Critique de Candide de Voltaire, vu le 14 février 2014 au Studio-Théâtre
Avec Claude Mathieu, Laurent Stocker, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, et Laurent Lafitte, dans une mise en scène d'Emmanuel Daumas
Si, par le plus grand des hasards, je n'avais pas su quel spectacle j'allais voir, j'avais oublié le titre, il m'aurait suffi de quelques instants pour le deviner. C'est simple, lors de l'entrée en scène de Laurent Stocker, c'est comme si on avait devant nous l'incarnation du mot candide. La naïveté, l'insouciance, une certaine ignorance, un bon fond, une envie d'apprendre, tout est sur le visage, dans les gestes, dans le regard de l'acteur. Le spectacle s'annonce savoureux...
Bien vite, le style de la pièce se fait comprendre. Ce n'est pas une transposition théâtrale comme je l'imaginais, mais bien plus le roman dit par les comédiens : en fait, des passages entiers sont narrés par les différents personnages. Si ce parti pris peut être aussi intéressant, il n'est pas toujours mené au mieux, et on confond parfois l'acteur et son personnage, puisque chacun endosse plusieurs rôles. Déjà que dans le conte, certains personnages disparaissent puis ressucitent, il arrive qu'on se perde un peu. Mais honnêtement, ça n'a pas grande importance, car nous connaissons tous grossièrement l'intrigue, et ce n'est pas parce que certains détails nous échappent que l'on va perdre totalement le fil. Pour ceux qui auraient un doute, l'histoire rapporte donc l'histoire de Candide, qui va découvrir le monde et ses misères, et apprendre que peut-être, contrairement à ce que lui a toujours enseigné Pangloss, un grand philosophe, on ne vit pas dans le meilleur des mondes possibles.
Dans cette mise en scène, donc, les 5 acteurs incarnent chacun un ou plusieurs personnages. Serge Bagdassarian incarne un Pangloss ridicule à souhait, puis un Cacambo peut-être un peu moins recherché, mais l'acteur sait nous ravir par ses manières et ses mimiques scéniques qui provoquent aisément le rire chez le public. Julie Sicard est une Cunégonde sexy au début, puis laideronne à la fin, et surtout grande provocatrice ; la scène de séduction de Candide est à la fois raffinée et grotesque : le mélange des deux est à déguster sans modération ! Laurent Laffite campe plusieurs personnages, et on retient tout particulièrement le juif acheteur de Cunégonde, caricatural au possible, source de comique indéniable. Claude Mathieu, qui interprète La Vieille, est un peu moins intéressante dans ce lot d'acteurs formidables : si sa voix est toujours aussi agréable, elle ne parvient pas à toujours maintenir l'attention au top et le récit de son histoire est la seule longueur du spectacle.
Et que dire du grand Laurent Stocker ? Qu'il est un peu sous-utilisé : incarnant le rôle-titre, on s'attendrait à une plus grande partition pour cet acteur. Il est beaucoup battu et poussé dans tous les coins de la scène, nous montrant ainsi son agilité et la précision de ses mouvements. Il prendra une plus grande importance dans la fin de la pièce : en effet, pas un joli effet de mise en scène, on se retrouve devant les acteurs discutant du sujet de la pièce, et de sa morale, et, devant l'énonciation de tous les vices humains par Stocker, on ne peut que rester en admiration et écouter religieusement cette critique, ces pensées autour de ce conte qui donne tant à réfléchir.
Au Studio-Théâtre, c'est du théâtre comme on l'aime : quand il éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, la fatigue, et les problèmes. Lorsqu'il nous permet d'oublier la réalité le temps d'une soirée. Retrouvez-le bientôt au TOP... Et courez-y ! ♥ ♥ ♥