Un titre propre à éveiller l'intérêt de mon ami ODP, légèrement survendeur mais juste dans le fond.
Je reviens tout d'abord sur le débat sur les calculs de Jacques Sapir. Non, je n'en ai pas lu les détails, en effet. Mais je les crois corrects, pas à l'unité près mais en ordre de grandeur.
Pour toutes les raisons que j'ai indiquées ici, l'euro a fonctionné, au plan interne, comme une machine à privilégier la zone à l'inflation la plus basse (l'Allemagne), au détriment des mauvais élèves à inflation plus forte.
Je ne vois pas d'autre solution, pour en sortir, que d'abandonner l'euro.
Sur certaines des critiques apportées au travail de Sapir, j'ai lu plusieurs fois que, compte tenu du niveau actuel des exportations françaises, ou de leur structure, on ne pouvait pas attendre grand chose d'une fin de l'euro. L'argument est inepte, et il faudrait, pour tenir compte du potentiel de croissance de l'économie française hors zone euro, partir de la structure du commerce extérieur français d'avant l'euro, pas de celle post-désastre (si l'on avait évalué les chances de reconstruire Berlin en 1945 avec de telles méthodes, on aurait planté des patates sur Unter Den Linden).
Mais j'arrête là sur les chiffres de Sapir, qui est peut-être trop optimiste sur la rapidité d'un rééquilibrage, mais il n'est certainement pas moins sérieux que les doctes qui nous expliquent que l'euro n'est pour rien dans la décroissance française.
Donc quelques chiffres que le lecteur aura du mal à balayer d'un revers de main, issus d'une étude du FMI d'août 2013 (résumée par Bloomberg).
Le fonds évalue, entre autres, l'adéquation du taux de change à chacune des économies considérées.
Ce qui est intéressant, déjà, est que le FMI ne se contente pas d'évaluer l'adéquation du taux de change de la zone euro prise globalement, mais effectue cette évaluation pays par pays (des paranoïaques pourraient y voir un signe que le FMI ne croit pas en la pérennité de la zone euro, mais n'y songeons point).
Que dit donc le FMI sur les parités les plus intéressantes, pour nous autres petits français comme dit Laurent Berger ?
France : surévaluation de 0 à 5%
Allemagne : sous-évaluation de 2% à 10%
Etats-Unis : sous-évaluation de 0 à 10%
Italie : surévaluation de 0 à 10%
Espagne : surévaluation de 8% à 12%
Royaume-Uni : surévaluation de 5% à 10%
Japon : de 20% de sous-évaluation à 10% de surévaluation (sic)
Chine : sous-évaluation de 5% à 10%.
Avec des taux de change équilibrés, que se passerait-il pour la France ?
Un gain de compétitivité de 2% à 15% avec l'Allemagne, de 0 à 15% avec les Etats-Unis et la même chose avec la Chine.
Neutralité probable avec l'Italie (5% de dévaluation avec l'Italie au maximum) et l'Espagne.
L'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine font environ la moitié du déficit de notre commerce extérieur.
Certes, rien ne dit que les marchés orienteraient spontanément le Franc vers ces parités. Mais il est tout de même intéressant de noter que le FMI écrit noir sur blanc que l'Allemagne bénéficie fortement de l'euro alors que la France, et d'autres pays, en patissent (et on peut aussi se dire que les estimations du FMI sont assez politisées, la fourchette d'appréciation concernant le Japon laissant une marge considérable pour pouvoir dire aussi bien que a) le Japon abuse en faisant baisser le yen ou b) il ne fait que rattraper une surévaluation qui n'est pas encore complètement gommée).
Par ailleurs et enfin, l'effondrement de notre commerce extérieur avec l'Espagne et l'Italie ne vient pas que d'un effet de change : ces pays ayant eu plus d'écart d'inflation avec l'Allemagne que la France, ont perdu plus de compétitivité. Leur économie est exsangue et ils ne peuvent plus rien nous acheter, quel que soit le prix. Si l'Espagne et l'Italie ont acheté récemment plus de vélos que de voitures, ce n'est pas parce que leurs habitants ne peuvent plus acheter de voitures françaises, c'est que, merci l'euro, ils ne peuvent plus acheter de voitures du tout.
Note : oui, je manque de temps. Pour mieux étayer une étude plus complète de la zone euro et des effets de l'euro, il faudrait regarder l'évolution sur 20 ans du commerce extérieur français et allemand par exemple, avec distinction entre commerce en eurozone et hors zone euro. De telles séries ne se trouvent pas facilement, ni sur le site de Destatis, ni sur celui de l'INSEE.
Pour conclure, un qui a été très bon sur l'euro, c'est Philippe Villin, sur France Inter :
Philippe Villin: "j'ai toujours pensé que l... par franceinter