La petite communiste qui ne souriait jamais – Lola Lafon

« Alors Nadia, fais quelque chose : participe à l'avenir du pays. »

Il était une fois, Nadia Comaneci.

J'ai tout aimé dans ce roman. Même le titre est parfait. La petite communiste qui ne souriait jamais fait partie de ces livres que vous souhaitez offrir, prêter, transmettre. Tout est dit sans vouloir tout dire.

L'originalité du traitement m'a ébloui. J'ai été captivée alors que je n'ai aucun intérêt pour la gymnastique. Grâce à une correspondance fictive entre Nadia Comaneci et l'auteure, Lola Lafon oppose deux visions, l'Est et l'Ouest, en évitant l'écueil du manichéisme. Le souci de relativiser, d'établir des liens avec l'époque, est constant. Le lecteur découvre une société fascinée par le corps des petites filles, Nadia Comaneci et son parfait coup de pied à la lune, Jodie Foster et Brooke Shields, actrices-enfants jouant des prostituées pour des cinéastes renommés.

Dans la seconde partie, on croirait presque lire un thriller ou une dystopie. L'instauration de la Police des menstruations par le Conducător, la possession du corps des femmes, la guerre contre la contraception et l'avortement. La violence des médias, le lynchage d'une jeune fille à qui on ne pardonne pas d'avoir grandi, les tragiques conséquences d'un gouvernement communiste...

Incarné, maîtrisé, féroce. Un roman d'une piquante intelligence, bravo Lola Lafon !

Actes Sud, 272 pages, 2014

Extraits

« On ne devrait pas appeler ça de la gym féminine, c'est sûr, les spectateurs ne viennent pas pour voir des femmes... Vous savez, les lycras de compétition ont toujours des manches longues, c'est pour cacher les bras des filles. Nos biceps, les veines. Parce qu'il ne faut surtout pas avoir l'air masculines non plus ! »

« Comment vous dire, répète-t-elle, comment. Je dis « guerre » parce que... C'étaient des hommes, ces docteurs qu'on payait pour surveiller l'utérus des femmes. Des hommes, ces contremaîtres qu'on récompensait si un nombre important de leurs ouvrières étaient enceintes. Des miliciens, dans les hôpitaux, avaient l'ordre de lire les dossiers des femmes, afin de repérer celles qui étaient enceintes, de quelques semaines, pour les empêcher d'avorter.

Vous savez ce que je ne pardonne pas à vous autres, Occidentaux ? En 1974, l'ONU a proposé à la Roumanie de présider la conférence mondiale sur la population au prétexte que nous avions su « résoudre la crise démographique ! »

« En 1984 ou 1985, je ne sais plus où, une femme est morte après un avortement. La Securitate a obligé la famille à organiser les obsèques devant l'usine, son cadavre était exposé pour l'exemple. L'exemple... ils exposaient aussi le corps des vivantes, comme Nadia, avec ces cartes postales d'elle partout, ses triomphes : mortes ou vivantes, on leur était utiles ».  

Les avis de Cathulu, Val...