Il pleut des livres, c’est drôle un moment, mais ça peut être dangereux, plus que la grêle. Il tombe des cintres des feuilles, beaucoup jonchent déjà le sol accumulant la lumière pour la rendre dans l’obscurité. Le jour a besoin de la nuit. Un homme (Nicolas Bouchaud) et une femme (Judith Henry) échangent des propos philosophiques. Du désespoir du XXe siècle sortent des chemins parfois opposés. On rit de bon cœur, peut-être trop. Mais on ne va pas se plaindre du fait que la pensée procure aussi du plaisir. Quand l’introduction du spectacle parle de « lutte éperdue », j’entends que la lutte est perdue. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : il y a ceux qui professent que la lutte est perdue et qu’il s’agit de s’appliquer « à voir périr les choses, les valeurs, les concepts, les institutions », et il y a ceux qui, « à tous les repas pris en commun, [invitent] la liberté à s’asseoir ». Il y a, heureusement, ceux qui pensent qu’il n’y a « nul écart à combler entre intellectuels et ouvriers, non plus qu’entre acteurs et spectateurs ».
Bien sûr, quand j’entends qu’il n’y a en France qu’une petite « dizaine de philosophes », ça m’agace toujours : ça fait des années que j’entends ce genre de bêtise. Certes, ceux qu’on voit à la télévision sont souvent aussi peu convaincants que les experts en tout genre qui hantent nos écrans. Mais la pensée n’est pas l’apanage de quelques-uns. C’est d’ailleurs ce que dit ce spectacle où j’aurais aimé entendre aussi la parole de Jean-Luc Nancy.
J'ai vu ce spectacle au Théâtre Monfort, à Paris.