Un film de Roman Polanski (2005 - France, UK, Italie, République tchèque) avec Barney Clark, Ben Kingsley, Jamie Foreman, Edward Hardwicke, Leanne Rowe
Les dessous de la révolution industrielle.
L'histoire : Le petit Oliver Twist, dix ans, a été élevé à l'orphelinat. Maintenant qu'il est en âge d'être utile... on le place comme ouvrier dans une corderie. Epuisés, mal nourris, maltraités, les enfants trouvent parfois le courage de se rebeller et de demander une part supplémentaire. C'est ainsi qu'Oliver est renvoyé, pour insoumission, et "vendu" comme apprenti à un entrepreneur de pompes funèbres. Après qu'il ait reçu une correction pour une bagarre qu'il n'a pas provoquée, Oliver s'enfuit. Il marche jusqu'à Londres, souffrant du froid et de la faim. Là, il mendie et rencontre un jeune garçon qui le prend sous son aile et l'emmène chez le vieux Fagin. Un homme qui recueille des enfants abandonnés et, contre le logis, un peu de nourriture, et même un brin d'affection, les envoie mendier et voler dans les rues...
Mon avis : J'avais oublié combien cette histoire était triste... Il est insupportable de voir des gosses traités de cette façon et, malheureusement, bien qu'on ferme les yeux, partout dans le monde le travail des enfants est prospère ; un mal qui pourrait bien durer, entre la crise économique mondiale, la soif inextinguible de profits des uns, celle de produits à bas prix des autres et une surpopulation galopante qui fait tomber chaque jour un peu plus de familles dans la misère...
Il est étonnant de constater combien le XIXe ressemble au XXIe : même révolution technique (naissance d'un monde industriel pour l'une ; naissance d'un monde numérique pour l'autre) ; capitalisme à tout va, accentuant les inégalités sociales ; démographie en hausse et une société pas du tout adaptée à ce changement rapide ; puritanisme pour le XIXe, censure pour le XXIe... En voyant le petit Oliver d'hier, on ne peut s'empêcher de penser aux petits Roms d'aujourd'hui envoyés mendier dans les rues par des groupes de truands de toutes sortes...
Le film de Polanski est donc curieusement d'une étonnante actualité et il touche énormément. Il faut dire que, une fois encore, notre Roman se montre un génial conteur d'histoire, un réalisateur esthète dont pas une image n'est soigneusement travaillée, côté cadrage, côté lumière, côté contrastes... Sa reconstitution du XIXe est exemplaire, avec de jolis cottages bien entretenus pour les plus riches, et des taudis infâmes dans des rues puantes de boue pour les autres, un rendu des couleurs et des matières incroyable... Il donne également beaucoup de corps aux personnages, frisant la caricature, mais avec subtilité. Quel talent ! Il respecte ainsi parfaitement l'esprit de Charles Dickens, auteur du roman dont le film est l'adaptation, qui dénonçait avec véhémence et un soupçon d'humour ironique les travers de la société de son temps... Ses récits, plein d'émotion et de rebondissements, ont enchanté et enchantent encore (j'espère) des générations d'enfants et d'adultes. Là encore, Polanski est dans la droite ligne du maître : son film intéresse les grands comme les petits.
Et puis on pense aussi à Roman qui, il y a longtemps maintenant, vécut lui aussi une enfance absolument terrible dans le ghetto de Varsovie. Pas étonnant que cette histoire l'ait touché, plus que tout autre. On sent dans le petit Oliver l'âme du même petit Roman, terrifié et courageux. La légende veut que ce soit Emmanuelle Seigner, son épouse, qui lui ait suggéré cette adaptation ; après le sublime mais douloureux Pianiste, qui lui a permis d'exorciser quelques démons, il voulait faire quelque chose de plus soft, que ses enfants puissent voir. Emmanuelle ne pouvait faire meilleur choix : une histoire avec de jeunes héros, mais qui ne pouvait que toucher son mari au coeur.
Magnifique réalisation et acteurs remarquables. Le jeune Barney Clark est formidable et on a vraiment envie de l'emmener bien au chaud chez nous, loin de toutes ces turpitudes ! Quant à Ben Kingsley... je ne l'avais pas reconnu au début ! Sensationnel... dans la peau de ce curieux homme qu'est Fagin.
Tout juste peut-on reprocher au film un poil d'académisme. Mais vraiment un poil. Et en plus, moi, ça ne me déplaît pas. J'aime bien parfois du bon vrai beau classique.
Maintenant... il faudrait que je voie la version de David Lean.