurrent campagnard » préfère rester bien sous tous rapports.« Je déplore de ne rencontrer dans mon métier (professeur de lettres) que des intellectuels de gauche, athées, témoigne ainsi une jeune femme. Agée de 26 ans, je suis catholique profondément croyante, sans étroitesse intégriste ou progressiste, mais très attachée aux valeurs chrétiennes. »

Le Minitel, qui apparaît dans les années 80, puis Internet dix ans plus tard vont signer le lent déclin des petites annonces matrimoniales. Le Chasseur français s’est d’ailleurs mis à la page en lançant fin 2012 son propre site Internet, Brindamour, qui revendique 20 000 abonnés. Une goutte d’eau comparé aux mastodontes des entremetteurs numériques comme Meetic ou Adopte un mec. Mais l’ancêtre des sites de rencontres peut s’enorgueillir d’un autre chiffre.

Selon ses calculs, 4,5 millions de Français sont nés grâce à ses petites annonces…

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