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Hollande nous prend-t-il pour des pigeons californiens ? #PRUSA

Publié le 13 février 2014 par Juan
Hollande nous prend-t-il pour des pigeons californiens ? #PRUSA C'était une belle histoire, un "story-telling" comme on les affectionne dans notre univers médiatique. Elle n'émanait toujours pas de l'Elysée, mais était forcée dans le débat public par quelques chroniqueurs économistes qui cherchaient le bon mot.
Cherchez les pigeons
François Hollande, en visite de 3 jours Outre-Atlantique, faisait escale dans la Silicon Valley, face aux Pigeons, ces entrepreneurs français souvent issues des nouvelles technologies qui s'étaient "face-book"-ligués fin 2012 contre une revalorisation des prélèvements sur plus-values de cession d'actions dans la première loi de finances du quinquennat Hollande. Dans notre presse nationale, on célèbre donc l'internet français (lire "20 ans, 20 succès" chez les Echos). On recueille des témoignages d'exilés français qui demandent qu'"on les aime", comme ce Carlos Diaz, dont on oublie un peu vite qu'il a travaillé sur la campagne internet du candidat Nicolas Sarkozy en 2012.
La veille, nos journalistes accrédités de métropole sont collectivement tombés dans le ridicule le plus effroyable en multipliant les "Selfies" - ces autoportraits numériques mal cadrés que l'on prend avec son smartphone- dans le bureau du président américain. François Hollande était reçu en grandes pompes par Barack Obama. Il avait apporté comme cadeau à son hôte américain... une "table en bois de chêne datant d’un arbre du Mount Vermont", un présent tout ce qu'il y a de plus 2.0.
Afficher l'entente la plus cordiale quand on rencontre le président de l'ex-première puissance mondiale est une nécessité diplomatique. Imaginez l'inverse et les commentaires effrayés ou railleurs qui nous aurions. Nicolas Sarkozy, en son temps, s'était usé en jalousie déplacée face à Obama (Rappelez-vous son "On a hâte qu'il se mette au travail et qu'on change le monde avec lui" de janvier 2009). Avec Hollande, tout semble plus normal. Finalement, politiquement aussi, les deux sont très proches.
Le "dîner d'Etat", mardi soir chez le couple Obama, comptait du beau monde. Smokings, noeuds papillon et coupes de champagne dressées, 300 personnes sous une tente chauffée dans les jardins de la Maison Blanche. On y croisait stars, vedettes, patrons et journalistes.
On n'ose imaginer combien d'autographes nos apprentis accrédités français ont tenté d'obtenir pour leur propre collection personnelle ou leur progéniture. La soirée fut "endiablée", "hype", "surréaliste", "géniale".
"Vous aimez la France, vous ne le dites pas toujours parce que vous êtes timides, les Américains, vous vous retenez ." François Hollande
A Washington, il faisait si froid que deux militaires américains, de faction devant le passage des deux présidents, ont été pris d'un malaise.  Mais entre les deux présidents, tout allait pour le mieux.
Gattaz, l'outrance et la franchise
En France, le climat était plus doux, mais le malaise tout aussi profond. Il y eut d'abord cette sortie publique de Pierre Gattaz, le patron du MEDEF. Le gars s'en veut toujours d'avoir porté un pin's "1 Million d'emploi" dans les couloirs de l'Elysée et de Matignon il y a quelques semaines. Depuis, il ne cesse de clamer combien les entreprises qu'il représente, surtout les grandes, ne sauraient prendre de quelconques engagements d'embauches en contreparties des allègements de cotisations qu'Hollande leur a généreusement promises lors de sa conférence de presse du 14 janvier.
Gattaz dit tout haut ce que tous ses confrères pensent... tout haut. Membre de la délégation officielle pour la visite d'État à Washington et à San Francisco, il ne s'est pas gêné, à propos du Pacte de Responsabilité: "Je suis extrêmement libre. Il n'y a pas de contreparties." Mercredi matin à Paris, dans les studios radiophoniques flambants neuf de France Info, Michel Sapin bafouillait son énervement: "il y a des couacs de ministres, il y a aussi des couacs de président de MEDEF". On est bien avancé. 
Le Pacte de responsabilité ressemble furieusement à une négociation perdue d'avance.
Mais ce n'était pas tout.
Libre-échangistes
Se déroulent en coulisses d'effroyables tractations commerciales. Un nouveau round de négociations pour un accord transatlantique a débuté l'an dernier. La France est défendue, comme d'autres par les délégués européens. Elle a gagné, au printemps 2013, l'exemption des services culturels de ce futur marchandage... au grand dam de José-Manuel Barroso qui s'en est publiquement plaint par la suite.
A Bruxelles, on nous promet que ce futur Traité Europe/USA sera profitable à tous: le vaste "marché transatlantique libre d’entraves" "permettrait d’accélérer la croissance (+0,4% côté US, +0,5% pour l’Europe) et de créer 2 millions d’emplois."Obama viendra à Bruxelles en mars prochain. De ces tractations, on ne sait pas grand chose. Tout est encore secret, car jugé trop "technique" ou "complexe". On sait ce que les Américains nous reprochent. En résumé, tout ce que l'Europe compte de protections pour motifs socio-sanitaires, environnementaux ou culturels. Attac le dit avec ses mots: "Il vise en effet le démantèlement ou l’affaiblissement de toutes les normes qui limitent les profits des entreprises, qu’elles soient européennes ou états-uniennes et inscrit le droit des multinationales au dessus de celui des Etats."
Pour l'heure, François Hollande, tout sourire, a livré cette curieuse conclusion sur ces négociations: il faudrait les accélérer, pour les conclure sans attendre la fin du mandat de la Commission Barroso, en octobre prochain.
"Dès lors que les principes sont fixés, que les mandats sont donnés, que les intérêts sont connus, aller vite n'est pas un problème, c'est une solution." Et d'ajouter: "Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. Donc, si nous sommes de bonne foi, si nous sommes respectueux des positions des uns et des autres, si nous sommes attachés (...) à la croissance, nous pouvons aller vite."
Accélérer le libre-échange ? On n'imaginait pas Hollande fermer les portes du commerce. On a trop longtemps critiqué, dans ces colonnes ou ailleurs, le gouffre de notre déficit commercial pour réclamer du protectionnisme. Mais le sujet n'est pas là. On attendait d'Hollande un mot, une attention, un message contre l'opacité de ces tractations commerciales. Imaginez qu'il se saisisse de l'occasion pour annoncer un vrai débat public sur quelques grands sujets de ce Traité. Imaginez...
Le président français rata cette occasion.
Bref, en quelques heures outre-atlantique, Hollande a certes confirmé sa stature internationale. Un patron de trop a encore sabré son propre Pacte de responsabilité. Et notre président a complété son discours de l'offre d'un vil volet sur le libre-échange...
Quel voyage.


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