Le défi d’écriture chez Asphodèle : ennui

Publié le 13 février 2014 par Biancat @biancatsroom

Et voilà le petit exercice de la semaine sur le thème de l’ennui chez Asphodèle, avec les mots suivants : projet, dimanche, emmerdement, penser, intimité, hésiter, oppresser, pluie, savoir, morosité, panne,créatif, silence, bâiller,  fatigue, mourir, soupir, ralenti,routine, figé, vide, whisky, xyste, zigzaguer.

J’avoue que l’ennui m’a un peu gagné ! J’ai donc difficilement casé les mots, et laissé ‘emmerdement’ de côté (et pas xyste !!), il jurait trop dans le paysage ^^.

‘Sarah détestait les week-ends sans projets. Tristan avait annulé leur petite escapade au dernier moment et elle s’était félicité de ne pas avoir payé d’acompte au petit cottage normand où ils avaient prévu de se rendre. Sentant l’esprit créatif venir en lui, comme il disait, il avait décidé de passer le week-end à la maison, ce qui signifiait deux jours enfermé dans son atelier, partageant son temps entre son whisky et ses pinceaux, zigzaguant fiévreusement entre ses toiles. Elle avait hésité mais n’avait finalement rien dit. A tout prendre, elle préférait un week-end loupé aux crises générées par ses pannes d’inspiration.
Tristan était un architecte brillant et passionné. A vingt-six ans, il était sorti de ses longues études avec des envies de bâtiments fous et des rêves de jardins et de xystes. Hélas, il s’était heurté à une réalité toute autre et se contentait, au bout de huit ans, de missions subalternes dans un petit cabinet parisien. Bouillonnant de frustration, il passait depuis plusieurs mois sa colère sur la peinture et l’alcool. S’y noyer lui permettait de rendre la médiocrité de sa vie supportable, mais ses plongées, dont il l’excluait, commençaient à inquiéter sérieusement Sarah.

Toute la semaine, elle s’était fait une joie de ces deux jours qu’ils allaient passer ensemble. Deux jours pour casser la routine et retrouver une intimité qu’ils perdaient peu à peu. Deux jours pour faire oublier à Tristan les affres de son quotidien et le sortir de sa déprime chronique.
Pourtant, au lieu d’être blottis l’un contre l’autre amoureusement au coin du feu dans une chambre d’hôtes, Tristan était au sous-sol en tête-à-tête avec son art et Sarah tournait en rond dans la maison dont le silence pesant l’oppressait. Elle avait finalement accepté hier une invitation à une réunion lingerie chez son amie Mag, bien qu’elle ne soit pas très friande des jacasseries entre filles, mais elle était cruellement désoeuvrée en ce dimanche de pluie mortel. A ses yeux, rien n’était pire que de retourner travailler le lundi sans avoir profité à fond de ses deux jours de liberté. Devant son incapacité à trouver une occupation satisfaisante, elle ressentit alors un vide immense. Elle pensa à ses premières années de vie commune avec Tristan. Le temps passait si vite avec lui. Elle aimait le côté artiste de sa personnalité, qui l’avait fait chavirer dès leur rencontre – à un vernissage où Mag l’avait entraînée malgré elle -. Il l’avait fait rêver en lui racontant la genèse de dizaines d’oeuvres d’art, et des anecdotes hilarantes dont elle le soupçonnait d’en avoir inventé au moins la moitié. Là où d’autres auraient bâillé d’ennui, Sarah se montrait insatiable et buvait avec délectation ses histoires et son savoir inépuisable.

Force est de constater que l’admiration des débuts s’était émoussée, l’amertume de Tristan l’ayant transformé en un être dans lequel Sarah avait du mal à reconnaître son grand amour, et elle était seule aujourd’hui dans cette grande maison où le temps semblait s’être ralenti, comme figé. Elle poussa un soupir, s’installa sur le canapé et attrapa un magazine sur le guéridon : en lisant le titre de la première de couverture ‘Les origines de la fatigue’, elle fut découragée avant même de l’avoir ouvert et le reposa aussitôt. Soudain, elle réalisa que non seulement elle s’ennuyait à mourir, mais surtout qu’elle n’avait plus envie de rien. Dans sa morosité dominicale, elle réalisa aussi qu’elle pensait à Antoine.’