Par Élisa Matton.
Les griefs de l’opinion française contre l’UE ne peuvent résulter que d’une confusion et d’un amalgame entre les politiques économiques et financières nationales pratiquées par un gouvernement français qui atteint des sommets d’impopularité et la ligne suivie par la Commission Européenne. Mais quoi de commun entre elles ? D’un côté, des dirigeants qui peinent à reprendre le contrôle de la dépense publique et abusent du levier fiscal et, de l’autre, des responsables européens, adeptes des règles de bonne gestion, qui prônent une baisse et une meilleure allocation des dépenses de l’Etat. C’est toute la différence qui existe entre des politiciens prisonniers de leur clientèle électorale et des esprits indépendants dégagés de l’emprise du court-terme et des groupes de pression. Les citoyens français peuvent rendre grâce à l’Union Européenne de rester la gardienne du principe de réalité refoulé depuis trop d’années par ceux qui les gouvernent.
Mais il semblerait que nombre de Français font à l’UE d’autre reproches. Ainsi, l’Union ne protégerait pas assez de la mondialisation, elle serait ouverte à tous les vents et même à ceux qui soufflent en Europe même. Mais peut-on se protéger de la mondialisation ? En réalité, on ne choisit pas son terrain de jeu économique. L’illusion serait de croire qu’un pays ou un bloc de pays puisse trouver le bon ajustement protecteur qui lui permettrait à la fois de pousser son avantage sur des marchés extérieurs accueillants et de fermer sa porte là où la concurrence aurait des chances de triompher sur son marché intérieur. Ce serait une attitude contradictoire et schizophrénique que les faits viendraient aussitôt mettre en évidence. La logique d’un tel comportement aboutirait à terme au repli pur et simple sur le seul marché national voire à une utopique autarcie c’est-à-dire à la régression et la ruine. Le raisonnement vaut pour le marché européen : on ne peut pas écouler ses produits agro-alimentaires ou pharmaceutiques en Slovaquie, Pologne ou Roumanie et refuser la concurrence de ces pays sur d’autres secteurs. Là encore, il faut ouvrir les yeux et regarder la réalité en face : l’Union Européenne n’est pas responsable des transformations et mutations inhérentes à la vie même de l’économie.
Au bout du compte, on cherche aussi en vain le projet politique alternatif poursuivi par les eurosceptiques si ce n’est le démantèlement de l’acquis communautaire et le repli fantasmé sur des politiques nationales. Cette volonté de déconstruction et de retour en arrière ne fait pas un programme pour l’Europe. Si elle trouvait un début de concrétisation, elle mènerait droit à la fragmentation et à l’éclatement du continent, ce qui ramènerait dans le jeu, à la grande satisfaction de la Russie, les rapports de force déstabilisateurs connus à d’autres époques. Il est temps que les Européens du XXIe siècle s’aperçoivent qu’ils disposent avec l’Union d’un instrument de cohésion, de pacification et de développement qui n’a jamais eu d’égal dans leur histoire.