Par Bénédicte Cart.
Où est le sens de cette question ? C’est ce que j ai cherché à comprendre, l’habillement étant un art complexe et le casse-tête commençant parfois, très tôt le matin, devant un dressing bien rempli pour se terminer par un « je n’ai décidément rien à me mettre ».
Voilà quelque temps déjà, pour être précise, au cours d’une charmante ballade, avec un non moins charmant congénère du sexe opposé, un incident aurait pu se transformer en guerre des tranchées. Elle fut évitée de peu par l’exposé d’une étude sur le trottoir à privilégier si nous souhaitons éviter la foule d’une avenue très fréquentée de Paris.
L’incident en question était le suivant : nous croisons une jeune femme… et mon interlocuteur me dit : « une vie » et moi je lui rétorque spontanément : « non un style ».
Pourquoi ce décalage entre nos deux visions ? Pourquoi lorsque nous demandons si la manière dont nous nous habillons signifie conflits, risques, prises de positions dangereuses, compromis, diplomatie ? J’ai comme l’impression que chaque camp prépare la bataille qui sera décisive dans la guerre des sexes. L’homme cherchant à fuir et madame, prête à ne rien lâcher !
Pour comprendre cette guerre, j’ai commencé par observer le comportement de mes semblables. Si prise d’information il y a, il s’agit de se demander si les vêtements en question valent l’investissement, la valeur ajoutée qu’ils peuvent nous apporter, en somme.
Il y a d’abord celles qui sont en quête d’un avis « pratique », il ne faut pas chercher les femmes compliquées où elles ne le sont parfois pas, il s’agit juste d’une question de couleur, de forme, de motif… Loin du « j’aime / je n’aime pas ».
Une situation idiote mais vécue par certaines… : au restaurant, madame revient des toilettes et interroge du regard son compagnon sur son apparence, lui acquiesce rapidement, par habitude, mais madame se balade pendant 5 minutes, avec la jupe coincée dans son collant avant qu’une âme charitable le lui fasse remarquer, dans la rue. L’avis du compagnon ayant été sollicité quelques minutes auparavant sans que rien d’anormal ait été signalé, la guerre reprenait de plus belle.
Demander un avis, non dans les termes « tu aimes ma tenue » ? Mais précisément sur les détails, je trouve qu’il s’agit d’un échange banal ne nécessitant pas toute une armada de conseillers pour tenter une réponse qui ne sera pas celle attendue (si réponse attendue il y a), mais de la franchise.
Si le doute nous envahit, il s’agit peut-être d’une question plus profonde : est-ce que je m’aime ?
J’avais une petite robe rouge en dentelle, j’ai réfléchi plus longuement qu’à l’habituel avant de me décider (soit 5 min au lieu de 2) à la porter, une robe rouge j’ai, des robes en dentelle aussi, mais rouge et en dentelle, est-ce que cela n’est pas trop ?
La fameuse question était posée : Qu’est-ce qu’on va penser de moi habillée ainsi ? Et j’ai demandé un avis plus averti et mûr en matière de mode. Réponse: ‘‘Non, ce n’est pas vulgaire, tout est une question d’attitude’’.
Me voilà rassurée, le premier obstacle passé, il me fallait me confronter à un regard d’homme, j’enfilais la robe et me promenais, sans finalement que je ne sois déstabilisée (hormis du fait de la hauteur de mes chaussures). Oui j’avais suffisamment confiance en moi pour porter cette robe et finalement je n’essayais pas de deviner ce que les autres pensaient de moi mais mon esprit était libre de vagabonder où bon lui semblait.
Malgré mon amour aveugle pour ladite acquisition, revenons-en à « une vie »… Si je mets la robe en question, est-ce que les hommes vont penser cela de moi ? Est-ce qu’un écriteau va être affiché au dessus de ma tête avec « sexy », « vulgaire » ? Est-ce quelque chose va se passer ? Et pourquoi, moi j’y pense ?
Au fond, ce n’est pas mon problème, pourquoi nous résumons la vie à ce que nous portons ?
Si nous les femmes n’étions pas contrariées par ses regards qui se posent sur nous, essayant de deviner si on a juste ou non, peut-être que les stéréotypes évolueraient. Il s’agit d’avoir confiance en soi, ne pas se poser de question et finalement l’étiquette c’est nous qui nous la posons, l’homme nous regarde, mais ce qu’il pense à ce moment-là ne reste, a priori, qu’au stade du fantasme, de l’imaginaire, est-ce mal ?
Une femme vous demandant votre avis, messieurs, se pose la question à elle-même, il s’agit d’un moment de faiblesse, de doute plus prononcé qu’à l’accoutumée, où elle ne sait plus si oui elle s’aime suffisamment pour le montrer aux yeux de tous. Elle a besoin d’être rassurée, si elle perd la bataille, les conséquences ne seront pas si désastreuses. Finalement, il nous faudrait abandonner cette guerre, n’ayant aucun sens, et s’habiller pour soi, car la seule étiquette à afficher et celle de sa dignité, de son amour-propre.
Oui, nous pouvons faire face aux stéréotypes que nous avons nous-même intégrés et véhiculés, sans faire demi-tour une fois le pied posé dans la rue, pour courir se réfugier dans son dressing, en s’auto-flagellant d’avoir osé penser pouvoir s’habiller ainsi.
Et n’oublions pas, un avis sur une tenue qui semble superficiel ou ridicule peut parfois signifier autre chose pour la personne qui le reçoit.
La mode féminine n’est pas qu’une source de conflits qui alimente les différences et l’incompréhension entre les hommes et les femmes, elle peut aussi amener la paix, si nous l’utilisons à bon escient, en nivelant des bas vers le haut comme me l’a délicatement soufflé une rédaction bien informée !