Par Stanislas Marion(*).
Qu’est-ce que Bitcoin ?
Avant tout, Bitcoin est un réseau au même titre qu’Internet est un réseau. Comme Internet, Bitcoin est l’implémentation du protocole éponyme. Ce protocole représente un grand livre de comptes sur lequel sont inscrites toutes les transactions entre les adresses Bitcoin. Une adresse Bitcoin est comme une adresse e-mail. Chacun peut en avoir autant qu’il veut. Les transactions sont effectuées en bitcoins (avec un petit b), l’unité de compte du protocole. Il est impossible (ou du moins le coût en est prohibitif) de contrefaire une transaction. Le protocole Bitcoin permet donc de savoir exactement quelle somme appartient à chaque adresse, à une date donnée, et de transacter d’une adresse à l’autre, tout cela de manière infaillible.
Quel intérêt par rapport à un réseau comme Paypal me rétorquerez-vous ? Et pourquoi tant d’engouement ? C’est ce que je me propose d’expliquer ci-après.
Internet et les téléphones
En 1995 peu imaginaient que la grande majorité de leurs communications passerait un jour par Internet. Et en 2014, peu envisagent que la vaste majorité de leurs transactions et de leurs services financiers passeront un jour par le réseau Bitcoin. Et pourtant la comparaison est pertinente. Mais qu’est-ce qu’Internet au fond et qu’est-ce qui le différencie d’autres réseaux de communication comme le téléphone ? Pourquoi les appels vidéo sont-ils d’abord apparus sur Internet et pas sur les téléphones ?
Internet est un réseau qui comporte deux propriétés essentielles : c’est un réseau naïf et un réseau décentralisé. Un réseau naïf signifie que le réseau se moque de savoir ce qu’il transporte. Exactement comme les conteneurs ne se préoccupent pas de savoir s’ils transportent des meubles, des vêtements ou des potirons. Ce qui importe, c’est que la marchandise arrive en temps et en heure à l’endroit voulu. Internet est pareil : sa seule prérogative est de transporter des données d’une machine à une autre en un temps le plus court possible. Que ces données soient du texte, une image, de l’audio, de la vidéo, peu importe. Le rôle de savoir ce que sont ces données et ce qu’il faut en faire est relégué aux bords du réseau : ce sont les navigateurs web, les boîtes mail, et autres applications qui déterminent l’usage de ces données. La couche de transport est indépendante de la couche applicative. Il n’est pas nécessaire de modifier le fonctionnement ou l’infrastructure du réseau pour créer une nouvelle application sur Internet et la commercialiser.
Un réseau décentralisé n’est pas contrôlé par une autorité centrale. Il est possible pour deux participants de communiquer directement sans intermédiaire de confiance. Une telle architecture permet donc à n’importe quel noeud du réseau de créer une nouvelle application qui utilise le réseau, sans être inquiété par une interdiction potentielle de l’autorité qui contrôlerait le réseau.
Sans autorité il n’y a pas d’autorisation à obtenir ni de censure potentielle. En revanche si l’on crée une application sur Facebook, ou sur PayPal, on doit respecter leurs termes, et on risque même qu’ils les modifient a posteriori pour interdire l’application si elle apparaît comme un danger (stratégique ou financier) au réseau central. C’est pour cette raison qu’Internet a donné vie à de nombreuses applications prospères qui sont devenues des mastodontes (Google, Facebook, Twitter, LinkedIn, Ebay), tandis que les applications construites sur ces plateformes sont souvent rachetées ou tuées avant qu’elles ne grossissent trop.
La combinaison de ces deux propriétés (naïveté et décentralisation) est cruciale. Elle laisse libre cours à la créativité et démocratise la création. Tout le monde peut créer et innover, au lieu d’un petit nombre de gens lorsque le réseau est contrôlé par une autorité centrale.
Comparons maintenant aux réseaux de téléphonie mobile propriétaires qui ne sont ni naïfs ni décentralisés. À chaque fois que l’on veut propager une innovation sur ces réseaux, toute l’infrastructure doit être mise à jour. Passer du GPRS à l’EDGE, puis à la 3G, et maintenant à la 4G est lent et coûteux pour les opérateurs. La couche de transport n’est pas indépendante de la couche applicative : le réseau n’est pas naïf. D’autre part, seuls les opérateurs sont à même d’innover ou d’accepter une proposition d’innovation car ce sont des réseaux propriétaires donc centralisés. Si quelqu’un veut construire par-dessus, il doit d’abord obtenir la permission. Voilà donc brièvement pourquoi Internet a révolutionné nos vies bien plus en profondeur que la téléphonie.
Bitcoin et les services financiers actuels
Revenons donc à nos bitcoins. Bitcoin est un réseau naïf et décentralisé, tout comme Internet. Seulement au lieu de faciliter la communication numérique, Bitcoin facilite la transaction numérique.
Bitcoin est décentralisé. Personne ne contrôle Bitcoin. Personne ne peut vous dire que votre application ne respecte pas les termes et conditions de Bitcoin et vous obliger à fermer votre application et arrêter votre service.
L’absence d’autorité centrale du réseau Bitcoin est capitale : cela signifie qu’il est désormais possible de « transacter » sans intermédiaire de confiance. On peut donc réinventer tous les services financiers qui jusqu’à présent ne pouvaient exister qu’en payant très cher un intermédiaire de confiance. Virements, paiements, assurances, paris, contrats, bourses, etc. On peut tout refaire. Et cela ne s’arrête pas là.
Bitcoin est en effet naïf : Bitcoin ne s’intéresse pas à la valeur de la transaction ou à la finalité de la transaction. Il s’occupe juste de transférer un certain nombre de bitcoins d’une adresse Bitcoin à une autre, tout comme Internet transporte des données d’une adresse IP (Internet Protocol) à une autre.
De cette façon, l’innovation dans les services financiers est repoussée aux bords du réseau au lieu d’être concentrée entre les mains d’un petit nombre. La créativité du plus grand nombre est libre de s’exprimer. Tout comme n’importe qui pouvait lancer un service d’email, un réseau social ou un moteur de recherche sur Internet, sur Bitcoin n’importe qui peut lancer une assurance, un service de notariat, un service d’arbitrage de contrats, une bourse, un instrument financier.
Comparons cela aux réseaux centralisés existant que sont SWIFT, ACH et SEPA qui peinent à envoyer de l’argent d’un point A à un point B sur la planète en moins de quelques jours et avec les limitations et les coûts que l’on connait. L’autre grande innovation visible des clients des banques semble être la customisation du design de sa carte bancaire. En attendant on se balade toujours avec des bouts de métal et de papier dans les poches, comme il ya 2000 ans. Quelle alternative vous anime le plus ? Cela fait cinquante ans que l’innovation des services financiers est au point mort. Plus maintenant, grâce à Bitcoin.
Le futur
Bitcoin a le même potentiel d’innovation qu’Internet il y a vingt ans. C’est un moment passionnant pour le monde. De la même façon qu’Internet, Bitcoin va apporter beaucoup de bonnes choses. Les premières étant des coûts de transactions presque nuls, quels que soient le montant ou les parties prenantes à la transaction.
Envoyer de l’argent gagné dans un pays développé à sa famille qui vit dans un pays en voie de développement n’aura plus un coût usurier. Vendre un article de journal sur Internet pour quelques centimes devient possible. Dans mon prochain article, je détaillerai certains services d’assurances, de contrats et de propriétés intelligents qui peuvent être développés sur Bitcoin et qui n’auraient jamais été possibles avec des tulipes.
(*)Stanislas Marion est entrepreneur. Il tweete sur le compte @stanmarion
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