[Itw éditeur] Bilan Kana 2013 : la difficile équation de la visibilité

Publié le 16 février 2014 par Paoru

Après Kazé et Kurokawa, voici la 3e interview éditeur sur les bilans 2013 des éditeurs. Pour la seconde fois Christel Hoolans, directrice éditoriale chez Kana et Dargaud, a accepté de répondre à mes questions début janvier. Elle est présente depuis les débuts de l’aventure de Kana, en 1996 et travaille depuis avec Yves Schlirf, qui en est le directeur général.

Pour cette seconde entrevue nous nous sommes penchés sur les résultats 2013 de l’éditeur mais aussi sa vision du marché du manga, actuellement en difficulté. Avec une baisse de 9.4 % en volume de vente selon l’institut Gfk, beaucoup de questions se posent autour des causes, des conséquences et des stratégies à adopter. Nous sommes également revenus plus précisément sur certains titres de l’éditeur, qu’il s’agisse de lancement 2013 ou de séries plus anciennes. Une fois de plus nous avons discuté chiffres à l’appui de ces séries qui fonctionnent et celles qui ne marchent pas ou peu, des lancements d’une série et du marketing qui va avec, de l’édition numérique et enfin des projets pour 2014. Une conversation passionnante, donc, que je vous laisse savourer tout de suite. Bonne lecture

Introduction : vision du marché…

Bonjour Christel Hoolans,

Cette année, le marché du manga baisse de 9.4% en volume de vente. A quoi attribuez-vous cette baisse assez sévère ?

Le marché du manga vient de très très haut, il a eu une croissance exceptionnelle pendant 10 ans. Donc forcément quand la correction se fait, elle est un peu raide. Après, il y a beaucoup de raisons qui peuvent expliquer ce recul.

En ce qui concerne Kana, nous avions décidé il y a plus d’un an de réduire le nombre de titres que nous sortions donc, logiquement, notre chiffre d’affaires diminue, même si nous sommes un peu plus rentable. On perd forcément des parts de marché. De ce que j’ai lu dans le rapport de Gilles Ratier, cette diminution et cette politique se voient aussi chez nos concurrents donc, de fait, le marché se réduit en conséquence.

De plus, en 2011 et 2012, il y a eu une  très grosse exposition télévisée de certaines séries qui ont fait exploser les ventes de certains shônens, notamment chez nos concurrents, et qui a entrainé des augmentations dans les ventes de fond et de la nouveauté de façon assez appréciable. Cette exposition n’existe plus sur la fin 2013 et on le voit tout de suite sur les ventes. Certains fonds reculent de 20, voire 30%. Ici, je parle du marché en général et non de Kana. Aucun fonds chez nous ne fait un tel recul heureusement.

Or, dès que ces séries du top 5 ralentissent, on a tout de suite un recul net de tout le marché. Leur poids est tel que cela se ressent sur le volume des ventes globales. (NDLR : en 2012, 1 manga vendu sur 6 était un tome de One Piece, par exemple).

Dans une interview précédente avec Kurokawa, Grégoire Hellot évoquait un public vieillissant et aussi un jeune lectorat qui lit moins de manga qu’avant… Votre point de vue là-dessus ?

C’est sûr que le public vieillit. Les premiers lecteurs de manga ont maintenant atteint ou dépassé les 40 ans et lisent moins – ou ne lisent plus – de manga, effectivement. Le renouvellement n’est pas  simple car l’offre en kodomo (le manga pour enfant, NDLR) n’est pas si vaste mais lorsque l’on regarde ceux qui existent – et pour le coup pas tellement chez Kana – on constate qu’ils cartonnent. Il y a donc un lectorat potentiel pour le manga mais il faut le nourrir. Dans le kodomo ce qui marche le mieux c’est, à nouveau,  l’exposition télé. Donc lorsqu’un titre peut passer à la chaîne hertzienne et que le manga est publié derrière, il y a un vrai succès commercial au bout. Je pense à Kilari, par exemple, chez Glénat qui a bien marché pour cette raison-là aussi.

Pour préciser, Kurokawa évoquait surtout le public adolescent qui se retrouve avec une offre de loisir très riche, qui vient grignoter le manga…

Ca grignote un peu effectivement mais je ne pense pas qu’il se désintéresse pour autant du manga. Tout lui est ouvert et très accessible donc il se disperse, tout comme on se disperse dans l’offre lorsqu’on propose plus de 100 nouveautés dans le mois. Forcément on ne sait plus trop quoi acheter donc on se raccroche à ce qu’on connait déjà, d’où les succès de Naruto, One Piece et Fairy Tail parce qu’on est sûr de ce qu’on achète.

Enfin la gratuité en manga avec le téléchargement illégal est aussi une vraie plaie. Il est difficile de lutter contre des personnes qui offrent des lectures gratuites et en simultanée avec le Japon…

Ventes : réussites et déceptions de 2013

Commençons avec votre série phare : est-ce que la série Naruto recrute encore de nouveaux lecteurs ?

Oui, nous continuons de vendre 300 tomes 1 toutes les semaines. À la nouveauté le titre reste la meilleure vente du marché mais nous ne recrutons plus comme il y a 5 ans, bien sûr. La série a plus de 12 ans maintenant, il n’y a pas de secret. Cela dit nous vendons toujours le même nombre de Naruto à chaque nouveauté (165 000 exemplaires en 12 mois). C’est vraiment le fond qui freine et, vu ce que Naruto représente chez Kana, ça joue tout de suite sur notre volume de vente global.

Hors Naruto, comment se porte les titres Kana cette année ?

Nous avons fait des belles performances sur 3 titres que nous avons lancés l’année passée et cette année : Buster Keel, Hell’s Kitchen et Gamaran.

Sur Gamaran nous arrivons à 10 000 exemplaires du tome  1, ce qui est aujourd’hui une bonne vente  pour une nouveauté shônen et chaque nouveauté se vend mieux que le tome précédent, donc c’est sur la bonne voie. Pour Hell’s Kitchen, nous avions aussi une grosse animation à Japan Expo autour de cette nouveauté. Il est plus récent que Gamaran donc on ne peut pas trop comparer mais nous sommes déjà a plus de 6 000 exemplaires sur le tome 2. Je dis tome 2 car le tome 1 a fait partie d’une opération où nous l’avons offert en avant-première pour l’achat d’autres titres, donc ce n’est pas représentatif.

Nous avions déjà évoqué Buster Keel en 2012, quelques mois après le lancement de la série car il se vendait encore beaucoup de tome 1…

Oui il continue à très bien se comporter (plus de 12 000 exemplaires au tome). Cette série et les 2 autres sont vraiment des shônens qui ont marqué le coup chez nous.

Et pour continuer sur les bonnes surprises et les réussites ?

On a aussi eu une bonne surprise en 2013, en fin d’année, c’est l’intégrale Albator : on ne s’attendait pas a ce que ça marche aussi bien. Tout a été vendu en quatre semaines alors que c’est une intégrale de 1088 pages à 25 euros. Ce n’est pas anodin.

Pareil pour Les Pieds bandés, de Li Kun Wu. One-shot sorti en mars 2013 et qui est déjà au-dessus de la barre des 12 000 exemplaires. C’est une création comme Une Vie chinoise du même auteur qui a dépassé les 20 000 exemplaires au tome et qui est vendu dans une dizaine de langues.

A combien était tiré Albator?

On l’avait tiré à la première édition à 5 000 exemplaires en se disant que, pour un grosse brique comme ça, c’était déjà beaucoup ! Il y a eu un beau buzz autour du film. L’édition agrandie est jolie et il y a eu un sacré bouche-à-oreille sur ce titre. Nous sommes à la troisième réimpression déjà.

Enfin, il y aussi Assassination Classroom qui est le meilleur lancement shônen du marché en 2013 alors qu’il est sorti en fin d’année : le tome 1 s’est vendu à plus de 7 000 exemplaires en 8 semaines.

Un lancement réussi donc…

Oui, car nous avions vraiment mis beaucoup d’énergie dans le buzz. Nous avions vraiment misé dessus dès la Japan Expo alors que nous n’avions pas encore le tome, pour faire monter la sauce.

Justement la promotion était assez surprenante, non pas sur le fait qu’elle se fasse à Japan Expo mais qu’elle se fasse avec un tome 1 qui arrive 3 mois plus tard. Pourquoi ce choix ?

C’est la volonté d’essayer autre chose. La difficulté aujourd’hui c’est de faire émerger un tome 1, quel que soit l’auteur ou le buzz préexistant sur le net. Sur Assassination Classroom, qui est un titre auquel nous croyons beaucoup chez Kana, on s’est dit « prenons les choses autrement ». Quelques années auparavant nous avions déjà testé une promotion en amont avec Black Butler et ça avait bien marché, donc on s’est dit que nous allions réessayer avec Assassination Classroom.

Ensuite Japan Expo est le plus gros salon du livre en France et c’est un endroit où nous sommes sûrs de parler directement à notre lectorat. Donc nous avons parié là dessus en faisant des goodies, des booklets, des jeux, une déco, etc. Après nous avons continué sur cet élan – ce n’était pas juste pour faire un coup – et nous avons lié ça à des animations tout l’été, sur Facebook notamment. Bien sûr on ne sait jamais quel est l’effet exact, c’est difficile de savoir si un succès vient de la qualité d’un titre ou de sa promotion ou même d’évaluer ce qu’une promotion rapporte en termes de ventes. Mais nous sommes très contents du résultat.

Et si on passe aux déceptions de l’année maintenant…

Je pensais que les ventes de Montage montraient beaucoup plus vite. C’est encore beaucoup trop tôt pour dire que les jeux sont faits heureusement, mais je pensais que le lancement serait plus fort. Les chiffres du tome 1 sont bons mais je trouve que cette série est assez exceptionnelle.  Tous les gens qui l’ont lu que ce soit les libraires ou même en interne étaient assez enthousiasmés, donc je m’attendais à ce que ça cartonne tout de suite. J’espère que ça viendra après ! Car c’est un incontournable du genre polar.

À quel niveau se situent les ventes ?

Nous en avons vendu environ 2600 exemplaires en 3 mois. Je pensais qu’on se situerait plutôt vers les 5 000.

La presse web l’a très bien accueilli, et je lui trouvais des points communs avec l’excellent film Le fugitif, avec Harisson Ford…

Oui il y a des similitudes c’est vrai. Moi, même si c’est dans un genre différent, je trouvais qu’on tenait peut-être un successeur à Monster d’Urasawa. Après nous ne nous faisons pas d’idée sur un titre avant le tome 5 chez Kana. Cela ne sert à rien de faire le point et tirer des conclusions avant. L’expérience nous l’a montré. Parfois le public fonce directement dessus parce qu’il l’attend depuis longtemps à cause d’une adaptation animée par exemple, et là il cartonne tout de suite comme Assassination. Mais sur d’autres séries, qui ne buzze pas avant, on a l’impression que les lecteurs attendent d’avoir du bouche à oreille, des conseils, des articles avant de se décider à l’acheter. Et là ils achètent les 3 premiers tomes en une fois. C’est pour ça que nous attendons le tome 5 pour statuer et analyser les chiffres de ventes.

Les libraires constatent effectivement que les gens hésitent beaucoup avant de se lancer…

Oui et on constate aussi que la presse web et les portails manga ne parlent pas systématiquement d’un titre sur son premier volume, ce n’est pas rare de voir des chroniques ou critiques commencer au tome 2. Quand on connait la construction d’un manga et sa parution au Japon ça se comprend d’ailleurs, le tome 1 n’est pas forcément celui qui nous dit où l’on va et il n’est pas forcément représentatif de la série.

Sinon au chapitre des déceptions… Fin 2012 nous avions évoqué un démarrage assez moyen de I am a Hero, qu’en est-il ?

Nous avons eu une presse incroyable sur ce titre, comme on en a rarement en seinen, mais il ne cartonne pas pour autant. Nous n’avons pas dépassé la barre des 10 000 exemplaires pour le premier tome. C’est pourtant un titre exceptionnel dans le genre.

Et maintenant qu’on est calé sur le rythme japonais il y a peu de chances que ça s’emballe…

C’est la difficulté de répondre aux attentes du public français qui demande des sorties rapides quand on a de l’avance sur le Japon. Si on ne réussit pas la percée au départ, on se retrouve coincé après par ce ralentissement. L’équilibre est très dur à trouver.

Autre lancement 2012 : Bonne nuit Punpun. Se vend-il bien ?

C’est plutôt un succès critique qu’un succès commercial. C’est de la bd d’auteur. C’est donc forcément un public plus restreint. Le propos est plus adulte, plus glauque, donc pas forcément pas facile d’accès.  C’est pour un public qui veut lire autre chose que des aventures seinen classiques.

Pour rester sur les titres adultes, comment va la collection Sensei ?

Sur cette collection la presse est dithyrambique mais commercialement ce ne sont pas des best-sellers. L’intégrale Albator dans cette collection est une des exceptions.

Et Yokozuna ?

Je suis allée au Japon en octobre et je l’avais sous le bras. Je l’ai donc présenté aux gens que j’ai croisé là-bas, éditeur ou pas, et on peut dire que le sumo fait de l’effet, ils étaient hyper enthousiastes. Sur notre public, le titre a été très bien accueilli par un public entre manga et BD. Leurs auteurs étant Français ils ont aussi leurs réseaux en France… nous l’avons vendu comme un roman graphique plus que comme un manga, au sein de notre collection Made in.

En plus vous aviez les auteurs sous la main, c’est quand même plus facile…

C’est ça ! Nous avons pu faire une promo complètement différente de ce que nous faisions jusque là : des expositions, des dédicaces, des rencontres, de la presse… Ils en ont fait beaucoup, ce qui a bénéficié au livre forcément, car notre lectorat apprécie le contact avec les auteurs.

Nouvelles générations : comment trouver une place…

On attend depuis longtemps de nouveaux blockbusters au Japon. Pourtant certains éditeurs comme Medhi Benrabah chez Kazé pensent que ces derniers sont déjà dans nos catalogues et qu’ils doivent juste réussir à éclore… Certains shônens comme ceux de Kana évoqués plus haut démarrent bien, mais quid de leur potentiel ?

Tout dépend où on met la barre en fait. Si on cherche un nouveau Naruto je ne pense pas que ce soit possible. D’ailleurs je ne suis pas sûr qu’on puisse avoir un jour un nouveau Naruto ou alors il faudrait vraiment un contexte très très particulier.

Il n’a pas tort en disant qu’on a plein de bons titres dans nos catalogues et sur le marché. On a quand même réussi à offrir une palette de titres conséquente au public, on peut trouver de tout. Ce qui me frustre en tout cas, en ce moment, c’est d’avoir d’excellents titres et de voir le public passer à côté, malgré des vrais soutiens promotions à chaque fois. De toute façon il n’y aucun titre qui sort sans promotion car si on le fait on sait que c’est mort.

C’est l’envoyer à l’abattoir…

Oui clairement, même si vous l’avez mis sur votre site, vos différents réseaux, etc, ça ne suffit plus. Loin de là. Il faut arriver à accrocher le public. C’est aussi pour cela que nous diminuons le nombre de titres, afin de mieux travailler chaque titre et adapter la promotion pour être sûr de s’adresser au bon public. Mais c’est vrai que c’est, par moment, assez désespérant quand on regarde le top des ventes. On constate que le lectorat est hyper-conservateur, il continue à acheter ce qu’il connait déjà et le top 10 des ventes n’évolue pas. Et je ne parle même pas du coté seinen où la frustration est immense car lorsqu’on est fan de manga et qu’on a lu des séries comme Ushijima ou même Zipang on se dit : « raaaah mais comment on peut ne pas cartonner avec des titres comme ça !!! ».

Donc il y a un vrai problème de lisibilité sur les nouveautés. C’est à nous de trouver la parade, évidemment.

Mais si on revient sur les shônens, est-ce que vous pensez que les blockbusters actuels (Naruto, One Piece, Fairy Tail) pourront être remplacés de leur vivant ?

Je ne suis pas persuadée qu’il reste de la place à côté de ces 3 séries dont les ventes sont quand même hallucinantes… Je ne suis pas sûre qu’il y ait de la place pour une 4e série de ce niveau de toute manière (les trois séries représentaient à elles seules plus du quart des ventes mangas en 2012, NDLR).

Il faudra donc qu’une s’achève pour qu’une autre naisse…

Quand ça va arriver soit le marché se ramasse soit on fait le pari qui est le mien que le public manga est là, qu’il est solide et que nous avons des choses à faire avec lui. À ce moment là, il trouvera autre chose. Ce ne sera peut-être pas à ce niveau là en termes de ventes, et ce sera peut-être une place pour plusieurs autres !

Les Naruto et One Piece ont atteint ce niveau de vente car ils ont pu se faire une place dans un marché qui était beaucoup moins chargé que maintenant.

Effectivement : quand Naruto sortait en 2002, il n’y avait que 377 sorties mangas cette année là ! La différence avec aujourd’hui est énorme !

Et voilà ! Il sera sans doute remplacé par plusieurs séries middle-sellers, comme dans le marché de la BD par exemple, où les best-sellers ont tendance à chuter et les middle-sellers à se multiplier. C’est moins bien pour l’éditeur mais l’offre est plus diversifiée.

Pour faire éclore de nouvelles séries vous voulez donc réduire votre nombre de nouveautés. Mais si on compare vos publications 2012 et 2013, on voit que vous passez de 170 à 163… La baisse est assez légère non ?

C’est sûr qu’on ne divise pas par deux ! (Rires)

Nous avions effectivement prévu de descendre d’une dizaine de titres en 2013 et nous serons dans la même lignée pour 2014. C’est dû au fait que nous n’arrêtons pas de séries avant la fin, nous allons jusqu’au bout.

Le planning des sorties est donc rapidement plein…

Voilà. Et il faut que nous continuions à faire notre travail d’éditeur en sortant des nouveautés, donc diminuer fortement ce n’est techniquement pas possible.

Et globalement, sur 2014, vous seriez aux alentours de combien de nouvelles séries par rapport à 2013 ?

On arrive à 9 séries et 2 one shots contre 10 séries et 5 one shots en 2013.

On avait évoqué en 2012 quelques séries aux ventes très modestes qui perduraient dans votre catalogue, comme Inu Yasha, Gintama ou Prince of Tennis par exemple…

Justement Inu Yasha et Prince of tennis vont se terminer donc ça ne nous fera pas de mal ! (Rires)

En parlant de série qui dure : est-ce que vous avez des informations sur la fin – un jour ! – de Conan ?

Ah non, la fin n’est pas du tout prévue. Ils viennent de sortir le 82e tome au Japon et chez nous en plus c’est une vente hyper stable !

C’est assez surprenant car tout le monde attend des informations sur ces hommes en noir, on pourrait s’attendre à de la lassitude…

Oui mais les ventes sont toujours là, nous vendons 10 000 exemplaires de chaque nouveauté et au Japon cela reste un best-seller de la maison Shôgakukan. Je pense que les gens sont contents de retrouver Conan et les personnages de la série. Nous évoquions le public assez conservateur, il y a un peu de ça finalement. Cela dit dans Conan, on est sur le principe du feuilleton comme pour les séries TV et les gens le suivent de cette façon et seront sans doute malheureux quand cela s’arrêtera.

D’autant que, même si on ne change pas le contexte ni les personnages, le scénario reste de qualité.

Prospectives 2014 : faire face aux évolutions…

Comment faire face à la baisse du marché ?

Nous avons plein d’idées en Recherche et Développement. Si le marché recule c’est que nous sommes arrivés à un palier et qu’il faut faire le tri entre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et essayer de trouver de nouvelles façons de présenter nos titres.

C’est ce que nous essayons de faire dès ce début d’année avec Witchcraft Works. Nous avons fourni à la chaîne J-One le simulcast de la série et nous avons sortis le premier tome de Witchcraft Works le même jour que la diffusion du premier épisode sur J-One. Et 15 jours après, la série arrive sur ADN, notre plate-forme VOD. Il y a donc une visibilité pour la série qui est différente dans le sens où vous aurez constamment rendez-vous avec Witchcraft Works, que ce soit en papier, à la télé, en VOD ou sur le web… Et cela tout le long de l’année.

Nous essayons de travailler en trans-media. Nous pensons qu’un lecteur de manga ne fait pas que lire des mangas, il regarde de la japanime, joue à des jeux vidéo, etc. Nous savons depuis longtemps que le public manga est intéressé par le Japon et sa culture en général, de la musique à la mode en passant par le manga et la japanimation.

Le trans-media papier-japanime a eu un impact notable en 2013 sur la série L’attaque des Titans

À la différence chez nous que nous gérons tout en interne, ce qui est un gros avantage pour nous.

Autre domaine : la plate-forme de vente Izneo. On y trouve déjà plus de 1 000 titres, mais quel retour sur les vôtres ?

C’était très important pour nous que, lors du lancement de nos mangas sur Izneo, la plate-forme soit bien fournie en titres en tous genres. C’est la masse qui rend visible sur le web, si on ne l’avait fait qu’avec nos best-sellers cela aurait eu moins d’impact.

Nous sommes déjà très contents d’avoir réussi à mettre tous ces titres, les négociations ont été très longues et très compliquées…

Oui, on a vu Naruto faire un aller-retour dans ce catalogue…

Il y a eu des couacs de ce genre-là, puis après il a fallu débugger l’aspect technique ce qui n’était pas si simple, et mettre sur une même norme tous nos titres issus de différents éditeurs et donc techniquement ayant différents formats… C’était quelque chose de colossal à mettre en place donc nous sommes déjà fiers et ravis d’y être arrivés.

Maintenant le lancement est tout récent donc je n’ai pas encore de retour chiffré. Ce que nous constatons en tout cas c’est qu’il y a de la curiosité : beaucoup de personnes viennent découvrir et télécharger des chapitres gratuits, entre autres pour tester l’ergonomie et comparer avec l’offre des sites pirates, par exemple. Après nous ne sommes pas en simultané avec le Japon donc quand ce sera le cas, nous pourrons nous faire un meilleur avis.

Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour rendre le tout plus attractif, il y a encore pas mal de choses à débugger,… Mais du coup je ne réponds pas à votre question ! (Rires)

Disons que, si on revient aux ventes, les autres éditeurs évoquent le numérique on parle au mieux de centaines de ventes…

Oui on doit tourner autour de ces chiffres-là, mais il faut avouer que, dans la mentalité du lecteur, accepter de payer pour du contenu digital n’est pas du tout naturel. Il nous faut donc trouver la bonne offre au bon prix qui donne envie au lecteur. C’est toute la difficulté.

C’est très important d’y être déjà. Il y a eu une demande forte du lectorat qui nous disait « vous nous demandez de ne pas aller sur les sites pirates mais vous n’offrez rien de légal ». Donc il fallait répondre à cette demande-là d’abord. Mais je comprends que cela peut sembler très lent pour quelqu’un qui n’est pas dans les coulisses.

Surtout que convaincre les Japonais est un travail de longue haleine !

Oui et d’ailleurs, même maintenant que c’est en place, cela reste très cadré, il reste encore un grand écart entre ce que nous avons envie de réaliser nous et ce qu’ils acceptent de nous laisser faire. Mais ce sont les décideurs car il reste les propriétaires…

De toute façon pour nous comme pour eux c’est un grand laboratoire. C’est un dossier Recherche et Développement qui s’avère très excitant car nous avons plein d’idées et plein d’envies. Après il faut convaincre les ayants-droits que ce sont les bonnes car eux-mêmes font des expériences ailleurs dans le monde avec des résultats qu’ils analysent de leur côté. Néanmoins chaque pays et chaque consommateur restent différents. Même si la tendance générale est à la globalisation le marché français reste à part, car c’est le plus gros marché du manga dans le monde après le Japon.

Pour l’instant on nous propose un paiement au tome ou au chapitre. Dans le monde de la musique, des plates-formes comme Deezer ou Spotify ont déployé des offres d’abonnement global illimité… C’est envisageable un jour ?

Un jour oui, nous espérons. Ce n’est pas pour demain mais c’est l’un de nos chevaux de bataille. Nous avons tout intérêt à ce que ça marche, car tout ceci représente un investissement colossal au niveau financier. On va donc aller vers les envies des lecteurs mais il y a du boulot derrière, aussi bien technique que dans le relationnel aux ayants-droits.

Maintenant ces derniers sont tout de même ouverts à la discussion car ces expériences les intéressent aussi et si ça marche je ne pense pas que nous aurons beaucoup d’obstacles. Donc on va y aller pas à pas… Mais on va y aller ! (Rires)

Pour finir cet entretien… Quels seront vos temps forts 2014 ?

Plusieurs séries vont être lancées… Witchcraft Works nous en avons déjà parlé, il y aussi une création qui s’appelle Save Me Pithy. Nous sommes très enthousiastes, qui est réalisé par une auteure française Elsa Brant. C’est de l’aventure complètement déjantée et très drôle qui commence à Delphes avec une héroïne du nom de Pithy, en référence aux prêtresses du temple d’Apollon. C’est l’aventure de deux personnages loufoques, on retrouve un Zeus en forme de poulet moitié muet, moitié crétin… C’est vraiment très drôle et ça sort en juin juste avant Japan Expo, nous le mettrons en avant à ce moment-là.

Ensuite, une grosse série issue du catalogue Square Enix dans la collection Dark Kana : Dusk Maiden of Amnesia en 10 tomes (couverture ci-contre, ndlr), qui est assez dark pour le coup : l’histoire d’une jeune femme qui est un fantôme hantant une aile désaffectée d’une école. Il y a un seul garçon qui arrive à la voir et on va comprendre pourquoi au fil des tomes en remontant dans son histoire à elle, assez trash, qui va expliquer pourquoi elle ère dans cette école. En même temps le duo doit faire face à des événements paranormaux dans l’école, donc il y a deux fils rouges avec le passé de l’héroïne et leurs aventures présentes, dans l’école. On retrouve la patte Square Enix donc c’est assez sombre y compris dans le dessin, qui est très moderne.

Et il sort quand ?

Pour Japan Expo.

Enfin il y a Mon Histoire, un nouveau shôjo très attendu qui intègre le catalogue Kana ! Un shôjo atypique qui a fait le buzz sur les forums. Ce shôjo ne correspond  pas aux canons habituels du genre, pourtant il cumule les récompenses depuis sa sortie au Japon. Takeo, lycéen pataud bâti comme une armoire à glace, et Sunagawa, lycéen idolâtré par toutes les filles, sont amis d’enfance. Takeo est le chic type par excellence, gentil, serviable, dévoué pour son meilleur ami. Il n’a jamais eu de petite amie, et ce n’est pas une surprise : toutes les filles qu’il croise tombent amoureuse de son ami Sunagawa. Lorsque la jolie Yamato vient parler aux deux garçons, c’est la surprise totale : pour une fois, la première, c’est Takeo qui est l’objet du désir… Une lecture savoureuse à découvrir en avril !

Nous guetterons donc ces nouveautés ! Merci C. Hoolans, et bonne continuation à Kana !

Retrouvez Kana sur leur site ou leur blog, ou encore sur Facebook et Twitter. Vous pouvez aussi suivre Christel Hoolans sur son Twitter, ici.

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