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DiSKrimination (2)

Publié le 13 mai 2008 par Fredo
Suite au post concernant les menues discriminations quotidiennes dont les étrangers sont parfois victimes, une intéressante discussion s'est développée dans la section commentaire au sujet du service militaire coréen.
En Corée, le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens masculins en âge d'y aller, exceptés... ceux qui ne ressemblent pas à des Coréens : ainsi, un métis dont l'un des deux parents n'est pas asiatique ne peut y entrer. Il existe une loi, se basant sur des critères explicitement racistes, afin de barrer l'entrée au service militaire aux non-bridés (je n'aime pas du tout ce mot, mais là, je ne vois vraiment pas comment dire autrement), ou des pas-assez-bridés.
Ci-dessous, une traduction - fruit des efforts soutenus de Julien et Vincent - d'un article du Joseon Ilbo sur le sujet :

Doit-on envoyer les métis à l'armée ?

2004.02.25 - Joseon Ilbo
"Il faut immédiatement annuler l'article discriminatoire de la loi empêchant les métis de faire leur service militaire et qui différencie les gens par le sang." (ONG Hi Family)
"Jusqu’à ce que la société devienne sans préjudice ou sans souffrance à l'égard des métis, ceux-ci doivent être protégés de leurs différences en les exemptant du service militaire" (fondation Pearl Buck)
[NdT. Pour info, Pearl Buck a grandi en Chine dans une famille de missionnaires et a milité après la guerre pour l'adoption d'enfants asiatiques et de métis, ce qui jusque là n'était pas possible en Amérique]
L'Association Nationale pour les Droits de l'Homme (dont le responsable est Chang-Gook Kim) a récemment présenté les résultats d'une enquête dont l'objet est la réforme nécessaire de la loi raciste qui exempte les métis du service militaire sur la base de "différences physiques évidentes". Cette réforme a soulevé des critiques de la part des métis et de leurs associations.
Depuis l'ordonnance de 1972, les métis ne vont plus à l'armée. Selon la loi relative au service militaire, "les enfants métis qui ont des différences physiques apparentes et qui n'ont pas été élevés par leur père de famille" sont classés inéligibles et sont donc exemptés de service militaire.
L’Association Nationale pour les Droits de l’Homme a exprimé la nécessité de réformer la loi, s’appuyant sur un rapport intitulé "enquête sur les conditions actuelles des droits des métis dans les quartiers avoisinant les bases militaires américaines" qui stipule que "la différence raciale ne doit pas être une condition d’exclusion pour l’entrée à l’armée". Ce rapport a été réalisé pendant 7 mois par le groupe d'activistes My Sister’s Place (Durebang) qui défend les droits des femmes issues de ces quartiers.
[NdT. Ces quartiers sont appelés "kijichon" (기지촌) dans l'article. Techniquement, ce sont des quartiers situés à côté des bases militaires américaines. Une partie des femmes travaillant dans ces quartiers sont des prostituées, mais pas toutes. Ittaewon peut être considéré comme un 기지촌].
L'Association Nationale pour les Droits de l'Homme qui a présenté, en décembre dernier, un rapport intérimaire basé sur la même enquête souligne que "la loi du service militaire est suspectée de discrimination car la distinction des métis par leur apparence physique est subjective et ambiguë; et surtout, la clause de "l’absence du père" sépare spécifiquement les enfants métis issus des kijichon".
Concernant ce point dénoncé par l'association, Joseph Kim (44 ans), fils d'un pasteur coréen et d'une mère américaine, est du même avis : "Ne pas faire le service militaire à cause de son apparence ou de la couleur de sa peau n'est pas une raison valable. Quand j'étais en deuxième année d'université, j'ai passé avec succès les tests d'aptitude physique mais quand on m'a dit que la cause de mon exemption était mon métissage, j'ai ressenti un profond sentiment de privation."
Cependant, la plupart des métis, tout en reconnaissant les problèmes inhérents à la législation actuelle, ne sont à priori pas d'accord à l’idée de la disparition de l’exemption du service militaire en leur faveur. Boowon Kim, 56 ans, métis d'origine américaine: "Nous autres métis ne subissons pas des discriminations uniquement à cause de notre apparence extérieure, notre odeur distinctive nous pose aussi des problèmes quotidiens. Si possible, il serait souhaitable que nous n’y allions pas". A la fin des années 60, M. Kim s'est enrôlé volontairement et a participé à la guerre du Vietnam, avant la révision du service militaire.
De même, la position des groupes de soutiens aux métis reste contradictoire.
Jiyong Lee, responsable des aides sociales à la fondation Pearl Buck qui soutient depuis 1964 les enfants métis en Corée, est opposée à l'obligation du service militaire pour ces derniers : "Il semble que l'exemption du service militaire pour les enfants métis ait été à l’origine prise pour les protéger de l'exclusion et d'autres désagréments". Selon le résultat d'une enquête menée par la fondation, il est apparu que 9,4% des élèves du primaire et 17,5% des collégiens métis suivis par la fondation abandonnent l'école parce qu'ils souffrent d'ostracisme et de difficultés financières. De plus, cette enquête nous révèle que le taux d’emploi des métis adulte est seulement de 44% ; la grande majorité d’entre eux sont des travailleurs journaliers, ou sont employés comme intérimaires dans des petits boulots. La fondation Pearl Buck affirme que "les problèmes dus aux discriminations n'ont presque pas évolué, et qu'il serait prématuré d'imposer le service militaire aux métis".
D'un autre côté, depuis l'année dernière un mouvement citoyen appelé "Cher métis, vous êtes des nôtres et non des étrangers " s'est développé. Gil-Won Song, directeur de "Hi family", une association menant campagne pour l’abolition des discriminations envers les métis, affirme que "cela ne répare pas les préjudices subis par les métis, et l’idée de départ qu'ils ne peuvent a priori pas s'adapter au service militaire est une absurdité. Jusqu'à présent la loi sur le service militaire prive les métis d'une opportunité, et les isole de la société". Il s'est réjoui du rapport de l'Association des Droits de l'Homme, dont l'objet est la réforme préalable de la loi.
D’après M. Song, "quand on rencontre des métis, il y en a beaucoup qui nous disent qu'ils ne peuvent pas aller à l'armée même si ils le veulent". On doit comprendre parfaitement la déplorable connexion qui est faite : les métis échouant dans les entretiens d’embauche pour la raison qu'ils sont métis pourraient se tourner vers l'armée professionnelle pour trouver du travail, mais cela n'est même pas concevable.
Selon le rapport réalisé par l'Association des Droits de l'Homme, on estime qu'il y a en 2004 environ 500 métis qui résident en Corée. C'est à partir de 1968 que l’on observe la baisse du nombre de métis nés de relations entre soldats américains et Coréennes vivant autour des bases militaires. Cependant aujourd’hui, avec l'arrivée de travailleurs étrangers et la hausse du nombre de mariages internationaux, le nombre d’enfants métis a considérablement augmenté, et la question de leur service militaire devient un problème de société.
(…). Kyeong-tae Park, de l’association Durebang et responsable de l'étude, explique que "parmi les métis, certains veulent aller à l'armée; cependant, si cela était possible, les discriminations dont ils pourraient être les victimes sont prévisibles. Plutôt que de se poser la question "service ou exemption ?", il serait désirable d'offrir aux métis des postes dans la fonction publique ou d'autres options dans la mesure où ils sont désormais acceptés par la plupart des Coréens comme citoyens à part entière".
(Joseon Ilbo - Avril 2004)
Un article révélateur. En dehors des gros doutes que je me permets d'émettre quant à l'estimation de 500 métis en 2004 (il y a des villages provinciaux de Corée où la moitié des effectifs des écoles sont constitués d'enfants issus de mariages internationaux, le plus souvent entre des Coréens et des femmes venues d'Asie du Sud-Est), l'article soulève un point grave. Je ne crois pas que la loi ait été changée depuis.
Il est aussi intéressant de noter que l'enfant doit être élevé par son père – symptôme d'une société viscéralement patrimoniale. Comme si on devenait coréen par son père, et non par sa mère. La loi – changée sous Roh Moo-Hyun - exigeait il y a encore peu que chaque chef de famille soit un mâle. Dans le cas des familles monoparentales, on inscrivait sur le livret de famille le grand-père, ou un oncle.
On reproche souvent aux Coréens leur racisme latent, conséquence de siècles de fermeture au monde et d'une éducation enseignant à des générations d'écoliers que le sang coréen est parfaitement pur. Dans une société qui s'est aujourd'hui ouverte à l'extérieur, et où les mentalités évoluent lentement sous la pression des échanges croissants avec l'extérieur et de la hausse du nombre de mariages internationaux, il est sans doute temps que la Corée apprenne à se débarrasser de ses vieux réflexes racistes et honteux.
(merci une fois de plus à Julien et Vincent pour leur superbe boulot de traduction et d'édition)

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