Gyohei Zaitsu (cl. Jérôme Delatour / Images de danse)
D'aucuns pensent, à propos de Masaki Iwana, que le bûto est un humanisme. Chez Gyohei Zaitsu, c'est
un cynisme - au sens le plus élevé, philosophique du terme.
Avec l'insolence du démuni volontaire, gaiement vautré sur le goudron sale et dans la crotte des trottoirs, Gyohei Zaitsu se moque de notre agitation forcenée, toise notre importance imbécile ; et
à le voir, assurément, on se sent tout petit. Mais ce Diogène nippon est un Diogène sans canines, une Cassandre aveugle à l'avenir. Il grince mais ne mord pas. Il a la douceur extatique, l'élégance fragile et délicate d'une divinité
orientale. Comme la plupart des artistes bûto, Gyohei Zaitsu mêle les codes de l'Orient et de l'Occident. Il porte les ailes d'un ange, le caducée dérisoire d'un Mercure post-moderne qui brûlerait
le commerce qu'il a jadis adulé.
Gyohei Zaitsu (cl. Jérôme Delatour / Images de danse)
Car l'ange Zaitsu saigne du nez, signe d'un violent choc traumatique, probablement mortel. Sans doute revient-il hanter le lieu même du drame : Paris, place de la République, par une aveuglante
après-midi de mai. J'étais là avant l'heure dite pour le photographier, et je ne l'ai pas vu arriver. Ici l'on tourne dans de grosses machines bruyantes, en rond, à l'image du manège installé à
proximité, comme par un fait exprès. Gare à celui qui s'aviserait de faire autre chose que de tourner : flâner, se coucher au milieu des voitures, bayer aux corneilles, penser. C'est interdit !
Paris et la République, c'est du sérieux. Gyohei a dû s'y essayer, et voilà ce qui lui est arrivé.
Gyohei Zaitsu (cl. Jérôme Delatour / Images de danse)
Automobilistes et passants rient car ils le croient fou. Plus curieux que les autres, l'un d'eux m'interroge. Qui est-ce ? Gyohei Zaitsu, un jeune trentenaire danseur de bûto. Le bûto est une danse
japonaise subversive née dans les années soixante, initiée notamment par les danseurs Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno. Elle entend critiquer les formes de la danse japonaise traditionnelle, ainsi
que la société industrielle responsable du drame des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. Son médium de prédilection est le corps intime, lunaire et pourrissant. - Mais il n'est pas fou ?
Non, non, je vous assure, même s'il se roule par terre en petite tenue, tire la langue et grimace à lui-même, improvise avec sa baguette des brochettes de prospectus et de papiers gras. Par contre,
je n'en dirais pas autant de tous les gens autour de lui qui tournent autour de cette place sur leurs grosses machines bruyantes, casqués, empreints d'un sérieux ennuyé ; ni de vous ni de moi qui
le contemplons intrigués, avant de retourner tourner avec eux.
Gyohei Zaitsu (cl. Jérôme Delatour / Images de danse)
♥♥♥♥♥♥ Une tache sur la terre de Paris, solos improvisés de Gyohei Zaitsu, représentations gratuites passées et à
venir (allez-y !) :
mardi 29 avril à 16h00 : 2, rue de la Grange aux Belles, 75010 Paris (sous le pont) avec Nicolas Moulin (guitare)
vendredi 2 mai à 17h00 : 16, bld Galibaldi, 75015 Paris (sous les arbres de cerisiers)
lundi 5 mai à 17h00 : 4, rue d'Alésia, 75014 Paris (à côte du chemin de fer)
mercredi 7 mai à 16h00 : Jardin Atlantique, 75015 Paris (au-dessus de la gare Montparnasse 1-2)
jeudi 8 mai à 19h00 : 1, rue de Gergovie, 75014 Paris (à côté du chemin de fer) avec Taca (accordéon)
vendredi 9 mai à 15h00 : place de la République, 75010 Paris (au centre de la place, près
des statues)
mardi 13 mai à 15h00 : rue du Colonel Colonna-d'Ornano, 75015 Paris (un colon sous le toit, ombre)
mercredi 14 mai à 17h00 : place de la Concorde, 75008 Paris (près du musée Orangerie, derrière la grille)
vendredi 16 mai à 20h30 : Espace Jemmapes, 116 quai de Jemmapes, 75010 Paris (dans une salle, tarif unique : 7 euros) avec Nicolas Moulin (guitare)
mardi 20 mai à 15h00 : 32, avenue de la Sibelle, 75014 Paris (les tables du ping-pong) avec Nicolas Moulin (guitare)
mercredi 21 mai à 19h00 : 4, rue Augute Cain, 75014 Paris (sur les escaliers ou sur le chemin de fer)
jeudi 22 mai à 15h00 : allée du Séminaire, 75006 Paris (les arbres, la fontaine)
Retrouvez ici Gyohei Zaitsu en images