© Emmanuelle (Histoires de voir)
À l’heure où les épiceries biologiques fleurissent à Paris plus vite qu’un champ de pissenlits, l’agacement provoqué par cette vague green progresse en même temps que ses parts de marché. Un principe de vie qui dérange, voire suscite un rejet allant au-delà des attendus lobbies agro-alimentaires. Étonnant lorsque l’on sait que le bio relève du bon sens.
Étant moi-même une habituée du label "AB", je me suis longtemps demandée pourquoi les dits "écolos" sont devenus les nouvelles cibles des moqueries populaires. Moralisateurs, pâles comme la mort, rabat joies et mauvais vivants, autant dire qu’ils sont imbuvables pour leur propre entourage. Ne parlons même pas des végétariens, il s’agit d’une espèce à part, dont les détracteurs espèrent secrètement qu’elle s’éteindra bien tôt ou tard pour cause d’anémie précoce. Si ces railleries en disent long sur le déni écologique cultivé par certains, d’autres préfèrent simplement dénigrer l’alternative qui les renvoie à leurs propres écarts, faute de vouloir changer leurs habitudes de consommation. Plus facile.
Il n’en reste pas moins que le bio énerve: la principale raison étant la dictature hygiéniste, nouvelle religion du XXIesiècle et désormais véritable substitut à Dieu. Avec pour syndrome principal, l’hyper-bobo assidu de l’AMAP, la démarche chaloupée, le brocoli fier et juteux dépassant légèrement de son sac en coton éthique. Un marketing herbivore bien féroce. Aussi cliché soit-elle, la farce de la mascarade ne doit pas pour autant forcer le désaveu. Ne boudez pas le logo vert sous prétexte qu’il donne un genre aux bourgeois en quête de marqueur social, vouloir manger bio ne relève pas du caprice. Ca va de soi. De l’acte militant à la prise de conscience générale, l’exigence d’une vie plus saine ne mettra pas nécessairement les comptes bancaires dans le rouge, à condition d’adopter quelques nouvelles habitudes. Des gestes qui, à terme, deviendront aussi naturels que de ruminer un brin d’herbe.