Depuis 20 ans, les OGM sont régulièrement le sujet de feuilletons à rebondissements. Deux variétés de maïs transgéniques sont plus particulièrement au centre des préoccupations : le maïs MON 810 développé par la société Monsanto et le maïs TC 1507 développé par la société Pioneer. La mise en culture du premier a déjà été autorisée par l'Union européenne, le seconde pourrait l'être bientôt.
Pour mémoire, par arrêt rendu le 1er août 2013, le Conseil d'Etat a annulé "l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire en date du 16 mars 2012 suspendant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810)"
L'arrêt du Conseil d'Etat impose tout d'abord au Ministre de l'agriculture de justifier une mesure d'interdiction de la culture du MON 810 sur "la base d'éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques stables" :
"11. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'arrêt Monsanto SAS et autres de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 septembre 2011, C-58/10 à C-68/10, que la première hypothèse mentionnée par l'article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 impose aux Etats membres de démontrer, outre l'urgence, l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement ; qu'un tel risque doit être constaté sur la base d'éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables ;"
S'agissant de l'arrêté d'interdiction du 16 mars 2012, le Conseil d'Etat a jugé que les avis et études scientifiques mis en avant par le Ministère ne justifiaient pas une mesure d'interdiction :
"12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que tant l'avis de l'AESA du 30 juin 2009 relatif à la demande de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché du maïs génétiquement modifié MON 810 que l'avis du 22 décembre 2009 du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies sur les réponses de l'AESA aux questions posées par les Etats membres au sujet du maïs MON 810 et l'avis de ce comité du 21 octobre 2011 sur le rapport de surveillance de culture du MON 810 en 2010 ont conclu à l'absence de risque important pour l'environnement ; que, si une étude publiée le 15 février 2012 par des chercheurs de l'institut fédéral suisse de technologie de Zurich constate une augmentation de la mortalité de larves de coccinelles nourries constamment en laboratoire avec la toxine Bt, cette étude relève que ses résultats n'ont pas été retrouvés dans des études en plein champ et ne conclut pas à l'existence d'un risque mais uniquement à la nécessité de mener des études complémentaires ;"
Difficile de savoir ce qui s'est ou non passé depuis le mois d'août 2013 et cet arrêt du Conseil d'Etat. Toujours est-il que la saison des semis approche. La mise en culture du maïs MON 810 n'étant plus interdite en France, elle pourrait avoir lieue, et ce, dés le mois de mars.
Pour prévenir la mise en culture de MON 810, l'Etat semble avoir tout d'abord privilégié l'hypothèse du vote d'une proposition de loi tendant à l'interdiction de toute mise en culture de maïs transgénique. Cette proposition de loi a été déposée par le sénateur Alain Fauconnier et est aujourd'hui débattue en séance publique au Sénat.
Problème : cette proposition de loi ne sera pas votée par les deux assemblées - Sénat puis Assemblée nationale - avant le mois d'avril, dans le meilleur des cas. Or, des agriculteurs seraient prêts à planter du MON 810 dés le 15 mars 2014. Résultat : il n'est plus possible d'attendre le vote de la loi présentée par le sénateur Alain Fauconnier.
Le Ministère de l'agriculture vient donc de mettre en ligne un projet d'arrêté et sa note de présentation de manière à ouvrir une consultation du public, procédure indispensable à la publication dudit arrêté.
La question qui se pose est celle de savoir si ce nouvel arrêté d'interdiction de la culture du MON 810 risque ou non d'être lui aussi annulé par le Conseil d'Etat, voire suspendu en référé ?
Schématiquement, pour échapper à ce risque de suspension ou d'annulation, il importe que ce nouvel arrêté fasse état de nouvelles connaissances scientifiques relatives au risque lié à la culture du maïs MON 810.
Sur ce point, le projet d'arrêté soumis à la consultation du public précise :
"Considérant, en second lieu, que des publications récentes apportent des éléments scientifiques nouveaux mettant en évidence des risques liés au maïs MON810 ; qu'ainsi, la publication Campagne et al. (2 juillet 2013) met en évidence un mécanisme de résistance dominante à la toxine Cry1Ab chez l’insecte ravageur Busseola fusca , qui a conduit à un développement rapide de cette résistance et a rendu inefficaces les stratégies de gestion appliquées ; que la publication Mezzomo et al. (16 mars 2013) démontre que les toxines Cry1 ont un effet toxique sur les cellules, nécessitant des clarifications afin d’en évaluer le risque toxicologique pour les organismes non-cibles ; que la publication Zhou et al. (13 janvier 2014) montre que la toxine Cry1Ab peut être transmise à des prédateurs auxiliaires tels que les araignées et peut avoir des effets négatifs sur ces arthropodes ; que la publication Holst et al. (10 février 2013) établit que le pollen de maïs MON810 peut conduire à une mortalité accrue des larves d’une espèce de papillon, Inachis io, répandue en France"
L'enjeu à court terme est donc de savoir si, en cas de recours de la part des partisans d'une culture de cet OGM, le Juge administratif sera convaincu que ces nouvelles études justifient, non l'encadrement mais bien l'interdiction immédiate de la culture du MON 810.
Si le Gouvernement ne parvenait pas à interdire la culture du MON 810 voire du TC 1507, on imagine sans peine les conséquences à venir. A titre d'exemple, les maires seront sans doute de nouveau sollicités pour prendre des arrêtés d'interdiction de mise en culture sur le territoire de leurs communes.
L'enjeu à plus long terme est de savoir si le processus de révision de la directive 2001/18 va enfin reprendre et s'accélérer.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats