Louise Markise x JBMT

Publié le 16 février 2014 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Cela fait un bout de temps maintenant que la belle Louise a pointé le bout de son nez chez JBMT, afin de partager son travail photographique – intriguant au premier abord, épatant ensuite.

Louise Markise, c‘est une variation sur le même thème, à savoir elle-même. Non pas à la manière d’une Narcisse moderne, mais d’une jeune femme exploitant son corps comme un terrain de jeu (d’après ses propres dires). Son univers fantasque, hétérogène et très créatif, traduit une personnalité incroyablement imaginative, capable de s’émerveiller devant un rien et d’en faire un tout. Plongeons avec elle le temps de quelques questions.

Bonjour Louise,

Débutons par la question bateau : pourquoi avoir choisi l’autoportrait ?

Au tout début (comprendre, il y a longteeeeemps, quand je n’étais qu’une enfant)(ce que je suis toujours, mais mon âge le fait un peu moins maintenant) ce n’était pas un choix : la campagne, l’ennui, le premier appareil photo numérique de papa, je me mets en scène parce je n’ai personne d’autre sous la main.

Ensuite, je pense que la pudeur m’a, d’une certaine manière, empêchée d’aller vers les autres : l’autoportrait me permettait alors d’esquiver la rencontre, et à place, de jouer à questionner mes contours, mes frontières.

Aujourd’hui, l’autoportrait est un vrai choix, réfléchi, conscient : c’est précisément dans cet exercice et dans aucun autre que je sais ce que je fais, que mon œil est vif, allumé, qu’il voit. Qu’il imagine. Parce que je suis seule, libre. Photographier les autres, c’est différent, ça ne m’intéresse pas pour l’instant, je ne m’y retrouve pas ou peu, la présence d’autrui m’éparpille. De même que certaines personnes aiment ou savent cuisiner des gâteaux au chocolat quand d’autres aiment ou savent faire un coq au vin, j’aime et je maitrise l’autoportrait. Par contre, rien ne dit que je ne vais pas trouver, un jour, plus tard, une super recette de coq au vin !

Quel appareil utilises-tu, fais-tu des retouches, si oui avec quel logiciel ?

J’ai un NikonD7100 et j’interviens peu sur mes images : je ne livre évidemment pas de photos brutes de capteurs,  mais de manière générale, il s’agit d’un recadrage, des ajustements lumières/contrastes and co. Je ne suis de toutes façons capable que de ça, j’ai n’ai aucune connaissance Photoshop, je ne sais donc pas faire disparaître un élément, ni l’atténuer, ni en faire apparaître, ni faire de la bidouille d’image. Ce que tu vois, c’est ce que j’ai photographié, à une histoire de lumière près… J’utilise le logiciel Capture NX2, et je m’y retrouve dans le fait de ne pas savoir « retoucher » :  le jour où  je photographierais des chaises suspendues dans une forêt, j’aurais loué un camion, pour transporter les chaises, l’échelle,  et j’aurais passé des heures à les accrocher. Je ne les aurais pas copiées-collées depuis ma tablette graphique. De même, j’ai des fois des idées de créations mêlant peinture/dessin et photographie : je ne les ai pas encore réalisées, mais le jour où je le ferai, ce sera réellement sous mes yeux, pas en post-traitement.

Tu noteras que je dis « le jour où » effectivement, raisonner comme ça demande un peu de temps, un peu de moyen, un peu d’argent, un peu d’aide ? Oui, mais je ne suis pas pressée, tant pis si j’ai plein d’images dans la tête que je n’ai pas encore faites, leur heure viendra et ça n’en sera que meilleur !

Je veux raconter des histoires qui ne sont pas réelles mais qui ont pourtant eu lieu.

Comment arrives-tu à une nouvelle série photo ? Est-ce que tu te crées un personnage, tu t’adaptes à un environnement, tu fais en fonction de ton humeur du moment ?

Ah ah dure question ! Un peu de tout : souvent je mets dans mon sac à dos des robes, des accessoires, je ne sais pas forcément encore où je vais faire ma photo, mais je sais de quoi j’ai envie. J’ai envie d’une photo sensuelle dans une robe transparente, ou j’ai envie d’un nu à même la terre, la poussière, ou j’ai envie d’un corps de dos dans un environnement en ruine… C’est une idée dont j’ai quelques contours.

Des fois, je mets dans mon sac à dos pleins de robes et pleins d’accessoires et j’ai envie de faire des photos, mais je ne sais ni où ni comment. C’est donc mon humeur, ma fatigue, mon envie de rire, de m’amuser, le vent, la lumière, l’humidité de l’air, la tête des arbres ou le silence d’un lieu abandonné qui vont décider de.  C’est un désir d’image à laisser fleurir ou fâner.

Parfois, j’ai un personnage dans la tête, je sais un peu de son histoire, je sais un peu son humeur, je sais surtout à quoi il ressemble et parfois même je sais un peu dans quelle mise en scène je le voudrais. Comme on dit : Y’a plus qu’à !

Et puis des fois, l’image nait de l’ennui, de la possibilité de la laisser venir à toi : une après-midi à ne rien faire, deux jours à trainer dans l’appartement et paf, instinctivement, se saisir de l’appareil, aller chercher un peu de l’histoire de ces heures au ralenti.

As-tu des sources d’inspiration particulières, des artistes de référence ?

La campagne est mon artiste de référence ! De plus en plus, je sens son appel. La campagne et moi, on a encore beaucoup de choses à se dire, à faire ensemble ! La mer, les fossés, le ciel, les racines, les lacs, les cabanons de paysans, les montagnes et les chemins de plaine. Les matières de la campagne m’attirent. La lumière sur la campagne, c’est mon inspiration particulière. J’ai encore tout à faire avec elle, tout à apprendre. Une vie entière devant moi pour la guetter, danser avec elle. Rendez-vous dans trente ans !

Si tu devais associer Louise Markise à un personnage ou un objet ?

Louise Markise, c’est un ballon, une paillette, un confetti, une plume d’indien.

Quel est ton fantasme photographique (belle allitération en f)?

J’ai plein de désirs, d’envies photographiques, mais un fantasme photographique, ca…

Comment as-tu sauté le cap de la nudité ?

Je ne l’ai pas sauté ! La vie m’y a emmenée. J’y suis allée à petits pas minuscules, sans même vraiment savoir, en fait, que je m’y rendais. J’ai fait mon premier autoportrait nu suggéré quand j’avais 13 ans. Autant dire que ça remonte à loin !

L’image que je considère comme ma première photographie, comme le déclic de quelque chose, la naissance de mon identité,  le jour où j’ai pensé pour la première fois Waouw, c’est ce que je veux faire : j’étais en première, c’était une photo de moi assise sous la pluie, les bras autour de mes genoux repliés. On ne voit évidemment pas mes seins, et ce jour là, je portais une petite culotte couleur chair, qu’on ne devine pas, on pourrait croire que c’est un bout de peau de mes fesses. Mais pour moi, savoir que j’avais une culotte, c’était essentiel : je n’étais pas nue. M’aurais-tu dit à cet époque que je ferai du nu un jour, qu’on verrait mon corps comme il est, je peux te garantir que j’aurais beaucoup ri ! Je n’imaginais pas sauter le cap.

De fait, je n’ai pas sauté le cap. J’ai grandi, mes autoportraits avec. Tout cela suit un cours qui me semble, somme toute, être assez naturel, aller de soi… Si on prend l’image dont je parle au dessus, avec la petite culotte couleur chair, par exemple : c’était il y a 8 ans !

Pour toi, le corps c’est…

Une histoire dont on ne saura jamais tout, un drôle d’outil, un allié classe, un enfant à chérir, un muet qu’il faut faire parler, un copain étrange, tout un monde à découvrir, un inévitable, tes plus chouettes ennuis, un ensemble de mécanismes chimiques, un bavard dont il faut valoriser les silences, un truc qui peut te filer entre les doigts, un langage à apprendre, une belle possibilité, ton meilleur ami, un territoire à explorer, une vie à respecter, une marionnette qui parle à ta place, un espace qu’il faut savoir relativiser, un bouquet de fleurs ou de biscuits ramollis, un compagnon à apprivoiser, un super terrain de jeu photographique !

Merci Louise !

Louise Deglin

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