Made in France E3 : « Jeu de mains, jeu de vilains »

Publié le 14 février 2014 par H16

Tranches de vie ordinaires en République Démocratique (et Populaire) Française, imaginées mais pas dénuées de réalité – Épisode 3 : « Jeu de mains, jeu de vilains. »

Par h16 et Baptiste Créteur.

On aura beau dire ce qu’on veut, la France est un pays si calme et si peu criminogène qu’un Président peut s’y balader en scooter. Bien sûr, il garde tout de même une escorte policière jamais dépourvue d’une arme à feu. Il a le droit, lui. Les citoyens normaux, désarmés et donc seulement contribuables, n’ont de toute façon rien à craindre. On est en France.

Et c’est en France que vit Arnaud, un garçon sympathique dont la joie effervescente est communicative.

D’un naturel frétillant, il n’hésite jamais, entre deux vibrations allègres de son abondante chevelure bouclée, à rendre service, à distiller les mots gentils et les conseils avisés comme d’autres distribuent les prospectus. Mais parfois, le destin se montre capricieux et joue des tours même aux plus sympathiques d’entre nous.

Et ce soir, le destin, bien français lui aussi, est même chafouin. Alors que la nuit, franchement fraîche en ce mois de février, s’est déjà installée sur la ville, Arnaud rentre tranquillement de son cours de Krav Maga, quand il se fait soudain héler par un triplet de jeunes gens. Arnaud comprend instinctivement qu’il va devoir ici composer avec l’un de ces groupes de jeunes, généralement festifs, souvent bruyants, peu citoyens mais parfois déçus voire franchement rétifs. Dans un quartier pourtant normal, à la fin d’une journée pourtant tranquille, Arnaud sait qu’il va devoir faire face à une situation dont on se sort difficilement sans heurts.

Les petites gouapes l’accostent et lui font rapidement savoir, avec un langage délicieusement fleuri et une insistance peu ouverte au débat, qu’ils apprécieront grandement la générosité dont Arnaud saura faire montre en leur offrant une cigarette. Arnaud, qui ne mange ni trop gras, ni trop sucré, ni trop salé, et qui ingurgite scrupuleusement cinq fruits et cinq légumes par jour avec une eau parfois pétillante mais bien Made In France (c’est fou !), n’a bien évidemment jamais sombré dans la nicotinomanie. Lui qui s’évertue à conserver un esprit sain (et citoyen, n’est-ce pas) dans un corps sain, s’adonner à la cigarette (même électronique), c’est, quelque part, échouer à repousser l’industrie du tabac, le capitalisme éhonté, et, quelque part, une certaine forme de fascisme de consommation, hein, voyez-vous, parce qu’enfumer les autres tout ça, c’est mal. Bref : Arnaud ne fume pas, et doit malheureusement renoncer à toute générosité à ce sujet.

Mais les fripouilles n’en démordent pas : selon elles, Arnaud aurait une fâcheuse tendance à faire le chien, serait issu d’une relation hors mariage, et camouflerait mal un égoïsme peu approprié en ces temps de disette financière. Le petit groupe continue à faire monter la tension au point d’insinuer qu’il aurait eu volontairement quelques coïts avec sa mère, ou sa sœur (les propos ne sont pas toujours clairs, et la confusion de vocabulaire rend le dialogue un peu âpre entre Arnaud et le groupe).

Fair play, Arnaud les prévient ; champion interdépartemental de Taekwondo et pratiquant assidu depuis huit ans de Krav Maga, il ne s’en laissera pas conter facilement mais il souhaite cependant trouver avec eux une issue pacifique (et intérieurement, ça l’ennuierait beaucoup d’esquinter sa toute nouvelle marinière que sa bonne amie Fleur lui a offerte pour la Saint Valentin). Étonnamment devant cette proposition pourtant équilibrée, ses interlocuteurs refusent et expriment ouvertement le souhait de « niquer sa race », chose qui doit leur sembler d’autant plus facile qu’Arnaud n’a pas une carrure spécialement impressionnante, et que cela résonne pour eux comme un défi.

De façon prévisible, ce sera le plus petit et le plus nerveux de la troupe de semi-habiles qui devient le premier de ses agresseurs ; malgré sa surprise (tout se passe fort vite, dans ce monde), Arnaud parvient à parer la gifle. Malgré sa nervosité, il les met à nouveau en garde qu’il pourrait leur en cuire, et réitère malgré tout son souhait de se séparer sans blessures d’un côté ou de l’autre. Sa proposition est pourtant à peine achevée que le premier impétrant revient à la charge.

Arnaud, tout en parant sans mal le coup de poing de son agresseur, lui place un direct précis dans la mâchoire. Le coup, parfaitement exécuté, met durablement le freluquet hors de combat. Mais au lieu de reconnaître leur défaite, les autres tentent de se jeter sur Arnaud, l’un d’eux sortant même de la poche de son costume traditionnel (survêt’-basket-casquette) un couteau à cran d’arrêt. Ce qui devait arriver arrive, et assez vite : après un combat de quelques secondes à peine, les fripons gisent au sol, Arnaud ayant tout de même encaissé un coup de poing dans les côtes.

Un détail le frappe cependant : autour de l’un d’eux commence à se former une flaque de sang. Eh oui : dans la courte agitation qu’aura constitué l’altercation, l’un des agresseurs a glissé sur une plaque de verglas et s’est fracassé les dents sur la chaussée. Sans attendre, Arnaud appelle les pompiers, préoccupé par le sort de l’individu désormais inconscient. Pendant ce temps, les autres canailles s’enfuient sans demander leur reste et sans s’occuper plus que ça du sort de leur infortuné camarade d’arsouille.

Malgré tout, Arnaud est charitable et décide d’accompagner le blessé aux urgences. Il remplit une déclaration de police, racontant la scène aussi fidèlement que possible, et ne manque pas d’invoquer la légitime défense, évidente.

Sa surprise sera grande quelques mois plus tard lorsqu’il est convoqué au tribunal. Il appert en effet que l’utilisation de ses aptitudes au combat le rend coupable d’une utilisation de force supérieure à celle de ses agresseurs. En effet, le couteau n’a pas été retrouvé, et le jeune déçu blessé (qui aura obtenu 9 jours d’incapacité totale de travail auprès d’un médecin plein de commisération) s’est empressé d’évoquer le racisme pour expliquer la rixe qui l’a mis à mal. Moyennant quoi et comme il n’a pas fui après la fessée mémorable qu’il a administrée aux petites frappes, ce qui lui aurait évité pas mal de paperasse, il est condamné à deux ans de prison avec sursis, le racisme s’étant ajouté aux coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours.

C’est un verdict fort gênant, parce qu’ainsi, Arnaud perd tout espoir de devenir un jour l’avocat qu’il a toujours rêvé d’être, son casier judiciaire n’étant plus aussi vierge que son cœur est pur.

Eh oui, en France, jeu de mains, jeu de vilains !

Cette histoire est loin d’être totalement imaginaire. Si elle vous rappelle quelque chose, n’hésitez pas à en faire part dans les commentaires ci-dessous !

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