Pour la deuxième semaine du mois de février , Case Départ vous ouvre sa bibliothèque avec de très bons albums. Parmi ces nouveautés, il y a quelques excellents opus. Une histoire historico-fantastique : La porte de Brazenac, l’adaptation dessinée de la nouvelle de Théophile Gautier : Le chevalier double, la vie romancée de Chomo vieil ermite épris d’arts dans Le grand Combat, No pasaran le jeu : des ados en prise avec un jeu vidéo démoniaque, le douzième tome de la série jeunesse Tamara : Loin des yeux…, La planète impossible : un récit de science-fiction, des machines de guerre construites par Archimède dans le manga Eurêka, une version dépoussière du conte populaire : La belle et la bête, un album sur une voiture mythique : Alpine, le sang bleu et un album pour adultes : Nassao souvenirs de voyage. Bonnes lectures !
Aux portes du futur
La porte de Brazenac est un one-shot à mi-chemin entre l’Histoire et le fantastique, co-scénarisé par Léo et Rodolphe mis en images par Patrick Pion. Au 18e siècle, un baron découvre l’existence d’une porte spatio-temporelle qui lui permet de passer de son époque à la notre.
1777. Damien de Beltoise, précepteur du Prince de Condé regagne Paris en calèche. Surpris par la brusque montée des eaux d’une rivière, il rebrousse chemin et trouve refuge dans le château du baron Pierre de Brazenac. Le vieil homme très malade et désargenté ne vit plus qu’avec sa domestique peu avenante Madeleine ; son serviteur Alphonse venant tout juste de décéder.
Le lendemain, l’hôte reprend sa route et le baron enterre son homme-de-main. En revenant des funérailles, il achète à un jeune garçon, un oiseau bicolore qu’il n’avait jusqu’alors jamais vu. Lors des jours suivants, il découvre ainsi une faune bigarrée et inconnue dans le parc de son château. Le plus surprenant étant la vision de deux enfants sur leur vélo, un engin méconnu au 18e siècle ! Toutes ces découvertes surprenantes, Brazenac les consigne dans des lettres qu’il adresse à son ami de Beltoise.
Alors qu’il décide d’aller poster une de ses missives, un spectacle hallucinant s’offre à lui : Reuter, son cheval disparaît petit à petit devant lui, comme s’il franchissait une porte invisible. Comme par magie, son épée en fait de même. Intrigué, il s’arnache avec une corde et passe le faisceau. Il marque l’accès de ce passage et part à la découverte de ce monde parallèle. Il y voit un oiseau semblable à celui qu’il a acheté, les deux enfants et une maison où se tient une jeune femme. Intrigué, il décide d’inviter de Beltoise à vivre cette étrange expérience…
Le duo de scénaristes Léo et Rodolphe avait déjà travaillé ensemble sur les très bonnes séries Trent ou Namibia. Pour ce récit très solide en un album, ils mettent en place une intrigue historico-fantastique bienvenue. Si la thématique ne semble pas si originale que cela (une porte spatio-temporelle tel Stargate), le traitement de l’histoire distrayante et mystérieuse l’est beaucoup plus. Le baron féru de découvertes sera piqué par sa curiosité pour emprunter le passage. L’ambiance des deux époques, le 18e et le 21e siècles, sont assez bien rendues et les personnages bien marqués : le baron malade et en fin de vie que les villageois traitent de fou, Madeleine, la servante pas si agréable que cela et qui se mettra en travers de sa route, de Beltoise en homme de sciences et érudit et enfin la famille contemporaine dont la mère élève seule ses deux enfants. Le trait réaliste de Patrick Pion est très maîtrisé. Les visages de ses personnages sont soulignés par de belles hachures. Les décors sont assez sommaires et épurés pour renforcer les discours des héros. La porte de Brazenac : un très bel album historique efficace, teinté de fantastique à la belle intrigue.
- La porte de Brazenac
- Auteurs : Léo, Rodolphe et Patrick Pion
- Editeur: Dargaud, collection Long courrier
- Prix: 15,99€
- Sortie: 7 février 2014
Le chevalier double : mi-ange, mi-démon
Modrimane a décidé d’adapter fidèlement la nouvelle de Théophile Gautier, Le chevalier double, datant de 1863. Le lecteur pourra d’ailleurs aisément comparer avec l’œuvre originale puisque le texte intégral de l’auteur de Capitaine Fracasse est adossé à l’album.Depuis plusieurs jours, la tempête fait rage et le vieux château du Comte de Lodbrog vacille sur ses fondements. Un soir, le châtelain accueille un étranger à la mine patibulaire. Se présentant comme musicien et poète, l’homme qui ne devait rester qu’une nuit, s’installe plusieurs jours. Petit à petit, la comtesse Edwige tombe sous le charme du bel étranger. A l’abri des regards, l’homme enfantera la jeune femme. Pensant que Oluf est de lui, le comte fera fondre un autel en argent massif et fabriquer un ciboire en or fin pour sa chapelle. L’enfant tout blanc et tout vermeil aura le regard noir de l’étranger maître-chanteur.
Le mire, médecin et astrologue de château, prédira à Oluf une double personnalité : un côté bon pareil à un ange et un côte sombre pareil à un démon. Petit à petit, c’est ce dernier qui prendra le pas sur l’autre.
Quelle belle adaptation que celle de Modrimane. Fidèle au texte, la narration et le découpage mettent habillement en valeur cette histoire teintée de fantastique. Cette nouvelle de Théophile Gautier est contée comme une fable. L’auteur du Roman de la momie utilise à merveille les codes de ce genre littéraire. Avec un matériel de cette qualité, il était aisé pour Modrimane d’en faire un très bel album. La grande force du Chevalier double est sans conteste le dessin. Le trait fort de la jeune dessinatrice est renforcé par de sublimes couleurs qui mettent en valeur les sentiments des personnages. Cette qualité de colorisation souligne le caractère fantastique du récit. Le chevalier double : une excellente adaptation de la nouvelle de Théophile Gautier. Case Départ attend avec impatience le nouvel album de Modrimane et pourquoi pas une nouvelle fable à mettre en images. Une jeune auteure à suivre.
- Le chevalier double
- Auteur : Modrimane d’après Théophile Gautier
- Editeur: Boîte à Bulles, collection La malle aux images
- Prix: 13€
- Sortie: février 2014
Le vieil homme et l’Art
Le grand combat est le premier album de Zéphir, un jeune auteur qu’il va falloir suivre. Il raconte d’une façon romanesque la vie du célèbre Chomo, un artiste écologiste qui vécu dans la forêt de Fontainebleau pendant plus de trente ans.
Chomo est un vieil homme à la longue barbe blanche et aux cheveux hirsutes qui s’est installé dans la forêt à l’écart des hommes pour méditer et créer de nombreux objets : des sculptures sur bois, sur pierre ou dessiner. Depuis plusieurs années, il traîne sa grand carcasse à travers les arbres pour s’inspirer de ce qui l’entoure. Le lieu où il réside est un grand foutoir où s’entasse de multiples objets fabriqués, des citations ou encore des dessins.
Alors qu’il se déshabille pour se laver dans la rivière voisine, un coup de fusil retentit. Furieux, il injurie les chasseurs qui viennent de tuer un beau faisan et les met en fuite. Les habitants du village le prennent pour un vieux fou, ne sachant pas vraiment pourquoi il s’est installé au milieu des arbres. Pourtant ils se sont habitués à lui et ont une forme de tendresse pour l’ermite.
Tous les ans, Chomo vient à la décharge publique pour récupérer des objets qui lui serviront à ses créations. Avec sa charrette, il parcourt les kilomètres qui le sépare de la cité. Alors qu’il repart chez lui, des jeunes le prennent à partie, mais plutôt gentiment. En attendant son retour, ces hommes décident de s’aventurer dans son repère. Là, ils commencent à dessiner sur un grand drap tendu par le vieil homme. Pour l’aider dans son retour, une femme le prend en voiture. Arrivés dans la forêt, ils tombent nez à nez avec les gentils dessinateurs…
Voilà un album singulier et original ! Le récit du jeune auteur Zéphir, qui sort juste de l’école Estienne, est formidable, mêlant les arts, la philosophie et la contemplation. S’inspirant de la vie d’ermite de Chomo, il livre une histoire sensible et profonde. Dès les premières planches muettes, le lecteur sait qu’il va être surpris par ce one-shot où le temps semble suspendu. Habité par la nature qui l’entoure, le vieil homme crée de nombreuses fabrications en bois ou en pierre proches des arts primitifs. D’ailleurs Picasso, Cocteau et Dali seront admiratifs de son œuvre. De ce récit simple, Zéphir nous livre une vision apaisée de la vie. Les planches sont magnifiques alternant les cases à la craie et les toiles pleine pages, le tout s’enchaînant à grande vitesse ; un paradoxe par rapport à la vie tout en lenteur du vieil homme. Les couleurs subliment les pages. Cet exercice de style permet au lecteur de s’interroger sur l’Art en général, sur le temps qui passe, sur la société contemporaine, sur la consommation, sur l’écologie et la nature. Le lecteur pourra donc se faire sa propre opinion, l’auteur ne fermant aucune porte. Le grand combat : un album expérimental et très créatif, teinté d’une belle poésie.
- Le grand combat
- Auteur : Zéphir
- Editeur: Futuroplis
- Prix: 19€
- Sortie: 6 février 2014
Dans les tentacules du jeu
Un jeu vidéo de guerre doué d’une forme d’intelligence perturbe les personnes qui l’utilisent et qui n’en sortent jamais indemne. Cette histoire, c’est celle qu’ont voulu raconter Christian Lehmann et Antoine Carrion dans No pasaran le jeu. Cet album reprend l’intégralité du roman de Lehmann paru à L’école des loisirs.Londres. Eric, Thierry et Andréas sont en voyage scolaire. Alors qu’ils sont en visite libre, ils décident de partir seuls dans les rues de la capitale sans l’accord de leurs professeurs. Un prospectus les amènent à franchir la porte d’un magasin de jeux vidéos. Ils y trouvent de vraies raretés. Pourtant le vieux vendeur est réticent, il découvre au revers de la veste de Andréas, une insigne particulière, celle de la Légion Condor, symbole d’une unité nazie. Furieux, l’adolescent quitte précipitement la boutique. Avant le partir, le responsable du magasin décontenancé, offre un paquet mystérieux aux deux autres élèves.
De retour dans sa cité, Eric retrouve sa mère, peu aimante et son frère rentré de permission militaire. Son rêve secret, la jolie Elena venue de l’Ex-Yougoslavie en France.
Andréas, fan de jeux vidéos violents, est le fils d’un néo-nazi qui a embrassé les thèses de son père. Les discours sont haineux envers les communistes, les étrangers ou les homosexuels. Pourtant le père se cherche une virginité et veut s’acheter une conduite pour les prochaines élections. Dans la chambre de l’adolescent se mêle les drapeaux à croix gammée et les posters d’Hitler.
Thierry, de son côté, ouvre le paquet donné par le vendeur et commence à jouer à ce jeu très étrange. Les protagonistes sont renvoyés dans le passé, à l’heure où les conflits sont à leur zénith : sur le Chemin des Dames en 1917, à Guernica en 1937 ou en France pendant l’occupation nazie. Peu à peu, le jeu échappe au garçon et il commence à contrôler son esprit, comme happé par l’univers virtuel. Pourtant Andréas, qui récupérera le jeu n’écoutera pas les conseils de Thierry et continuera sa soif de sang.
Le récit dense de Christian Lehmann est très solide et teinté d’un grand et beau suspens. L’auteur a adapté son roman éponyme d’une belle façon. Le lecteur sera happé, comme les protagonistes de l’histoire, par cet album si singulier. No pasaran le jeu est un manifeste fort contre la violence ambiante actuelle, la montée des nouveaux fanatismes pour les régimes dictatoriaux des années 30. Cet état de fait est souligné par les personnages d’Andréas et de son père, néo-nazis et fiers de l’être. Pour mettre en lumière cette ambiance un peu nauséabonde, l’auteur a choisi de le faire par le prisme d’un jeu vidéo violent qui prendrait le pas sur l’esprit de ses utilisateurs : une thématique très originale et surprenante. Le trait semi-réaliste de Antoine Carrion est très efficace, souligné par de petites hachures dans les décors ou les ombres. Les expressions des visages sont très réalistes. No pasaran le jeu : un sublime album à la thématique singulière.
- No pasaran, le jeu
- Auteurs : Christian Lehmann et Antoine Carrion
- Editeur: Rue de Sèvres
- Prix: 16€
- Sortie: 5 février 2014
La tentation de Tamara
Loin des yeux… est le douzième album de l’excellente série jeunesse publiée chez Dupuis, Tamara. Ces aventures sentimentales de la célèbre adolescente enrobée et complexée sont scénarisées par Zidrou et mises en images par Bosse et Darasse. Dans cet opus, Diego le petit ami de Tamara est obligé de quitter la ville et d’entrer dans un internat à cause de ses résultats catastrophiques.C’est le parfait amour entre Diego, le bel ado chilien et Tamara, la gentille ado un peu enrobée. Mais le jeune homme éprouve les plus grandes difficultés en cours, ses notes sont proches du zéro. Pour remédier à cela, son amie décide de l’aider en le faisant réviser. Mais les résultats ne changent pas.
Ses parents décident alors de l’envoyer dans un pensionnat de garçons à 350 kilomètres de là. Il ne pourra donc revenir qu’une seule fois par mois. C’est 2 592 000 secondes de séparation, trop cruel pour Tamara, qui ne pourra plus avoir ni de câlins ni de tendresse régulièrement ; leur seul lien : Skype, mais c’est trop peu. Après un essai pour se cacher dans la valise de Diego, elle doit se résoudre à cette longue absence. Alors commence pour elle, la déprime et elle compense en mangeant des paquets de chips au paprika.
Dans le même temps, c’est l’euphorie à la maison, les parents de Tamara veulent se marier rapidement. Le lieu de la cérémonie : le Brésil ! Mais pour cela, il faudra faire des économies et remplir la cagnotte pour partir : moins de chauffage, moins d’eau chaude et ventes d’objets inutiles.
De son côté l’adolescente est de nouveau complexée. Pour perdre du poids, elle décide de pratiquer intensément la natation. A la piscine, elle fait la connaissance de Vanessa, la jolie blonde et de ses frères, de beaux garçons noirs. Elle tombe alors sous le charme de Kessi…
Tamara est une belle série jeunesse, bien ancrée dans le monde de l’humour. Les récits sous forme de gags sur une ou plusieurs planches de Zidrou sont une véritable réussite et l’ensemble des scénettes forment une véritable histoire. Le scénariste de Pendant que le roir de Prusse possède un sens aiguisé de l’observation des ados et notamment des premiers émois amoureux. Son héroïne est attachante et permet aux jeunes lecteurs d’avoir un autre regard sur le surpoids. La joyeuse galerie de personnages autour d’elle apporte beaucoup de bonne humeur à la série. Après le rapprochement quasi impossible entre la jeune fille enrobée et le bel ado chilien dans les albums précédents ; leur histoire prend un autre virage avec la séparation et la tentation d’un autre garçon. Côté dessin, Darasse travaille avec Bosse depuis le tome 7 et cela fonctionne plutôt très bien. Le graphisme avenant permet de servir à merveille le récit. Tamara : une excellente série jeunesse d’humour pour ados sur le quotidien d’une ado très attachante.
- Tamara, tome 12 : Loin des yeux…
- Auteurs : Zidrou, Darasse et Bosse
- Editeur: Dupuis
- Prix: 10,60€
- Sortie: 14 février 2014
Drôle de planète
La planète impossible est un album de Joseph Callioni paru aux éditions Atrabile. Dans ce récit de science-fiction proche de l’absurde, l’auteur nous livre une fable futuriste décalée. Dans sa station orbitale, Cosmo observe la disparition de la Terre, remplacée par une autre planète peuplée de créatures plus étranges les unes que les autres.Cosmo est un astronaute qui effectue des recherches scientifiques dans une station orbitale au-dessus de la Terre. Accompagnée de Céphalée, un ordinateur androïde, il s’apprête à accueillir une mystérieuse cosmonaute dans son engin spatial. La jeune femme ne fournira ni son nom ni le but de sa mission. L’homme sera même surpris qu’elle puisse connaître aussi bien tous les recoins de la station ainsi que le code d’entrée de sa chambre. Le plus étrange encore, sa chevelure, non-conforme aux règles en vigueur, continuera de pousser.
Alors que Cosmo observe la Terre, celle-ci disparaît et réapparaît de suite. Seulement ce n’est pas la Planète Bleue qui se retrouve sous ses yeux mais une autre planète plus étrange.
Dans le même temps, la cosmonaute semble communiquer avec l’extérieur et comprendre ce brusque changement. Après avoir endormi Cosmo par pistolet laser, elle s’enfuit en capsule en effaçant la mémoire de Céphalée de tout ce qui la concerne.
A son réveil, le jeune homme se rend compte que sa station tombe dans l’océan. Poursuivant son chemin sur un radeau-fleur, il retrouve Céphalée dans son corps robotique. La traversée jusqu’à la terre ferme s’avérera très longue, ponctuée de rencontres avec des créatures étranges.
Voilà un album bien singulier. Le récit de Joseph Callioni est un mélange très secoué de science-fiction, d’anticipation, de non-sense, d’absurde et de décalé. Teinté d’un certain onirisme, il peuple son histoire de créatures étranges ou d’humanoïdes originaux. Il réussit même à installer une forme de suspens par la cosmonaute mystérieuse ; le lecteur se posera alors les questions : Pourquoi et comment la Terre a disparu ? Pourquoi cette planète insolite à sa place ? Proche des récits de science-fiction des années 70-80 dans sa thématique ou son esthétique visuelle, Callioni joue sur une certaine filiation avec ses célèbres prédécesseurs (Moebius ou Forest). Son trait fin et épuré à l’encre met en valeur ses personnages. Si les décors extérieurs sont luxuriants et foisonnants, ses villes sont stylisées et géométriques comme pour accentuer le paradoxe nature-cité. La planète impossible : un bon récit de science-fiction qui ravira les lecteurs de ce genre très 70′s-80′s
- La planète impossible
- Auteur : Joseph Callioni
- Editeur: Atrabile
- Prix: 19,50€
- Sortie: 14 février 2014
Machines de guerre
Eurêka est un manga et une sublime fresque historique romancé de Hitoshi Iwaaki parue aux éditions Komikku. L’auteur japonais a décidé de raconter la guerre que se sont livrés l’Empire romain et la ville de Syracuse. Pour se défendre, la cité antique utilisera les machines de guerre inventées par le célèbre Archimède.
IIIe siècle après Jésus-Christ. Lors de la deuxième Guerre Punique, Hannibal est aux portes de Rome. Alors qu’il attend des renforts de Syracuse ; la cité ne lui envoie plus d’hommes et elle essaie de se débarrasser du joug romain. Pour contrer cette mutinerie, l’Empire confie cette mission au célèbre général Marcellus.
Syracuse. Damippos, le jeune spartiate et Claudia, la romaine, se promènent près des remparts de la cité, dans la Tour du Malheur. Pourtant dans les rues, l’agitation gronde entre les partisans de Rome et ceux de Carthage. Ces derniers ayant pris le contrôle de la ville et Epicydès, un officier syracusain, harangue la foule massée dans le forum.
Claudia est bouleversée : ses parents et sont frères sont retenus prisonniers à Lentini au cœur de l’Italie. Avec le nouvel ordre qui règne dans la cité ; les italiens ne sont plus considérés comme des citoyens ; c’est le cas de la jeune femme qui ne comprend pas ces nouvelles mesures parce qu’elle est née et a toujours vécu à Syracuse.
Pour se cacher des habitants, Damippos et elle se réfugient chez Archimède, un ancien ami de son père Claudius Magnus. Le vieux maître de 75 ans est fier de leur présenter l’une de ces célèbres inventions : le tuyau qui puise tout seul l’eau. Il décide alors de faire du jeune homme, son disciple, à son grand étonnement.
Dans les jours suivants, Marcellus et sa flotte se tiennent en face du port de Syracuse. Pour repousser les assaillants, les soldats syracusains utilisent des machines de guerre lançant des pierres ou découpant les bateaux, créés par Archimède. Réussissant à accoster, les romains sont découpés par des lames circulaires, elles aussi inventées par le célèbre mathématicien.
Les navires romains repoussés, la foule s’amasse devant la demeure isolée d’Archimède pour le féliciter. Pourtant le vieil homme n’est pas enthousiaste : pour lui, ses machines avaient été fabriquées pendant le règne du roi Hiéron III et ne devaient jamais être utilisées contre les romains. Lui qui n’a jamais vu ces engins fonctionner et refuse cela, décide d’envoyer Damippos pour suppléer Epicydès dans le fonctionnement de la roue d’Euryale : l’une des plus puissantes armes qui propulse des pierres sur les ennemis avec une très grande fréquence et sur une longue distance.
Raconter la fin de vie d’Archimède par le prisme de ses machines de guerre est très original et n’était pourtant pas chose aisée ; mais Hitoshi Iwaaki l’a parfaitement réussi. Si tous les élèves connaissent le célèbre Eurêka d’Archimède (tout corps plongé dans l’eau subit une poussée du haut vers le bas), ils connaissent moins ses engins de guerre. Ce récit dense et très captivant mêle habilement une histoire d’amour, les sciences, l’action et les scènes de guerre. L’histoire très riche, bien documentée et d’une excellente qualité est portée par des personnages principaux attachants et à fort caractère comme notamment Damippos, jeune garçon amoureux de Claudia qui va se découvrir une âme de valeureux et astucieux guerrier, mais aussi Archimède, en vieil homme sage, plutôt anti-militariste et qui se trompe tout le temps de prénom lorsqu’il veut appeler Damippos. En effet, parfois, l’auteur japonais distille un trait d’humour pour alléger son récit. En ce qui concerne le graphisme, c’est très efficace : les décors et les vêtements, là aussi bien documentés, sont très fouillés et majestueux ; les visages sont expressifs, les scènes de combat réalistes et le découpage dynamique. Eurêka : un manga plaisant, efficace et très bien dessiné.
- Eurêka
- Auteur : Hitoshi Iwaaki
- Editeur: Komikku
- Prix: 8,95€
- Sortie: 24 janiver 2014
La Belle et la Bête : une version dépoussiérée
2014 est l’année de La belle et la bête : la comédie musicale montée à Brodway arrive à Mogador en octobre, deux adaptations cinématographiques seront sur les écrans bientôt : une de Christophe Gans et une de Guillermo del Toro, enfin les éditions Bamboo publient le premier tome d’un diptyque signé Max L’Hermenier et dessiné par Looky et Dem. Cette version est sombre et fantastique.Belle est une jeune adolescente libre et assez indépendante. Grande lectrice, elle vit avec ses deux sœurs portée sur la mode et son père, une riche marchand. Les deux aînées de la famille sont en quête de riches prétendants qu’elles invitent souvent chez elles. Alors que deux jeunes hommes viennent leur rendre visite un soir, le père arrive en trombe et explique qu’il est ruiné. Folles de rage, les filles s’en prennent à leur géniteur. Le lendemain, l’ancien riche armateur ira même quémander de l’or au bourgmestre de la ville pour affréter un nouveau navire. Le magistrat lui accorde mais lui demande de rembourser sa dette en une semaine, sinon il devra épouser sa fille Belle.
Le soir venu, le navire volant du Moissonneur d’âmes survole le domicile familial. Les créatures venues des ténèbres cherchent les âmes noires et pécheresses dans la cité. Cachés dans la cave, les membres de la famille sont débusqués par ces êtres immortels. Alors qu’ils souhaitaient récupérer les deux sœurs au cœur noir, Belle s’interpose et en grande diplomate, se sacrifie à leur place. Transportée dans les cales du bateau volant, elle est emprisonnée dans un château. Pendant le trajet, elle fait la connaissance du chef des âmes noires, La bête, gigantesque créature, ancien homme. C’est à ce moment là que débarque inopinément Liam, un de ses amis qui souhaite la délivrer. Mais son entreprise échoue et lui aussi est enfermé.
Le récit un peu fourre-tout de Maxe L’Hermenier dépoussière le conte initial. L’action et les bagarres sont au cœur de l’histoire. Ici, Belle fait plus figure d’aventurière garçon manqué qu’une mièvre jeune femme comme dans le film de Disney. Les moissonneurs d’âmes sont aussi très cruels, ce qui rend l’album très noir. La Bête est tout en muscle et ressemble plus à un monstre maléfique, transformé à cause d’un rosier maudit. Il y a un grand nombre de références dans cet album d’héroïc-fantasy un peu décalé : Pirates des Caraïbes ou encore Cendrillon. Si le scénario est très classique et fouillis, la grande force de l’album vient du dessin à quatre mains de Looky et Dem : le trait efficace est fort, les décors détaillés sont magnifiques et les couleurs dynamisent bien l’ensemble. On attendra la fin de ce diptyque pour s’en faire une vraie idée.
- La Belle et la Bête, 1/2
- Auteurs : Maxe L’Hermenier, Looky et Dem
- Editeur: Bamboo
- Prix: 13,90€
- Sortie: 29 janvier 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Alpine, le sang bleu
La plus mythique des marques de voitures françaises est au cœur de l’album Alpine, le sang bleu, scénarisé par Denis Bernard et mis en images à quatre mains par Christian Papazoglakis et Robert Paquet.En 1973, grâce à son modèle A110, Alpine devient historiquement le premier champion du monde des constructeurs de rallye, avec 6 victoires et 147 points, devant Fiat et Ford. Créée en 1955 par Jean Rédélé, alors le plus jeune concessionnaire Renault de France, la société Alpine confirme ainsi sa percée remarquable dans l’industrie automobile.
À l’instar de Chapman avec Lotus, cette nouvelle bande dessinée de la collection Plein Gaz nous retrace le destin de cette marque et de son créateur, ses choix techniques, la naissance de son modèle le plus mythique, l’A110, ses victoires mais aussi ses déboires. En raison de difficultés financières, Alpine verra Renault devenir majoritaire, précipitant le départ de la société de Rédélé, qui ne se sent plus seul maître à bord. La marque se délitera alors jusqu’à sa disparition en 1995… Un échec somme toute assez relatif étant donné que Renault a annoncé la renaissance de la marque en 2016 !
Le trait réalistes des deux dessinateurs, qui ont travaillé pour le Studio Graton, mettent en scène des personnages très statiques et ayant quelques problèmes de proportions. L’album très documenté fait la part belle aux voitures, à leurs courbes et aux détails techniques. Alpine, le sang bleu : un album pour les passionnés de voiture, pour les fans de Michel Vaillant ; les autres passeront leur chemin.
- Alpine, le sang bleu
- Auteurs : Denis Bernard, Christian Papazoglakis et Robert Paquet
- Editeur: Glénat, collection Plein Gaz
- Prix: 13,90€
- Sortie: 29 janvier 2014
Nassao,
tome 2 : Souvenirs de voyages
(album pour adultes)
Souvenirs de voyage est le deuxième tome de la série pour adultes, Nassao signé par Ruben Del Rincon, paru aux éditions Tabou BD.Iles de Nauru, archipel des Micronésies. Près des côtes, un navire arborant un drapeau de pirates, est occupé par une belle femme blonde scientifique et quatre hommes qui attendent de débarquer à Nassao pour y découvrir la valeur des gisements du sous-sol et notamment du phosphate.
Seule, la jeune femme commence alors à se déshabiller car la chaleur lui est insupportable. Pas très loin d’elle, Anata et son petit copain prennent du plaisir. Les secousses de leurs ébats font tomber de cailloux sur la jolie blonde qui doit remonter à bord du bateau.
Alors que Nassao est occupée à cueillir des fruits, Winnona essaie de chauffer Ricky, le petit ami entomologiste de la jeune femme. Ne pouvant refuser ses avances, l’homme commence à embrasser son amante mais ils sont surpris par un orthoptère géant. La femme se retrouve sur les dos de l’insecte tandis que le scientifique tombe sur une case d’un village où des homosexuels se sont regroupés.
Cet album pour adultes est efficace et agréable à la lecture. Teinté d’un bel humour, il met en scène des protagonistes attachants, notamment les femmes girondes de l’île et des scientifiques attirés comme des aimants par ces jolies îliennes. Le récit érotico-exotique mêle aussi un peu de fantastique avec notamment les insectes géants ou les délires sous psychotropes des sorcières de Nassao. Le trait semi-réaliste de Ruben Del Rincon, dessinateur des séries avec Jean-David Morvan Sir Pyle et Jolin la teigne, permet de capter l’attention du lecteur. Plaisant, il met surtout en lumière les corps des personnages et leurs ébats amoureux multiples. Nassao : une belle série érotique dans une île paradisiaque portée par un beau graphisme.
- Nassao, tome 2 : Souvenirs de voyage
- Auteur : Ruben del Rincon
- Editeur: Tabou BD
- Prix: 15€
- Sortie: 3 février 2014