Mon dernier article était sur Marceline Desbordes-Valmore, et je retourne aujourd’hui à la poésie du 19è siècle, avec le poète Sully-Prudhomme (1839-1907) , extrêmement apprécié à son époque – au point de recevoir le Prix Nobel de Littérature en 1901 – mais bien délaissé de nos jours.
Son poème le plus connu est Le Vase brisé mais j’ai choisi de publier aujourd’hui L’Etranger, dont j’aime la dernière strophe surtout.
L’étranger
Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ?
Ton cœur ne trouve rien qui l’enchaîne ou ravisse,
Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse :
Il semble qu’un bonheur infini te soit dû.
Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ?
A quelle auguste cause as-tu rendu service ?
Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,
Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ?
A mes vagues regrets d’un ciel que j’imagine,
A mes dégoûts divins, il faut une origine :
Vainement je la cherche en mon cœur de limon ;
Et, moi-même étonné des douleurs que j’exprime,
J’écoute en moi pleurer un étranger sublime
Qui m’a toujours caché sa patrie et son nom.