Traité Transatlantique: libre-échangistes, mais pour qui ?

Publié le 19 février 2014 par Juan

Le 4ème round de discussions débute en mars, à Washington.

Depuis huit mois, Européens et Américains négocient dans un trop grand secret un accord commercial global baptisé "Traité transatlantique". Il vise à assouplir les conditions d'échanges commerciaux entre les deux parties. A l'heure de l'open-data - promu en France par le gouvernement lui-même - et de la transparence 2.0, le secret qui entoure ces discussions ne peut qu'alimenter les rumeurs et cacher le pire.


On comprend mieux pourquoi s'énerver quand Hollande exprime le souhait d'accélérer les négociations de libre-échange. Les raisons sont simples, et régulièrement rappelées par diverses ONG dont Attac.
1. L'agenda de chaque partie est mal connu. Au printemps 2013, la France a obtenu, avant le début des négociations, que la Culture soit exemptée de ce marchandage. Les sujets de désaccords sont connus dans les grandes lignes, l'agriculture et la culture. Mais il faudrait compléter la liste: " services publics, OGM, viande aux hormones, volaille chlorée, indications géographiques, agriculture, marchés publics, accord commercial anticontrefaçon [ACTA], protection des données privées, marchés publics" rappelait l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot à l'automne dernier. Mais ils sont peu explicités dans leur détail qu'on nous promet complexe. Ceci empêche toute mobilisation sociale ou politique (ONG, partis politiques, organisations syndicales), autre que celle des lobbies spécialisés, mieux équipés pour cibler leurs actions sur des dossiers précis.
2. En octobre, les ministres européens du commerce ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur ... la publication du mandat de négociations qu'ils confiaient à la Commission !  Nicole Bricq, pour la France, réclamait cette transparence, qui lui fut refusée par ses collègues allemand, danois et hollandais.
3. La Commission européenne effraie. C'est elle qui conduit les négociations au nom de l'Europe. Elle n'est que trop connue pour son inclinaison libérale.
4. Le contrôle parlementaire est très faible: la Commission submerge les députés membres du Comité pour le Commerce International (INTA) de plusieurs milliers de pages de documentation chaque mois.
5. La Commission européenne a plus souvent rencontré des grandes entreprises que des ONG et des syndicats, comme en témoigne Attac, chiffres à l'appui.
6. Les évaluations chiffrées des "gains" d'une plus grande ouverture des relations commerciales entre l'Europe et les Etats-Unis sont au mieux simplistes, au pire farfelues. D'après des calculs que d'aucuns qualifieraient de fumeux, la Commission évalue à 545 euros par an en moyenne le gain de pouvoir d'achat d'un ménage européen.
Independent research shows that TTIP(*) could boost:
  • the EU's economy by €120 billion;
  • the US economy by €90 billion;
  • the rest of the world by €100 billion
Source: Commission Européenne

7. Fin janvier, le délégué européen Karel De Gucht a voulu rassurer, tout en précisant les sujets de débat et d'inquiétude. Primo "l'Union européenne ne va faire faire ces choses-là à cause du TTIP", déclarait-il à propos d'un éventuel abaissement des normes de protection alimentaire et environnementale. Secundo, il y a en discussion les procédures d'investissement étrangers et, en particulier, la résolution des litiges entre investisseurs et Etats d'accueil. Les Américains réclament que l'UE reconnaisse la primauté des tribunaux arbitraux privés sur les juridictions nationales. Karel De Gucht reconnaît l'inquiétude ("Je comprends, par exemple, que les gens s'inquiètent quand ils voient une compagnie de tabac attaquer le gouvernement australien devant un tribunal arbitral à cause d'une interdiction de logo et design sur les paquets de cigarettes.") Car le danger est bien là, dans une contestation privée des politiques publiques au nom du sacro-saint Libre-Echange.
Sur ce sujet, le délégué européen a promis une "large consultation publique", pendant 3 mois, à partir de mars prochain.
Au moment où le 4ème round de négociation débute.
Lire aussi:

NB: TTIP : Transatlantic Trade and Investment Partnership