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Avant Kim K., avant l’affaire Taylor Swift, avant Watch the Throne, avant Louis Vuitton Don. Avant tout ça, il y a eu The College Dropout, premier album au statut de classique instantané pour un producteur talentueux qui voulait devenir star par tout les moyens: Kanye West.
Pour le dixième anniversaire de l’opus, – déjà putain! – retour sur un virage marquant dans la carrière du petit ourson.
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Si la vie avait été un peu plus pute, on aurait pu ne jamais connaître le Kanye West rappeur égocentrique et icône pop à la limite de l’agacement général. 2002, jusqu’ici Yeezy n’est qu’un producteur à qui l’on promet un avenir radieux derrière les machines de la team Roc-a-Fella et du chef de meute Jay-Z depuis sa participation sur le grand The Blueprint. Mais le natif de Chicago se rêve en artiste complet et fait le forcing pour sortir son album solo sur lequel il travaille en souterrain. Si son style de production à base de samples de soul fait mouche, aucun directeur artistique ne veut prendre le risque de le laisser prendre le micro, lui et son flow trop tendre et bubble-gum pour affronter les gros bras du milieu du rap. Pas même le duo Damon Dash/Jay-Z qui ne voit en lui qu’un beatmaker de talent, surtout depuis cette anecdote légendaire selon laquelle lors du show de sa présentation dans l’équipe Roc-A, Kanye s’est embourbé après quelques mesures et a été obligé d’arrêter son couplet en plein milieu, faisant jurer au Jigga Man de ne plus jamais partager une scène avec le nouveau venu.
Bref, nous sommes en octobre 2002, West bosse en studio très tard pour sa nouvelle salve de morceaux à offrir à des artistes qui se bousculent de plus en plus au portillon du faiseur de hits. Sur la route du retour, il s’endort au volant et perd le contrôle de sa voiture, provoquant ainsi un accident où il s’en sort miraculeusement avec « seulement » une mâchoire fracturée. Dans l’incapacité de parler, la bouche cousue par des fils, il s’enferme de nouveau dans le travail et l’histoire lui inspire un titre. Dans sa recherche du sample parfait, Kanye tombe sur le classique Through the Fire de Chaka Khan qui deviendra pour l’occasion Through the Wire, soit littéralement « à travers les fils ». Le morceau sortira sur une mixtape en décembre de la même année et devient un classique immédiat avant de sortir en single officiel dans le courant de l’année 2003 et de tourner sur toutes les radios et chaines télé. L’équipe de DefJam/Roc-A-Fella sentant fleurir le bon coup revoit son jugement et laisse carte blanche à son poulain pour enfin sortir son disque.
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Through the Wire
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Déjà sûr de sa force et alors que le public pense logiquement que l’enfant prodige prendra son temps pour ne pas rater sa chance, Kanyeeezy ne se laisse pas démonter et annonce que son album, qui s’appellera The College Dropout, est quasiment prêt et sortira rapidement. En vrai, il bosse dessus comme un acharné depuis 99 et veut juste laisser le temps à la sauce de monter un peu plus pendant cinq, six mois. L’occasion ainsi d’étoffer son catalogue d’invités, chose qu’il ne peine pas franchement à faire tant tout le monde veut pavaner au côté du nouveau prophète. Les « rappeurs conscients » Common, Talib Kweli, Mos Def, bien évidemment, trop contents de voir une brèche s’ouvrir entre leur monde et le mainstream mais aussi des habitués des charts comme Twista, Ludacris et le patron, Jay-Z.
Tout va très vite s’enchainer, Slow Jamz, deuxième single du futur album avec Twista et Jamie Foxx, devient son premier numéro 1 au Billboard en décembre 2003 et l’opus sort à peine deux mois plus tard, encensé de toute part. On loue tout d’abord la qualité musicale de l’ensemble. Loin des ambiances sombres du gangsta rap ou du bling-bling des Diddy, Jay-Z et autres Fabolous, The College Dropout fait bien sûr la part belle aux samples et à un esprit vintage directement inspiré de la soul. C’est Blueprint sans le rappeur excellent mais avec une recherche musicale plus poussée. Gospel, soul, rock, blues, Kanye s’inspire des mouvements les plus « plaintifs » pour n’en extraire que leur positivité et la calquer dans le rap. Si c’est pas l’idée du siècle, on en n’est pas loin.
Les lyrics suivent le même chemin, Kanye West cherchant à faire « réfléchir tout le monde avec ses propres idées, ses propres opinions et ne pas se laisser guider par les codes imposés par la société ». Bon ok, c’est un peu marrant avec le recul quand on voit ce que le bonhomme est devenu mais l’objectif était louable à l’époque.
Sur des All Falls Down (où devait apparaître Lauryn Hill au départ!), les collégiales We Don’t Care ou School Spirit et le très religieux Jesus Walks (énorme succès en single avec plus de 500.000 ventes), on retrouve cette volonté d’élever les consciences en donnant de l’espoir aux générations futures.
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Jesus Walks
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School Spirit
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Du même coup, on lui pardonne tout, certains samples un peu trop faciles et même son niveau faible en tant que rappeur. Finalement le fait qu’il se défonce et veuille offrir quelque chose aussi grand que personnel rend la médiocrité de son flow quelque peu attachante.
De plus, il a l’intelligence de faire de la place à d’autres mecs bien meilleurs que lui micro en main, faisant passer la pilule plus facilement. Voir la génération précédente venir s’éclater avec un rookie qui a envie de tout changer dans le milieu a quelque chose de rafraichissant et de profondément inspirant pour la suite.
The College Dropout a changé quelque chose dans le paysage du rap. Sur le court terme, il a permis à tout un ban de rappeurs conscients/rappeurs soul-jazz – souvent des idoles de jeunesse de KW - de croquer dans la galette MTV. Common en tête, qui sortira Be, certainement le meilleur travail de production de toute la carrière de Kanye.
Sur le long terme, c’est aujourd’hui que l’on voit germer la génération « TCD » comme on peut l’appeler avec ces jeunes loups qui ont grandi avec ce disque dans le casque. On pense bien évidemment à Chance the Rapper, Childish Gambino et consorts qui n’ont jamais caché l’influence de cet opus sur leur carrière.
Certains regrettent cette époque bénie où West rassemblait puristes comme grand public. On lui reproche souvent sa mégalomanie et/ou son évolution de carrière. Mais est-ce que l’album aurait le même impact dix ans plus tard s’il en avait sorti quatre comme celui-ci ? The College Dropout était essentiel pour Kanye West le rappeur et demeure un classique du genre, mais il n’était qu’une première étape pour Kanye West l’artiste complet dans sa volonté de conquérir le monde. Et si on peut lui reprocher un paquet de choses, il faut bien avouer que sa carrière, quand on regarde dans le rétro et d’où il part avec ce fameux accident, a quelque chose d’assez impressionnant.
Le succès ne tient parfois qu’à un fil.
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Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble