Genre : Aventure, Action
Année : 1961
Durée : 1H45
L’histoire : Une petite ville du Japon, est devenue le théâtre d’une guerre opposant deux clans puissants et dominants. Les rues grouillent de cadavres et le commerce est au point mort. Surgit alors Sanjuro Kuwabatake, un soldat qui va offrir ses services à chacun des clans.
La Critique de Vince12 :
Akira Kurosawa cinéaste japonais respecté, est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands réalisateurs de tous les temps. Et c’est à juste titre, puisqu’il a pondu une multitude de chefs d’œuvres.
Kurosawa capable d’exceller dans le drame et le policier s’est cependant fait quelque peu enfermer dans le film de sabre japonais. Il faut dire que son chef d’œuvre absolu Les Sept Samouraïs a largement marqué les esprits.
On pensait qu’il avait tout dit mais dans les années 60, il décide de renouveler son genre de prédilection avec Le Garde du corps, dont le titre original est Yojimbo, réalisé en 1961.
Attention SPOILERS !
Au japon, dans une petite ville située au nord de l’ancienne Tokyo, l’insécurité règne. En effet la ville est partagée par deux clans rivaux qui mènent une guerre sanglante. Les rues sont remplies de cadavres et la ville ne semble plus avoir d’activité. Dans ce paysage cauchemardesque, surgit Sanjuro Kuwabatake, un Samouraï rusé qui décide de profiter de la situation. Il envenime les rapports entre les deux clans rivaux et propose ensuite ses services à l’un et à l’autre. Le bain de sang sera inévitable.
Le Garde du Corps a donc pour but de renouveler le film de sabre. En réalité pour son scénario, Kurosawa reprend plus ou moins l’histoire du roman de Dashiell Hammett La Moisson rouge. D’ailleurs, Dashiell Hammett reste une influence majeure pour ce film, puisqu’un autre de ses livres a indirectement inspiré le film. En effet Kurosawa a affirmé que son influence majeure était le film La Clé de verre réalisé par Stuart Heisler en 1942, dont le scénario est tiré d’un livre d’Hammett. Par ailleurs l’ambiance de l’œuvre de Kurosawa peut parfois rappeler La Clé de Verre.
Le réalisateur japonais retape cependant l’histoire pour l’adapter dans un autre contexte historique et moral. Moral dans le sens où son personnage principal est au final aussi pourri que les méchants attitrés du film. C’est un homme sans foi ni loi qui pense avant tout à remplir sa bourse.
Au niveau de la réalisation on reconnaît le talent de Kurosawa, le réalisateur a toujours un goût raffiné pour l’image. Les décors sont très bien mis en avant. La mise en scène est digne d’une pièce de théâtre ou même d’un opéra. Tous les combats et toutes les mises à mort obéissent à des codes qui les rapprochent clairement du rituel. En ce sens Le Garde du Corps a un verni proche du mystique. On peut aussi évoquer le rythme du film là encore grâce à la mise en scène de Kurosawa. Le réalisateur montre aussi un œil hyper affuté jouant sans cesse des contrastes avec les lumières et les ombres (là encore on peut penser au théâtre de tradition asiatique).
Bref le maître Kurosawa est fidèle à lui-même et signe une réalisation incroyable.
Au niveau du casting il retrouve son acteur fétiche Toshiro Mifune. Ce dernier joue un rôle plutôt différent des précédents. Souvent habitué à jouer les samouraïs hystériques dans les films du maître, il interprète ici une crapule suprêmement calme et habile. Manipulateur, cruel, immoral et rusé comme le renard, tel est le personnage qu’interprète à merveille Toshiro Mifune. Les autres acteurs, inconnus pour la grande majorité, livrent eux aussi une bonne prestation mais également très théâtrale et donc en accord aussi avec le ton du film.
Le Garde du Corps est donc une totale réussite, où Kurosawa renouvelle de manière assez subversive le film de sabre. Ici le Samouraï ne défend plus le paysan mais se bat pour s’en mettre plein les poches. Un portait plus sombre et plus réaliste des sociétés humaines qui saura toucher le public. Le film aura beaucoup de succès et bien qu’il ne fasse pas parti des têtes de listes de Kurosawa, il n’en reste pas moins un chef d’œuvre qui va largement influencer le cinéma.
Par exemple Sergio Leone en réalisera un remake avec Pour Une poignée de Dollars. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois, puisque Les Sept Samouraïs avait lui-même donné naissance au western Les Sept Mercenaires. Cependant Leone contrairement à Sturges ne se préoccupera pas des droits d’auteur ce qui lui vaudra un procès.
Le réalisateur italien a par ailleurs déclaré bien des années plus tard, s’en être « inspiré sans complexe ». Il déclare « « J’ai vu un film de Kurosawa : Yojimbo. On ne peut pas dire que c’était un chef-d’œuvre. Il s’agissait d’un démarquage de La Moisson rouge de Dashiell Hammett. Pourtant, le thème me plaisait : un homme arrive dans une ville où deux bandes rivales se font la guerre. Il se place entre les deux camps pour démolir chaque gang. J’ai songé qu’il fallait replacer cette histoire dans son pays d’origine : l’Amérique. Le film de Kurosawa se passait au Japon. En faire un western permettait de retrouver le sens de l’épopée. Et comme ce récit s’inspirait également d’Arlequin, serviteur de deux maîtres de Goldoni, je n’avais aucun complexe d’être italien pour opérer cette transplantation. Sans compter que l’inventeur du western n’est autre qu’Homère. Sans oublier que le western est un genre universel parce qu’il traite de l’individualisme. »
Alors c’est assez drôle de l’entendre dire ça, car dans son film Pour une Poignée de Dollars (qui est donc le film qui a vraiment fait décoller sa carrière), est très calqué sur Le Garde du Corps. Le gros Sergio ne s’est pas fait chier et il n’a pas hésité à faire des copies plans par plans de certaines scènes du film du Kurosawa, c’est même flagrant quand vous comparez les deux films. Par ailleurs il faut rappeler que Leone a justement perdu son procès face à Kurosawa et qu’il lui a donc reversé les recettes de son film au Japon. On peut lui pardonner ses propos puisque plus tard Leone a avoué « Quand j’ai vu Le Garde du Corps j’ai vu le génie du grand Kurosawa ».
Bref Le Garde du Corps est une totale réussite et une étape majeure qu’on a parfois tendance à négliger.
Note : 18/20