Effets secondaires - 6/10

Un film de Steven Soderberg (2012 - USA) avec Jude Law, Rooney Mara, Catherine Zeta-Jones, Channing Tatum, Vinessa Shaw, Ann Dowd

Bien mais la fin est un peu délirante...

L'histoire : Martin sort de prison. Ancien trader, il a été condamné pour délit d'initié, mais il compte bien redonner à sa femme, Emily, la vie fastueuse à laquelle il l'avait habituée. La jeune femme a attendu patiemment, tragiquement, que son homme sorte de prison. Fragile, dépressive, elle est heureuse de le revoir enfin à la maison, mais elle a peur qu'il ne fasse de mauvais choix, peur de devoir déménager dans un univers inconnu, à cause d'un nouveau travail de son mari. Elle fait un jour une grosse crise d'angoisse et fonce dans un mur avec sa voiture... A l'hôpital, sauvée par les airbags, ne souffrant que de quelques contusions, elle est prise en charge par un psychiatre qui lui prescrit un antidépresseur. Mais celui-ci semble avoir sur elle de nombreux effets indésirables... Le psy lui prescrit alors un nouveau médicament, qu'un laboratoire vient de lui vanter, l'incitant à le placer au maximum, moyennant un chèque généreux...

Mon avis : J'ai un peu de mal avec Steven Soderberg, vous le savez. A part les Danny Ocean, que j'adore, pour toujours et sans appel. Sa filmographie est longue, l'homme est généreux, et je n'ai pas tout vu. Quelques uns m'ont vraiment plu, mais d'autres me déçoivent beaucoup. Il y a du très bon chez Soderbergh, et puis une certaine "facilité" qui m'agace dans de nombreux films : tentation de l'élitisme, du film-docu un poil prétentieux, enrobage poussif sur un fond qui au final s'avère un peu vain, parfois étonnamment plat sous l'esbrouffe... Finalement, ceux que je préfère sont les plus académiques (Hors d'atteinte, Erin Brockovich...)

Ici, ça partait pourtant assez bien, avec ce qui s'annonçait comme un violent réquisitoire contre certains antidépresseurs qu'on a effectivement cloués au pilori il y a quelques années, car ils induiraient chez certains patients des poussées suicidaires ou meurtrières. L'affaire est depuis tombée à l'eau ; rien n'a été vraiment prouvé, et surtout ces médicaments soignent vraiment une quantité de gens, provoquant ces effets secondaires seulement chez une infime minorité. Comme toute autre substance.

Cette polémique étant éteinte, j'ai été fort étonnée que les noms de médicaments existants soient cités en abondance. Pas cool pour les labos. En fait, c'est normal puisque... je ne peux en dire plus sans spoiler. En tous cas, le réquisitoire tombe à l'eau et du coup... tout le film devient du placement de produit sans en avoir l'air ; curieux.

Car le dénouement est pour le moins inattendu et carrément tiré par les cheveux, voire invraisemblable... En quelques minutes, c'est révélation sur révélation et j'avoue que j'en ai même rigolé ! C'est ça qui m'énerve chez Soderbergh : il voit grand, et puis ses brillantes idées fondent comme neige au soleil. J'aurais aimé que cette fin s'annonce de façon insidieuse, avec de minuscules indices, des comportements troublants. Là, c'est la grosse artillerie, et soudain dans les dix dernières minutes : SURPRISE !

Le film me fait davantage penser à un thriller de base comme Sang chaud pour meurtre de sang froid, sympathique et assumant les grosses ficelles, pas toujours crédibles, du genre, plutôt qu'au chef d'oeuvre annoncé...

Et puis ces réalisateurs qui s'entourent toujours des mêmes comédiens, ça m'irrite également... Copinage, "famille", je comprend fort bien que ça puisse être agréable, mais je trouve que c'est nuisible pour tout le monde : pour le spectateur qui finit par en rire, ce qui n'est pas un bon point pour le film ; pour le réalisateur qui aurait tout à gagner en travaillant avec toutes sortes de gens différents, au lieu de tomber dans une certaine sclérose ; pour les acteurs, qui finissent par incarner toujours le même personnage de film en film, correspondant au "fantasme" de leur metteur en scène marionnettiste. Autant la chose est "normale" quand il s'agit d'une saga (la série des Ocean), autant ça devient assommant sur les autres films.

Nouvelle venue ici, Rooney Mara, excellente. Fera-t-elle donc partie du prochain Soderbergh ?

J'ai aussi aimé la prestation de Jude Law qui décidément s'améliore d'année en année, abandonnant les rôles de beau gosse pour des personnages sombres qui lui vont merveilleusement bien.

Et puis ces filtres sépia, j'en ai ras-le-bol !

Donc, pour résumer : un bon début mais une fin bête à pleurer.

Les critiques sont dithyrambiques côté professionnels. Je me rangerai cependant à l'impression beaucoup plus nuancée des Inrocks : "Trop relâché pour pleinement convaincre (les incohérences sont nombreuses, le dernier quart d'heure est grotesque), pas assez détaché pour prétendre à l'hommage décalé (...), "Effets secondaires" n'est pourtant pas désagréable".

Côte public, beaucoup de spectateurs, eux aussi, ont été désarçonnés par ce changement de cap (brûlot contre l'industrie pharmaceutique et soudain twist à la Hitchcock) !