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La vie en crue

Publié le 11 février 2014 par Adtraviata

La vie en crue

Présentation de l’éditeur :

Elle est parfois bien curieuse la première expérience de l’amour. Un paysage, un bruit, une odeur, une couleur, une chaleur, un tableau, une musique, un mot, une silhouette, un regard, un sourire, un visage. Le bruit parfait d’une vague par vent d’est, le chant des oiseaux à l’aube, le souffle accordé de deux amis qui marchent sur un sentier escarpé, l’horizon à nouveau derrière un col. Et l’on cesse comme par miracle d’être pré- occupé par soi. 
Tout à coup, c’est la possibilité d’un commencement, d’une espérance. Que savons-nous de ce qui " meut le soleil et les autres étoiles ", comme l’écrivait Dante ? Pourquoi elle, pourquoi lui? Nul ne peut répondre à cela. Que sommes-nous face à la marée des sentiments ? Pas grand-chose. Une brindille, un fétu, c’est la vie en crue.

C’est à partir du titre du recueil que j’ai envie de vous présenter ces trois nouvelles de Jean-Claude Garrigues le bien nommé, puisqu’il est originaire de Marseille et que la ville est présente dans chacun de ces textes.

La vie en crue, c’est une vie débordante, rayonnante, riche de rencontres, de paroles, de regards, de complicité, d’amour donné et reçu, de partage… Une vie telle que la vivent tous les personnages de ce livre : les deux personnages de "Rue des Cinq-Cents" quand ils offrent toute la force de leur accueil et de leur respect à Lijdia, la Hollandaise échouée à Marseille ; Marthe, "La vieille dame qui rêvait sur la plage" et qui offre sa complicité à une jeune femme rencontrée dans le TGV et lui raconte ses amours passionnées avec Edmond le séducteur ; soeur Marie-Odile, qui se dit devant son frère en visite comblée par l’amour de Dieu dans son monastère en chantier perdu en Haute-Provence, "La montagne bleue".

Dans ces nouvelles  la vie en crue est pourtant contenue dans des limites parfois étriquées : des rêves de marin jamais parti, resté à quai, la solitude du grand âge, la clôture du couvent. Comme le dit François, le frère de Marie-Odile : "Finalement c’est petit la vie. On croyait aller au bout du monde, et on est allé au bout de sa rue". (p. 76) Et il y a une troisième interprétation, celle de la vie qui se répand de manière catastrophique, dont je tairai les harmoniques sous peine de vous révéler la chute de ces nouvelles, ce qui serait dommage.

La première m’a servi de mise en bouche, d’entrée dans l’univers et l’écriture fluide, douce-amère de Jean-Claude Garrigues, qui introduit chaque texte par quelques vers de Louis Brauquier, poète et marin d’origine marseillaise. Dans la troisième, j’ai beaucoup aimé la plongée dans la nature, dans la haute montagne, le voyage en DS vers le monastère, j’ai moins aimé les longs monologues sur le sens de la vie religieuse. Incontestablement c’est la deuxième que j’ai préférée, avec le personnage de Marthe, ses rebondissements, ses changements de rythme, ses surprises, sa fantaisie.

"Sa solitude est pareille à la campagne traversée par le train depuis le lever du jour : un paysage froid et sans odeur, vide et inutilement vallonné qui vous imprègne et vous isole à tout jamais. Des champs dont on ignore les cultures, à perte de vue, avec, ça et là, sans raison, des bosquets d’arbres touffus, puis la terre s’arrondit et plonge dans un petit vallon humide et brumeux au fond duquel on a construit une ferme. Une ferme aux murs bruns, aux fenêtres sans volets ni rideaux, une cour vide d’où part un bout de route mal bitumée qui semble mener nulle part. Une route que l’on ne prendra jamais, une ferme où l’on n’ira jamais. Alors le train pénètre dans d’épaisses forêts ébouriffées, trop uniformément vertes, plonge entre de hauts talus trop uniformément gris et s’enfonce dans une suite interminable de tunnels trop uniformément noirs, dont il ne sortira que pour un paysage d’ardoise, de béton et d’asphalte." (p. 30)

Jean-Claude GARRIGUES, La vie en crue, Quadrature, 2013

L’avis de Mina (un tout grand merci pour le prêt !) et de Fattorius

Première participation au mois de la nouvelle chez Flo et à la découverte des éditions Quadrature chez Mina

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