Alors, que faire maintenant ? Attendre en faisant semblant de ne pas attendre, sauf que, sans le livre, fallacieux alibi, plus personne n’est dupe.
Boire un autre verre et regarder le ciel. Mais, les gens qui attendent ne regardent-ils pas le ciel ? Toi tu ne regardes pas le ciel, non. Tu n’attends pas. Tu déchiffres les étoiles rendues presque invisibles par les lueurs de la ville. Oui. Les étoiles avec lui, aussi. Comme une histoire normale. On se retrouve à deux sous le firmament et, comme si un ridicule et universel instinct était gravé dans nos gènes, comme tous les amoureux bien moins heureux que nous, on regarde le ciel, bêtement, persuadé que c’est là la quintessence du romantisme, et on se prend pour les frères et sœurs de tous ces astres morts – c’est à désespérer d’être autre chose qu’un humain.
A force de solliciter tes yeux déjà las, des larmes tombent, lourdes. Ce n’est pas du chagrin. Ce n’est pas parce qu’il ne vient pas – il viendra. Ces larmes ne sont que le fruit juteux de ta fatigue. Tu n’es pas le genre de filles à pleurer, tu laisses ça aux autres. Toi, ce sont les étoiles, trop loin, trop effacées, trop impossibles à attraper avec les yeux, ce sont les étoiles qui ouvrent les vannes au liquide lacrymal. C’est physiologique. Ce n’est pas ton âme qui fait couler les larmes, mais ton corps éreinté. Tu ne pleures pas pour un homme. Un homme qui ne vient pas. Un homme qui viendra. Tu le sais. Tu ne sais pas. Tu t’en fiches. Complètement. Si tu restes éveillée, sans heure désormais, c’est par habitude, par insomnie chronique, ce n’est pas pour l’attendre, non. C’est pour prendre l’air de la nuit, à t’en faire exploser le cœur.
Notice biographique
Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan. Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge 
Jeu de briques
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