Le dépaysement. C'est, en parti, ce qu'est venu chercher Gaëtan lorsqu'il s'est expatrié au Cambodge, il y a quelques années. "En parti", car le breton a vite été confronté à mille et un questionnements qui résonnent encore aujourd'hui dans sa tête. S'expatrier, c'est finalement bien plus que voyager. Charmé par le Cambodge, rencontre avec un expat' qui en est revenu avant qu'il ne soit trop tard, comme il le dit lui-même.
Quand es-tu parti au Cambodge et pourquoi ?
Je suis parti au Cambodge en 2007 quand j'ai été retenu pour un emploi auquel j'avais postulé, au Centre Bophana, créé par Rithy Panh, et ouvert fin 2006, six mois avant mon arrivée.
Quelle a été ta première impression à ton arrivée ?
Ma première impression fut un petit vent de panique. Juste avant d'atterrir à Phnom Penh, de l'avion, je voyais de l'eau partout ! J'ai cru que le Cambodge venait de subir ce que subi la Bretagne cet hiver, des inondations... Je m'en voulais de ne pas avoir pris les dernières nouvelles avant d'embarquer... je pensais alors arriver dans un pays en état de catastrophe naturelle. Je me demandais même comment l'avion allait atterrir dans ces conditions. J'ai compris ensuite qu'il n'y avait aucune catastrophe. J'étais en Indochine et les rizières là-bas sont par définition des terrains inondés, nécessaires à la culture du riz. Sauf que vu d'avion on ne comprend pas qu'il n'y a que 20 cm d'eau dans les rizières... Ma première impression fut donc celle d'un Occidental de la culture du blé qui arrive en Orient dans la culture du riz !
Et par la suite, as-tu connu quelques problèmes ?
Les difficultés au début furent celles du temps nécessaire à l'adaptation. Il se raconte que le corps a besoin de six mois pour s'adapter à un changement de climat ! Je ne connaissais pas le "tropical humide". Mon seul élément de comparaison était les Antilles françaises où j'avais passé quelques séjours de vacances. J'imaginais le Cambodge comme la Martinique avec les mêmes fruits, la même végétation, mais ce n'était pas le cas. Le Cambodge m'apparaissait alors plus radical au niveau du climat.
J'avais ensuite plein d'appréhension quant à la nourriture, la qualité de l'eau et les moustiques. Par ailleurs, il me fallait comprendre et m'adapter au rythme du quotidien cambodgien et à ses réalités. Adapter mes revenus à la vie locale.
Mais j'avais un emploi là-bas. J'ai reçu un superbe accueil des collègues puis j'avais des alter ego, des Occidentaux comme moi étaient déjà en poste et m'aidèrent à régler les difficultés.
Qu'as-tu particulièrement apprécié au Cambodge?
Avant tout, ce que j'ai particulièrement aimé, c'est de pouvoir vivre à l'étranger. J'en avais rêvé plusieurs années auparavant sans pouvoir le faire. Là j'étais comblé, je poursuivais mon chemin professionnel en compagnie de Rithy Panh et du Centre Bophana puis j'étais "en voyage", "ailleurs", "à l'étranger".
A-t-il été dur pour toi de revenir en France ?
Non ce n'était pas dur du tout de se réhabituer à la vie française car je voulais revenir et me réhabituer à la vie française. Revenir en France c'était comme de s'habituer à la vie cambodgienne, une question de temps et de durée : quelques mois. Je craignais le retour impossible, je voulais revenir avant qu'il ne le soit !
Que retiens-tu de ton expérience ?
Aujourd'hui le Cambodge reste pour moi LE pays où j'ai vécu trois ans et demi, l'unique expérience d'expatriation dans ma vie. Ce que je retiens , c'est un autre point de vue face à certains questionnements. Je sais combien il est difficile de comparer un pays à un autre, surtout quand on compare deux pays comme la France et le Cambodge distants de 10 000 kms à vol d'oiseau... Je sais aussi combien il est impossible de juger ne serait-ce qu'un événement ponctuel ou un trait de culture quand on n'a pas vécu dans le pays. Un Français, grand connaisseur du Cambodge, me disait un jour : "pour écrire un livre sur le Cambodge il vaut mieux y passer trois semaines que trois ans ou trente ans. En trois semaines on repart avec plein de certitudes. En trois ans, on doute de tout". Il voulait souligner le fait qu'en trois semaines on retient des impressions, des émotions, parfois sûrement on retient les réponses qui nous conviennent. En trois ans ou trente ans, quand on croit avoir une réponse à une question fondamentale, des événements ou des faits viennent subitement vous prouver que le contraire est tout aussi vrai. En trois semaines au Cambodge, on retient le "sourire" des Cambodgiens. En trois ans on sait que les Cambodgiens peuvent sourire là où un Occidental ne sourirait jamais... J'ai lu Nicolas Bouvier quand j'étais au Cambodge, L'usage du monde, mais je n'en retiens qu'une seule phrase : "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait ou vous défait". J'adhère totalement !
Quel regard portes-tu sur le Cambodge ?
Sur un plan général, le Cambodge a été pour moi une série de gifles. Un Français au Cambodge sait qu'il est dans une ancienne colonie française et peut donc toucher ce que fut cette réalité tout particulièrement pour le peuple colonisé. Le Cambodge fut un protectorat officiellement, mais la réalité était celle d'un pays colonisé. La vie quotidienne au Cambodge sur le plan de la croyance, du sacré et du religieux me faisait aussi revivre ce que j'ai vécu enfant dans mon petit village natal rural et catholique du fin fond de la campagne bretonne ! Une vie totalement imprégnée de rites, de rituels et de croyances. Puis un pays avec un roi, demi-dieu dans la tête de ses sujets. Une situation que la France qui a séparé l’Église et l’État ne peut pas comprendre. Comment comprendre également que des intellectuels français qui n'avaient pas mis un pied au Cambodge ont soutenu dans les années 70 la "révolution khmère rouge" jusqu'au bout ! Seul Jean Lacouture a osé et est revenu sur ses prises de position, les autres ne l'ont toujours pas fait et ne le feront sûrement jamais... et nous sommes en 2014 !
Enfin, pour parler de l'actualité et d'événements récents, le regard que je porte sur le Cambodge est lié à ce qui vient d'arriver en Afrique du Nord, le "printemps arabe". Les anciennes colonies françaises d'Afrique du Nord ont eu, au 20ème siècle, un cheminement parallèle et commun aux colonies françaises d'Indochine, quand le parti communiste était le seul parti politique français anticolonialiste... Le printemps arabe vu du Cambodge ? Le printemps arabe sonne et résonne au Cambodge !
Est-ce un endroit où tu es retourné et pour quelles raisons ?
Je suis retourné au Cambodge et j'y retournerai autant de fois que ce sera possible surtout tant que je garderai des relations là-bas. Connaître et avoir des repères dans un pays à 10 000 kms, c'est une chance quand on a besoin de dépaysement, d'un break. Puis on n'a jamais fini de découvrir un pays, sa culture. Jamais fini de s'interroger....
Recommanderais-tu d'aller au Cambodge pour le travail ou le tourisme ?
Oui je recommande d'aller au Cambodge... quand il n'y a rien à craindre, pour le travail, pour le tourisme, pour y voyager, pour y habiter. Comme je recommanderais d'aller sous le soleil et sous la pluie, dans le froid et dans le chaud, dans le nord comme dans le sud, à l'est comme à l'ouest, à 10 000 kms et à 10 000 cms. Comme je recommanderais à ceux qui souhaitent voyager de voyager et à ceux qui souhaitent s'enraciner de s'enraciner. Nous avons tous besoin d'ici et d'ailleurs !
Un mot sur la nourriture Cambodgienne Les temples d'Angkor ( deuxième partie ) Cambodge : premières impressions Bien arrivés à Hong-Kong On a mangé du fromage en ChinePseudo :
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&cat;&action; Corinne (Visiteur)
Bravo et respect à vous tous qui avez su, pu, osé vous lancer un jour dans ces aventures qui vous ont amenés à la rencontre des autres.
Mercredi 19 Février 2014 à 14:12