A quoi reconnait-on un comédien de talent ? A mes yeux, à sa capacité d’investir pleinement un personnage. Quand cette aptitude croît jusqu’à jouer deux personnalités radicalement opposées, seul, dans un même espace/temps, passant de l’une à l’autre en une lente progression, vous avez là une performance digne des plus grands.
Grégory Gadebois dans Des fleurs pour Algernon, mis en scène par Anne Kessler, est de cette trempe là ! Il m’avait d’ailleurs déjà séduite dans le film Angèle et Tony — cf. mon billet Angèle et Tony.. un profond chant d’Amour..). Présence, Puissance, Vulnérabilité, Humour : Grégory Gadebois, ex pensionnaire de la Comédie-Française, investit un espace scénique au décor industriel, quasi carcéral, écrin d’une dangereuse expérience médicale…
Tirée du roman Des fleurs pour Algernon (titre original : Flowers for Algernon) de science-fiction écrit par Daniel Keyes, la pièce est centrée sur Charlie Gordon, un jeune homme arriéré mental, qui gagne sa vie comme homme de ménage dans une usine et suit parallèlement des cours de lecture et d’écriture à l’Université Beekman avec son professeur, répondant au nom de Miss Kinnian. Un jour, il est convoqué par le Docteur Strauss et le Professeur Nemur qui lui proposent de subir une opération du cerveau qui doit permettre de démultiplier ses facultés mentales. L’intervention ayant réussi avec la souris de laboratoire dénommée Algernon, les deux scientifiques pensent être prêts à passer au stade de l’expérimentation humaine. L’opération réalisée, Charlie devient un génie et voit ses talents se multiplier. Sur les conseils des médecins, il décrit son évolution dans un journal intime. Mais les choses se gâtent car Algernon la souris donne peu à peu de signes inquiétants de régression et de dégénérescence et finit par mourir. Charlie comprend alors que son sort suivra de près celui de l’animal…
J’appréhendais de me confronter à ce sujet difficile que représente l’avancée de la science au travers d’expériences sur des souris… et sur l’humain. Tout au long de la pièce, la question de l’impact de l’Intelligence et du Savoir dans le rapport à l’Autre est posée. L’accès à la Connaissance à un niveau extrêmement élevé permet-il d’approfondir sa relation à l’Autre ? Génère-t-il un éloignement et une solitude inexorables ?
Des piste de réponses… à travers ce moment poignant — à ne surtout pas manquer !