Recomposition - 3 : De la cohérence en politique

Publié le 13 février 2014 par Sof

Le masque du 21 avril

La gauche française vit une crise sans précédent, illustrée par le 21 avril 2002 et que 10 ans de pouvoir de droite avaient masqué. Or, le résultat de ce premier tour de la présidentielle a été un formidable épouvantail, comme l'est le Front National depuis son instrumentalisation par l'apprenti-sorcier Mitterand. Le "sursaut républicain" qui a donné quelques aigreurs au peuple de gauche en votant Chirac a massivement a empêché une analyse de fonds de ce qui s'était passé. Une querelle d'égo, une euphorie à gauche aboutissant à une multitude de candidats, l'affaire Papy Voise... Si l'on regarde le scrutin, sans se voiler sur la lente progression du vote frontiste depuis les années 80, l'arrivée de Le Pen au second tour n'est effectivement que l'incidence de l'éparpillement et aucunement un souhait des électeurs (dont beaucoup ont dû prendre peur). La véritable question était de savoir pourquoi autant de candidats s'étaient présentés. La réponse est simple: le ralliement du Parti Socialiste français et de ses semblables européens au TINA libéral était un mouvement de fonds absolument pas limité aux seules personnalités que sont Strauss-Kahn et les socio-libéraux, et la confirmation du hold-up européen sur le vote et la destinée du continent. En clair, les options du Parti Socialiste n'étaient déjà plus les nôtres et nous sommes restés rattachés à cette première force de l'ancienne Gauche, artificiellement pendant 10 ans.

Et plus dur est le réveil alors que l'éjection du plus à droite de nos présidents sous ce régime devait marquer un retour de nos idéaux. Non, nous n'avons pas élu un président de gauche. Non, le vote n'a pas été respecté. Non, l'affaire Cahuzac n'était pas celle du "loup solitaire" et les faux questionnements sur la durée du soutien de l'Elysée et de la responsabilité de Moscovici dans l'affaire avaient une réponse claire: il n'était qu'un soldat avouant trop clairement les options de ce gouvernement.

Etat des lieux

Ce constat passé et patent (il suffit de faire la liste et le comparatif des mesures libérales mises en place avec le quinquennat de Nicolas Sarkozy et les recommandations de la Commission européenne et du FMI) reste la stratégie. Si l'on tire un bilan nous constatons des analyses fortement liées au système de la V° République:

- les écologistes savent pertinemment qu'ils n'ont plus rien a voir avec ce gouvernement mais savent qu'il serait suicidaire de s’aliéner le parti majoritaire. Un aveu de faiblesse en somme qui interroge sur le refus du parti d'adopter l'exigence d'un changement de Régime (VI° République) seul à même de donner la véritable représentation des idées écologistes dans les institutions. Sauf à entériner la transformation d'EELV en un parti d'élus... attachés à un système oligarchique.

- le parti-communiste croit avoir retrouvé de sa superbe via une OPA sur le nom "Front de Gauche" (justifiant par là l'argumentaire de l'impossibilité électorale d'assumer un nom se rattachant au communisme soviétique après la chute du Mur) et entent retrouver sa place de meilleur affilié au Parti Socialiste.

- l'aile gauche du PS attendra vraisemblablement que le bateau finisse de couler et que le PS sombre comme le PASOK avant de s'échapper. Les couleuvres ont déjà été trop grosses et chacun sait que le changement en interne ne se fera pas.

- la main tendue par Bayrou en 2012 n'a pas été prise par Hollande, en retard d'un temps, alors que seule une alliance avec l'UDI et l'Alliance centriste donnerait une pertinence au coming-out libéral du PS. Les dernières déclarations des dirigeants centristes indiquent ce rapprochement de raison.

- Dans cette optique, l'UMP se retrouve coincée entre son impossibilité de travailler avec le PS et le refus (pour l'heure) d'être associé au FN (avec lequel ils n'ont plus grande différence).

- Le Front national, en pleine crise d'identité avec la nouvelle stratégie de normalisation (la berlusconisation) a déjà annoncé son souhait de changer de nom, dans une stratégie identique à ce que le label Front de Gauche a apporté au Parti Communiste: raser le passé trop salissant une fois pour toute.

Municipales

A ce stade, le storytelling des prochaines échéances électorales est déjà écrit:les municipales aboutiront à une défaite du Parti socialiste qui sauvera probablement l'une ou les trois villes Paris-Lyon-Marseille. Les discours poste scrutin sont sans doute déjà écrit: "la casse est limitée, malgré la très grave crise que nous traversons"... L'UMP gagnera mécaniquement des mairies, le FN entrera au Conseil municipal de nombre de communes, permettant aux commentateurs de se féliciter d'une vague brune contenue. Le Parti communiste vivra une saignée compensée par les quelques sièges obtenus via ses alliances avec le Parti de la rue de Solférino. Le Parti de Gauche part de loin et gagnera sans doute des mairies "plurielles" avec pourquoi pas, une bonne surprise à Grenoble, ville gagnable par la coalition Citoyens/écolo/PG contre la mairie socialiste sortante. Parfois l'interprétation d'un scrutin se fait à peu de choses.

Paris

Ce qui nous amène à la situation du Front de Gauche et des Européennes. La bataille du logo à Paris vient de démontrer que la direction du Parti Communiste avait entériné le divorce avec le PG et attendait que l'autre fasse la démarche de la rupture. Le PG ne souhaite pas passer pour celui qui aura fait éclater l'alliance. Pourtant la ligne rouge a été clairement indiquée: il est impossible que le logo Front de gauche soit utilisé sur les affiches de la candidate solférinienne à Paris. C'est pourtant déjà le cas...

La force du Parti de Gauche (au risque d'être parfois accusé d'être un parti d'Ayatollah) est celle de la rupture, comme Chevènement en a tiré une légitimité réelle à la fondation du MRC. Cela donne une audience réelle qui implique l'exigence de droiture et de cohérence absolue. Les attaques médiatiques nous mènent la vie dure. La division stratégique avec le PCF est réelle et tenable pour peu que l'on reste cohérents dans notre argumentaire d'être l'opposition de gauche au Parti au pouvoir. A ce titre, le flou concernant le second tour doit être levé rapidement. Paris a été annoncée comme la mère des batailles et l'affaire du logo a pris une telle ampleur par-ce qu'il s'agissait de la Capitale. Or, si la nécessité pour le PG d'avoir des élus est un impératif connu de tous, l'autonomie doit rester un mot d'ordre cohérent. Nous avons la "chance" d'avoir une position nous permettant une radicalité sans grands risques: nous avons deux élus au Conseil de Paris. La proportionnelle devrait nous permettre de conserver au minimum ce nombre... et quand bien même un vote utile de confusion sur la liste Hidalgo-PCF se ferait, la perte de nos élus à Paris est un risque à prendre pour conserver notre légitimité. Le FN nous accuse massivement sur les réseaux sociaux d'être l'idiot utile de la sociale-démocratie. Ne lui donnons pas raison. Toute critique est valable tant que l'on s'applique la même rigueur que celle que l'on prône. Si l'on procède d'un accord de second tour avec Hidalgo le PCF nous tombera dessus à raison.

Nous proclamons la souveraineté seule du vote et la perversion de la V° République et ses alliances. Assumons notre programme et le niveau de nos résultats. Si nous échouons il faudra continuer de convaincre. Si nous restons droits les électeurs tordront d'eux-même le cou aux institutions en nous gratifiants de scores suffisants pour peser. Par nous-même. Sans aller à la soupe.