Il aura fallu qu’une jeune femme officiant sur East Village Radio à New York décide de monter un label de rééditions en 2005 pour que la minimal wave soit remise au goût du jour, s’imposant telle une lame de fond qui, conjuguée aux réminiscences post-punk anglo-saxonnes, calquèrent la fin des années 2000 sur le modèle des eigthies et ce parfum de crise larvée. Pas un jour, en effet, sans qu’une nouvelle formation ne se réclame de l’électronique minimale, cold wave ou synth-pop pour séduire sans trop s’employer. Et si bien sûr il ne s’agit pas de chier dans les bottes de Veronica Vasicka – préalablement interviewée (lire) et que l’on recevra le 11 avril prochain au Petit Bain (Event FB) -, il convient en revanche de mettre en lumière l’inlassable passion de quelques exégètes du genre n’ayant pas attendu cette effervescence, mâtinée de grégarité, pour mener à bien un considérable travail de réédition, réhabilitant sous format vinyle un nombre incalculable de raretés à la patine inoxydable, en plus d’une logique de sorties contemporaines remarquablement cohérentes avec ces dernières. Et Martijn van Gessel se pose là, en infatigable crate-digger, doublé d’un sens inné pour débusquer des formations actuelles ayant autre chose que le plagiat comme modèle d’apprentissage esthétique. Ayant fondé en 2004 à Utrecht le label Enfant Terrible, en parallèle de ses activités professionnelles, l’homme emprunte dans sa démarche des chemins escarpés, à contre-courant du tout numérique et de la disponibilité immédiate. Espérant susciter la curiosité de l’auditeur, Martijn opte pour des tirages ultra-limités, jamais repressés, une distribution dans des réseaux spécialisés et pour les vertus documentaires des disques réédités. Point de facilité, il ne suffit pas de sonner synth pour éveiller son intérêt, le disque doit comporter une valeur culturelle. Même chose pour les formations d’aujourd’hui : celles-ci doivent assumer une certaine filiation tout en gravant dans le sillon leur propre langage inspiré du monde actuel – et non une image fantasmée d’une décennie inconnue. C’est d’ailleurs par le biais de l’une d’entre elles, Profligate (lire) emmenée par Noah Anthony, que je me suis épris de cette discographie s’intimant à mes yeux telle une Atlantide baignant mes nuits d’insomnies : une nuée de projets à l’identité aussi floue qu’est obsédante leur musique s’est emparée de mes oreilles, qu’il s’agisse des Français de La Mort de l’Hippocampe, d’Ekman, de Tobias Bernstrup, des Suédois d’Agent Side Grinder ou encore des Hollandais de Milligram Retreat pour ne citer qu’eux. D’autant que Martijn brouille les pistes, instiguant autant de sous-labels que de creusets stylistiques qu’il se plaît à poursuivre avec Gooiland Elektro, Hex Grammofoonplaten - ayant notamment sorti en 2009 un split de Scorpion Violente et The Dreams – et plus récemment Vrystaete, transformant peu à peu selon ses dires Enfant Terrible plus en plateforme documentaire qu’en simple label. Une plateforme ayant ce mois-ci dix ans et qui pour l’occasion inocule - en plus d’un nouvel album des Norvégiens d’Europ Europ - une énième et mirifique compilation I Am Enfant Terrible - Martijn est coutumier du genre avec plus de onze références brassant sous des dénominations didactiques telles Electronic Renaissance (2006), Kamp Holland (2010) ou Les Années Folles (2012) des époques et des genres différents – dont un titre du duo turc Kim Ki O est à écouter ci-après en exclusivité. Histoire d’enfoncer le clou, après l’entretien qui suit avec Martijn, ce dernier offre une mixtape librement téléchargeable retraçant d’une manière plus oblique et dansante l’histoire du label. Dix ans et pas prêt de s’assagir.