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Chapitre 2 :
Atteindre la lune
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Mon cher Père,
Il a finalement plu à
Paris. J'avais dit à Linus qu'il devrait commander de la pluie pour
le tout premier jour, mais c'est arrivé aujourd'hui, notre 7ème
jour ici. Paris est toujours mieux après la pluie. J'ai demandé à
Linus si il sentait les arbres quand nous sommes passé devant, et il
a dit que oui, même si il paraît toujours aussi malheureux sans son
parapluie. Je l'ai empêché d'en acheter un autre.
Je sens que je
commence à le connaître à nouveau. Il sourit plus ici, même si il
donne toujours beaucoup d'attention au travail, et parfois il laisse
tomber ses papiers sans s'inquiéter pendant plusieurs heures.
Pouvez-vous l'imaginer ? Linus Larrabee ignorant son travail
pendant un moment ? Je ne pouvais pas, pas avant de l'avoir vu
de mes propres yeux. Peut être que c'est son expression faciale qui
m'a rebuté quand j'étais plus jeune, si acharné et concentré,
comme si rien d'autre ne comptait. Son attention est divisée,
maintenant, entre son travail et sa vie en dehors. Je pense qu'il est
plus heureux, et je sais que je le suis.
Nous passons souvent
nos après-midis à marcher, juste marcher, la ville est si belle.
J'ai l'impression que je ne pourrais jamais partir et être heureuse,
bien que je sache qu'il doit repartir bientôt. Même les télégrammes
retardent ces décisions pour la compagnie. J'essaie juste de
profiter de chaque jour qui passe, même ceux pendant lesquels nous
ne pouvons partager que notre petit déjeuner. Après tout, il ne
peut pas oublier ce autour de quoi il a construit sa vie.
C'est compliqué
parfois, de croire qu'il est le même homme qui a voulu m'envoyer ici
seule. Je sais qu'il n'est plus ce qu'il était – la distance entre
lui et son bureau en ce moment y est pour beaucoup – mais quand
même, il reste le même quand il est concentré sur son travail. Un
homme peut-il changer à tel point qu'il ne partage plus rien avec
son propre passé ? Je ne sais pas, mais je ne fais qu'écrire
ici, pas penser. J'espère que je ne t’inquiète pas.
Je pense souvent à
vous père et j'ai hâte d'être au jour où nous nous reverrons à
nouveau. Peut être pourriez vous venir à Paris, si les Larrabee
vous l'autorisent. Je sais que vous apprécieriez la ville autant que
moi. J'aimerais pouvoir vous appeler, votre voix me manque. Si
seulement je pouvais vous serrer contre moi aussi facilement que je
vous écris.
Votre fille adorée,
Sabrina
Thomas Fairchild souriait
en lisant la lettre, un café à la main. Chaque lettre que sa fille
lui envoyait de Paris était gaie et une joie de les recevoir, même
celle où elle se lamentait à propos de David. Qu'il était étrange
maintenant de lire ses mots doux à propos de Linus Larrabee en
considérant tout : les événements de ces derniers jours, la
douleur sur son visage quand il lui a montré le billet pour le
bateau pour Paris, les larmes quand elle lui a dit qu'elle allait
faire ses bagages pour repartir, seule. Mais avait-il vraiment
pardonné à l'aîné de la famille, même si il avait rectifié le
tir en la rejoignant ?
Les plans de l'homme
avaient été durs à entendre, même si son but final était un
soulagement pour Fairchild.
« Puis-je vous
demander, Monsieur, quelles sont vos intentions exactement ? »
Il était dur de regarder dans le rétroviseur devant lui. Qu'est
qu'il dirait, que verrait-il sur le visage de son employeur ?
Que voulait-il entendre ?
« Mes
intentions ? » Mr Larrabee arborait une expression peu
claire avant de reprendre. « Contraires à la morale,
répréhensibles mais très efficaces. »
« Je vous
demande pardon ? » D'abord effrayé, c'est la confusion
qui régnait dans ses mots.
« Avec votre
permission, Fairchild, je renvoie votre fille à Paris. »
« Vraiment,
Monsieur ? » La confusion empirait.
« Et bien, c'est
ce que j'essaie de faire. »
Déjà, tout s'était
clarifié la nuit avant qu'il conduise Sabrina au bateau :
toutes les peines de cœur de sa fille pour protéger un accord de
fusion, son malheur au prix d'un business. Même si il lui avait
gentiment parlé ce matin là, la colère grondait dans sa poitrine.
Pas seulement pour elle, mais lui aussi, pour eux. « J'aurais
du te croire, » avait-elle dit. « Il y a une banquette
avant et une banquette arrière » et il la rejoint « et
une fenêtre entre les deux. »
Non, elle avait raison :
plus le même homme.
Malgré tout ce qui avait
transparu depuis sa dernière accolade avec elle, Fairchild était
encore en colère : la peine que cet homme avait causé à sa
fille, pour finalement la suivre malgré la convenance de la
situation ; et les mots haineux de l'aîné des Larrabee, qu'il
a craché quand ils parlaient de son comportement. Ils ne l'ont pas
reproché à Linus, bien sûr, mais à Sabrina, la fille du
chauffeur qui l'avait courtisé comme la pauvre qu'elle était. Au
début, il voulait les gifler, leur crier dessus, avec le besoin de
comprendre pourquoi ils lui reprochaient tout, mais son désir s'est
vite évanoui. Pour Linus, au moins, la colère de Fairchild s'est
évanoui, seulement pour le bien de sa fille. C'était ce qu'elle
voulait, même si il doutait de la sagesse de ses envies.
Ses collègues n'étaient
pas beaucoup mieux que ses employeurs, à par qu'ils étaient plus
gentils. Ils étaient tous groupé autour de Ginny et de son
exemplaire du journal du soir qu'elle lisait d'une voix sidérée.
Les regards qu'on lui portait étaient inquisiteurs, demandant une
réponse qu'il n'avait pas, et il avait seulement bégayé ce que
Sabrina lui avait dit. Ils n'avaient pas de haine pour eux deux,
juste de l'incrédulité, vraiment. Surtout Margaret.
De temps en temps,
Fairchild pensait que le cuisinier avait encouragé les fantasmes de
Sabrina à propos de David, voulant un conte de fée devant ses yeux,
que la pauvre fille ait son prince charmant. Et maintenant, les
récents événements avaient brisé ces chances de fin heureuse.
Quoi qu'il en soit, leurs mots déçus – pas infâmes simplement
choqués et parfois désobligeants – étaient seulement pour Linus,
et pour leur confusion au sujet de Sabrina. Et ensuite, la colère de
Mr Larrabee arriva, ses hurlements envers sa femme résonnant dans
les couloirs, aussi vite que le journal fut plié et caché dans le
tablier de Ginny... Il se demandait parfois comment il arrivait à
garder sa place.
Fairchild ne voulait pas,
ne pouvait pas, leur révéler, à qui que ce soit, les
derniers mots de la conversation qu'ils avaient eu dans la voiture.
« Pour ce que ça vaut », avait-il dit, désireux de la
distraire par tous les moyens pendant un moment, « une chose
positive est ressorti de tout ça. Tu t'es remis de ton amour pour
David, n'est ce pas ? »
Elle caressait les
oreilles de son petit chien, l'animal allait-il bientôt changer de
nom ? « Cher David... oui je m'en suis remise. Je suis
guérie. ». Un court et inconfortable silence s'installa.
« Maintenant comment vais-je me remettre de la guérison ? »
Une fille amoureuse,
était la fille à qui il donna une dernière accolade, un dernier
baiser sur la joue. Amoureuse et malheureuse, de qui il n'imaginait
pas recevoir une telle lettre. Fairchild la plia prudemment, la
mettant dans la poche de sa chemise. Tu essais toujours
d'atteindre la lune, ma chérie, pensa-t-il, pressant son chapeau
sur sa tête ; David Larrabee était prêt à aller en ville
pour rejoindre sa fiancée, le mariage et la fusion était toujours
d'actualité sans la présence de son frère.
Mais peut être que
Sabrina avait raison, maintenant, de poursuivre son but incroyable.
La lune, une nouvelle lune, essaierait de l'atteindre.