L'extrait : De touchantes retrouvailles
« — Excusez-moi, madame..., lança la femme en s’adressant soudain à elle, dans un français scolaire, la voix légèrement hésitante. C’est permis... Est-ce qu’on peut... boire cette eau ?
L’histoire qui suit n’aurait pas eu lieu si Lotte avait à son tour répondu en français. Mais sans réfléchir, elle répondit en allemand :
— Oui, das Wasser können Sie trinken.
— Ça alors ! fit la femme en oubliant l’eau et en revenant sur ses pas en direction du lit de Lotte avant de s’écrier joyeusement : vous êtes allemande !
— Non, si, non..., bredouilla Lotte. (...)
— Je suis originaire de Cologne, admit Lotte, sur le ton morne d’un prévenu auquel on extorque un aveu.
— Cologne ! Mais moi aussi, je suis de Cologne ! (...) J’aimerais que vous me disiez de quel quartier vous venez. (...)
— Je ne me souviens plus, on m’a emmenée en Hollande quand j’avais six ans.
— Six ans, répéta la femme d’une voix ardente. Six ans.
— Je me rappelle seulement, fit Lotte hésitante, que nous habitions dans un casino... ou dans un bâtiment qui avait été autrefois un casino.
— Ce n’est pas vrai ! Mais ce n’est pas vrai ! lâcha l’Allemande d’une voix brisée par l’émotion.
Elle se prit la tête entre les mains, pressa ses doigts contre ses tempes.
— Ce n’est pas possible ! (...) Ma Lotchen, gémit-elle, tu ne comprends donc pas ? Tu ne comprends pas ?
Coincée entre la colonne et le corps de l’Allemande, Lotte fut prise de vertige. (...)
— Toi... meine Liebe, lui dit la femme à l’oreille, c’est moi, Anna ! »