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Quand un homme politique est aussi un auteurIl est rare que la lecture d’un livre écrit par un homme politique apporte un plaisir littéraire – et pourtant c’est rarement eux qui les ont écrits… –, aussi est-ce une des premières qualités de celui publié par Bruno Le Maire en 2008, Des hommes d’État : je viens seulement de le découvrir, et c’est un plaisir de parcourir avec lui les années 2005 à 2007, alors qu’il était conseiller, puis directeur de cabinet de Dominique de Villepin. Il y tisse une toile dense, riche et sensible, reliant vie professionnelle et privée, le tout agrémenté de multiples descriptions de lieux et paysages.Mais c’est bien sûr d’abord ses photographies de la vie politique qui m’ont le plus intéressé. Je retiens particulièrement trois passages qui, en quelques mots, campent avec précision deux hommes-clés – Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy –, ainsi que le mal français du « mandat à vie », au travers de Jean-Claude Gaudin, éternel candidat à Marseille :- Sur Jacques Chirac, le 19 avril 2006 : « Dans toute cette affaire, le Président a été ambigu. Il ne sait pas ce qu’il veut. Il n’a jamais su ce qu’il voulait. Son seul but a toujours été la réélection : maintenant qu’il ne l’a plus, il ne sait pas quoi faire, il bute sur quelque chose qu’il ne comprend pas. »- Sur Nicolas Sarkozy, le 9 mai 2006 : « Moi, je sais pas, la seule chose que je sais, c’est qu’il faut faire de la politique. Et pour faire de la politique, il faut cliver. On a le texte sur l’immigration : je dis pas qu’il est parfait, mais au moins, on clive, les socialistes sont mal à l’aise. Et puis on a la prévention de la délinquance : je dis pas que c’est bien ou pas, la prévention de la délinquance, je dis que les Français attendent ça, ils veulent qu’on soit fermes, et ils voient les socialistes mal à l’aise. Alors qu’est-ce qu’on attend ? C’est que du bonheur, ça ! »- Sur Jean-Claude Gaudin, le 12 août : « Dans la grande salle de la mairie, il s’arrête devant le portrait de Gaston Defferre : « La première fois que je suis entré dans ce bureau, c’est Defferre qui était là, il y a quarante ans. Plus tard, des années plus tard, je venais de manquer l’élection, il m’a dit : « Un jour, vous serez à ma place. » Il a ajouté : « Mais il faudra attendre un peu. » Alors les autres, les petits, tous ceux qui sont pressés derrière moi, ils vont attendre aussi un peu ! » »