A propos de Les trois frères, le retour de et avec Bernard Campan, Pascal Légitimus et Didier Bourdon et Le Quepa sur la Vilni de Yann Le Quellec
Bernard Campan, Pascal Légitimus et Didier Bourdon dans le désordre
J’entends déjà les remarques acides : « mais tu t’attendais à quoi en allant voir une suite de Les trois frères ? » ou autre « En voilà encore un qui se plaint parce qu’il ne savait pas quoi aller voir avec sa carte UGC… »
C’est vrai, à quoi m’attendais-je en retrouvant ce trio comique qui m’avait fait tant rire il y a dix-huit ans (déjà) ?
Et bien, à rire tout simplement. Sans doute suis-je naïf au regard des enjeux commerciaux. Car le gros problème est là. On ne rit pas dans Les trois frères, le retour sinon à une ou deux blagues. Ce qui est peu en une heure quarante six (oui, le film est très long en plus).
Pascal Légitimus
Rien à reprocher pourtant à l’inoubliable (que dis-je, le légendaire !) trio comique dont les sketches et certains films resteront parmi les plus drôles de ces vingt dernières années. Mais Légitimus, Bourdon et Campan ont beau s’en donner à cœur joie, la sauce ne prend pas cette fois malgré le plaisir et tout l’enthousiasme qu’on avait (au départ) à retrouver ces trois-là.
Deux raisons à cet échec : une mise en scène trop lente et trop molle et un scénario sans surprises (les sketchs, téléphonés ou déjà faits, sentent le réchauffé à l’image des enguelades du trio ou du spectacle pseudo comique – une métaphore involontaire ? – du loser Bernad Latour) et qui semble constamment hésiter (sans jamais se décider) entre plusieurs pistes à suivre, entre la découverte d’une fille (Sarah) pour Bernard Latour (Bernard Campan) et le retour sur le devant de la scène de Michael (Antoine du Merle), entre la tentation de voir le trio embarqué dans des trafics de drogue et celle de le faire fuir dans le Sud, à la recherche de la mère de Sarah (Sofia Lesaffre).
Aussi rocambolesque qu’invraisemblable, ce scénario décousu, peuplé de redites de sketchs précédents (on nous refait la scène où ils sont sous l’emprise de la drogue quand même) et signé de Les Inconnus eux-mêmes, rame et multiplie incohérences et autres sorties de route (l’humour passéiste et raciste de Didier Latour fonctionne moyennenement, comme s’il était d’un autre temps, à l’image du trio) jusqu’à en devenir lassant. On restera sur nos très bons souvenirs…
Malgré sa réussite inégale et dans un tout autre genre, quand même beaucoup plus décalé et farfelu, on conseillera Le Quepa sur la Vilni de Yann Le Quellec, qui avait signé ce petit chef-d’oeuvre de Je sens le beat qui monte en moi.
Cette fois encore, il s’agit d’un moyen métrage (38 minutes) que Le Quellec a également écrit, avec des acteurs aussi invraisemblables que l’ancien cycliste Bernard Hinault, le chanteur Christophe ou encore Bernard Ménez.
Le chanteur Christophe (sur l’âne)
Dans un style toujours aussi loufoque en en roue libre (c’est le cas de le dire) que son précédent film, Le Quepa sur la Vilni (sorte de « verlan » de Panique sur la ville) narre, dans le Languedoc-Roussillon, les aventures rocambolesques d’un ancien facteur (Ménez) à la retraite, accompagné d’une bande de jeunes pieds-nickelés à qui le maire d’un petit village (Christophe, juché sur un âne) a confié l’épineuse mission de rouler à vélo dans le massif des Corbières, déguisés en hommes sandwichs, pour faire la promotion de Panique sur la ville (film d’horreur d’Harmon Jones, 1957), film qu’il prévoit de projeter à l’occasion de l’inauguration de son cinéma.
Bien sûr, rien ne se passe comme prévu et les « clashs » se répètent entre l’ancien facteur et les jeunes qui n’en font qu’à leur tête.
Bernad Ménez (sur le dos d’un hippie)
Moins fluide que son premier moyen-métrage, moins fulgurant surtout, Le quepa sur la Vilni réserve des petits passages de grotesque et d’absurde qui valent quand même le détour, des pépites comme ces discussions sur le miel entre le maire qui ne se déplace qu’en âne et joue de l’harmonica et un villageois (joué pa un acteur amateur) qui tient les rênes de l’animal.
On est à mi-chemin dans l’humour absurde et le « nonsense » entre un Quentin Dupieux et un Benoît Forgeard (ce dernier étant plus subtil).
Malgré ses éclairs comiques et les fous rires qu’il provoque, Le quepa sur la Vilni pédale davantage que Je sens le beat qui monte en moi, moins ramassé et moins concentré, plus laborieux que le précédent film de Le Quellec. Comme si le film avait du mal en côte.
Le Quellec dit avoir voulu faire un film qui rassemble plusieurs générations avec les conflits que cela peut provoquer. Râleur et un peu « vieux con », le personnage joué par Ménez ne cesse par exemple de s’emporter contre ses jeunes pousses qui préfèrent s’amuser (on les comprend) et profiter de la vie au lieu de porter des pancartes dans des paysages de montagne où ils ne croisent personne, ce qui donne une bonne idée de l’absurdité de leur mission.
On a sans cesse Don Quichotte de de Cervantès en tête, entre l’histoire du maire sur son âne et celle de cette bande de pieds-nickelés qui roulent sans but.
Mais les coups de gueule de l’ancien facteur ont un côté répétitif qui ne fait pas toujours rire. Sans rien enlever à l’originalité de son scénario, le film brosse un peu superficiellement ou trop brièvement ses personnages et les rapports psychologiques entre eux.
Bernad Ménez et Chistophe en grande discussion
A l’image de cette communauté « hippie » rencontrée dans un village, la mise en scène se laisse un peu emporter par ses musiques (Aval de La Mal coiffée ou Goodbye and Hello de Tim Buckley), comme si elle se reposait dessus ou leur faisait trop confiance (les scènes de « transe » sont un peu longues et ses plans trop nombreux) au dépourvu d’une approche psychologique et d’une étude de caractère qu’on aurait aimé plus approfondies….
Si la danse est à nouveau au centre des intérêts et des enjeux du film, la corrélation entre l’histoire et la musique, entre la gestuelle des personnages, le scénario et les compositions se justifie moins bien que dans Je sens le beat qui monte en moi, où tout semblait fonctionner merveilleusement ensemble jusqu’à fusionner.
L’ idée d’un « débordement psychique », d’une « folie qui pointe » dont parle Le Quellec pour caractériser ses personnages, était plus évidente à déceler, plus lumineusement mise en scène en tout cas dans Je sens le beat qui monte en moi.
Une transition, ce Le Quepa sur la Vilni ? Peut-être, après tout. Car Le Quellec a prévu de passer à un long-métrage. On guette donc, comme on attend la suite avec impatience…
http://www.youtube.com/watch?v=WgBWepzK2b4
Les trois frères, le retour, film français de et avec Bernard Campan, Pascal Légitimus et Didier Bourdon (01 h 46)
Le Quepa sur la Vilni, film français de Yann Le Quellec avec Bernard Ménez, Christophe, Bernard Hinault (38 minutes)