Automobile Club d'Égypte, Alaa El Aswany

Publié le 13 février 2014 par Kenza

Kees van Dongen (1877-1968), Ba-rah, Persian Dancer

*** Quatrième de couverture  En cette fin des années 1940, sous les pales des ventilateurs de l’Automobile Club du Caire, l’Égypte des pachas et des monarques flirte avec aristocrates et diplomates de tout poil, pour peu qu’ils soient européens. Régulièrement, Sa Majesté le roi honore de son éminente présence la table de poker. Extravagance, magnificence et décadence qui s’arrêtent aux portes des salons lambrissés. Dans les communs, une armada de serveurs et d’employés venus de Haute-Égypte et de Nubie s’escriment à satisfaire les exigences de l’inflexible El-Kwo, le chambellan du roi. L’esclave du monarque est aussi le chef suprême des employés de tous les palais royaux, qui régente dans ses moindres détails leur misérable existence et se délecte à professer l’art de la soumission.  Parmi ses “sujets” : Abdelaziz Hamam, descendant d’une puissante famille ruinée, venu au Caire dans l’espoir d’assurer l’éducation de sa progéniture. À suivre les chemins contrastés qu’empruntent ses enfants, on découvre les derniers soubresauts de l’Égypte pré-nassérienne : morgue des classes dominantes, dénuement extrême des laissés-pour-compte, éveil du sentiment nationaliste. De toute part l’édifice se lézarde, et dans le microcosme de l’Automobile Club, où le visage noir charbon d’un domestique ajoute une touche d’élégance au décorum, frémissent les temps futurs et l’explosion révolutionnaire qui va embraser le pays.  Engagé et humaniste comme jamais, Alaa El Aswany renoue ici avec les récits populaires et hauts en couleur de l’irrésistible Immeuble Yacoubian et désigne inlassablement la seule voie juste pour son pays : une démocratie égyptienne à construire.
Né en 1957 dans la vallée du Nil, Alaa El Aswany exerce le métier de dentiste au Caire,en parallèle d'une carrière de chroniqueur et de romancier traduit dans le monde entier. Après le célèbre Immeuble Yacoubian, porté à l'écran par Marwan Hamed, paru en 2006, Actes Sud a publié Chicago (2007), J'aurais voulu être égyptien (2009) et Chroniques de la révolution égyptienne (2011). Actes Sud

Kees van Dongen (1877-1968), Café with two women and one man

Extrait
  L’affaire avait commencé deux ans plus tôt, au cours de la soirée que l’Automobile Club organisait tous les ans à l’occasion de la nouvelle année. Assistaient à la réception le haut-commissaire britannique, les ambassadeurs étrangers, les ministres ainsi que de hautes personnalités et des princes de la famille royale. Tout à coup, vers une heure du matin, Sa Majesté le roi fit aux invités l’honneur de la surprise de son éminente présence. Il souhaita une bonne année à l’assistance puis prit sa place autour du tapis vert et se mit à jouer aux cartes jusqu'au matin. Comme d’habitude, tant pour les hommes que pour les femmes, la fête reflétait les dernières tendances de la mode : fourrures, robes de soirée, smokings, c’était un vrai concours d’élégance. Une invitée attira l’attention de Mr Wright. C’était une femme dans la quarantaine, mince, claire de peau, les cheveux fins d’un brun  anthracite coiffés à la garçonne. Elle fumait sans arrêt et portait une simple robe bleue qui n’était pas du tout à la hauteur de l’événement. Wright se mit à l’observer avec étonnement. Il se demandait comment cette femme osait venir  à une soirée de ce niveau avec une robe qui, au plus, aurait pu convenir pour aller prendre le thé. Le plus étonnant était qu’elle parlait et riait  avec les invités d’une manière, comme si elle ne se rendait pas compte de l’anomalie de son apparence. La curiosité de Mr Wright redoublait et finalement il interrogea Chaker, le maître d’hôtel : - Qui peut bien être cette femme avec sa robe bleue ? Le maître d’hôtel s’inclina : - C’est Mme Odette Fattal, Monsieur. - Est-elle une parente de M. Henri Fattal ? - C’est sa fille, Monsieur.   Cela rendait la chose encore plus incompréhensible. Le millionnaire Henri Fattal était un des plus grands marchands de coton d'Égypte. Pourquoi sa fille apparaissait-elle sous cet aspect misérable ? N’importe quelle secrétaire de son père portait à n’en pas douter de plus beaux vêtements. Qu’est-ce que cela voulait dire, et pourquoi les personnes présentes semblaient accepter sans problème la présence parmi elles de ce lapin sauvage ? Wright ne fut pas capable de dominer plus longtemps sa curiosité. Il demanda un verre qu’il avala d’une seule traite, puis, mettant fin à son hésitation, s’avança  vers la femme. Traduit de l'arabe (Égypte) par Gilles Gauthier

Kees van Dongen (1877-1968), Nil