« Un esprit véritablement aventureux doit être prêt à toutes les aventures »
Le chevalier d’Eon est un homme singulier : androgyne, il aime se travestir en femme depuis sa plus tendre enfance et continue à le faire lors des bals une fois devenu adulte. Son pouvoir de séduction est tel qu’il subjugue tous les êtres sur son passage, qu’ils soient face à Charles ou à Lia, double féminin du Chevalier.
Ce premier tome met en évidence le cadre historique dans lequel s’est illustré le chevalier d’Eon : sous le règne de Louis XV, alors que la marquise de Pompadour perd un peu de son aura de jour en jour, le roi, d’abord séduit, puis piégé par le chevalier travesti, lui confie une mission politique. Il s’agit pour Charles de se déguiser en femme et d’entrer comme lectrice au service de la tsarine Élisabeth dans le but de remotiver une alliance franco-russe et de briser celle entre la Russie et l’Angleterre. Agent secret, ce personnage protéiforme jongle avec ses identités tout en semant le doute et le trouble chez ses admirateurs.
On relèvera quelques curiosités plaisantes comme l’invention de la montre-bague par le dramaturge Beaumarchais qui donne à cette bande dessinée une teinte d’authenticité. Mais ce que le lecteur gardera probablement en mémoire, c’est avant tout le graphisme de cet album : les planches extrêmement colorées se succèdent soulignant les mouvements et les corps des personnages de la Cour comme pour mieux exacerber la sensualité du personnage, son ambiguïté troublante qui déchaîne les passions.
En cette période où la question du "genre" agite bien des esprits, cet album met en scène la face lumineuse de l’histoire de cet homme condamné par le Roi à renoncer à sa véritable identité, tournant de son destin qui sera probablement mis en couleurs dans le deuxième volet sur lequel travaille déjà l’auteur.
Agnès Maupré, Le Chevalier d’Eon, tome 1 « Lia », éditions Ankama