“Outil de référence, le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF s’articule autour de sept indicateurs : le niveau des exactions, l’étendue du pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence et les infrastructures. Il place les gouvernements face à leurs responsabilités en permettant à la société civile de se saisir d’une mesure objective et fournit aux instances internationales un indicateur de bonne gouvernance pour orienter leurs décisions”, observe Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
“Le classement de certains pays, y compris des démocraties, est largement affecté cette année par une interprétation trop large et abusive du concept de la protection de la sécurité nationale. Par ailleurs, le Classement reflète l’impact négatif des conflits armés sur la liberté de l’information et ses acteurs. Pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, la Syrie est classée 177ème sur 180 pays”, déclare Lucie Morillon, directrice de la recherche de Reporters sans frontières.
L’indice annuel du Classement, qui synthétise les atteintes à la liberté de l’information dans 180 pays sur l’année écoulée, démontre une légère aggravation de la situation. Cet indice passe de 3 395 points à 3 456 points, soit une augmentation générale de 1,8%. Si la situation reste stable dans la région Asie-Pacifique, elle s’aggrave en revanche en Afrique.
Pour la première fois, le Classement sera disponible en édition papier enrichie, en français, dans la collection Librio de Flammarion. Des analyses régionales et thématiques sont disponibles sur rsf.org en version multilingue. Reporters sans frontières introduit également une visualisation en trois dimensions des performances des 180 pays figurants au classement.
Le classement est établi cette année sur 180 pays contre 179 dans l’édition précédente. Nouvel entrant, le Bélize se situe d'emblée à une place enviable (29e).
Consulter le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 sur rsf.org
Conflits armés, instabilité politique et sécurité nationale
Le classement 2014 souligne la corrélation négative entre les conflits armés et la liberté de l’information. En contexte d’instabilité, les médias constituent des objectifs et des cibles stratégiques pour les groupes ou individus qui tentent de contrôler l’information en violation des garanties apportées par les textes internationaux. La Syrie (177e) talonne le trio infernal en queue de classement. Près de 130 acteurs de l’information ont été tués dans l’exercice d’une mission d’information entre mars 2011 et décembre 2013. Ils représentent des cibles pour le gouvernement de Bachar Al-Assad comme pour les milices extrémistes rebelles. La crise syrienne apporte également son lot de répercussions dramatiques dans toute la région.
En Afrique, le Mali poursuit sa chute pour atteindre la 122ème place. Le conflit au nord du pays s’enlise et empêche une véritable reprise des médias. La République centrafricaine (109e) lui emboîte le pas en reculant de 43 places. En Égypte (159e), la destitution du président Morsi par l’armée conduite par Al-Sissi a libéré une partie des médias qui avaient été muselés par les Frères musulmans depuis leur accession au pouvoir, mais a aussi ouvert la chasse aux journalistes proches de la confrérie.
Loin de ces terrains de conflits, dans des pays qui se prévalent de l’État de droit, l’argument sécuritaire est utilisé abusivement pour restreindre la liberté de l’information. Invoqué trop facilement, la protection de la sécurité nationale empiète sur les acquis démocratiques. Aux États-Unis (46e, -13), la chasse aux sources et aux lanceurs d’alerte sonne comme un avertissement pour ceux qui chercheraient à révéler des informations d’intérêt général concernant les prérogatives régaliennes de la première puissance mondiale. Le Royaume-Uni (33e, -3), qui s’est illustré par ses pressions sur le Guardian, marche dans les pas des États-Unis.
Les exemples de “luttes contre le terrorisme” instrumentalisées par les gouvernements sont nombreux. En Turquie (154e), des dizaines de journalistes sont emprisonnés sous ce prétexte, notamment pour avoir couvert la question kurde. En Israël (96e), qui récupère une parties des places perdues lors de l’édition précédente en raison des conséquences de l’opération Pilier de Défense sur la liberté de l’information, l’impératif de l’intégrité du territoire étouffe régulièrement la liberté d’informer sur le conflit israélo-palestinien. Au Sri Lanka (165e, -2), l’armée fabrique l’actualité en écartant les versions trop éloignées de la vision officielle de la “pacification” des anciens bastions séparatistes tamouls.
Quelques évolutions marquantes
La République centrafricaine, théâtre d'un violent conflit, effectue la chute la plus drastique, soit une perte de 43 places à l’issue d’une année marquée par une violence extrême et des attaques et intimidations répétées contre les journalistes.
Outre la chute de treize places opérée par les États-Unis (46e, -13), la chute vertigineuse du Guatemala (125e, -29) est due à une nette aggravation de la situation sécuritaire des journalistes, marquée par le doublement du nombre d'agressions par rapport à l'année précédente et quatre assassinats.
Au Kenya (90e, -18), la réponse autoritaire très critiquée des autorités à la couverture médiatique de l'attentat de Westgate s'ajoute à des initiatives parlementaires dangereuses pour les médias. Le Tchad (139e), qui s’est distingué en 2013 par des arrestations et poursuites abusives de journalistes, perd 17 places.
Affectée par la crise économique et les poussées de fièvre populiste, la Grèce (99e) cède 14 places.
Les violences, les cas de censure directe et les abus de procédures ont eu tendance à diminuer au Panama (87e, +25), en République Dominicaine (68e, +13) ou encore en Bolivie (94e, +16) et en Équateur (94e, +25). Dans ce dernier pays, le degré de polarisation n’en demeure pas moins très élevé et souvent préjudiciable au débat public.
L'année 2013 a été marquée par quelques évolutions législatives louables, comme en Afrique du Sud (42e, +11) où le Président a refusé de signer une loi jugée liberticide pour les médias.
Cette amélioration s’inscrit à contre-courant des autres pays qui se posent comme des modèles régionaux, contraints à la stagnation ou en régression.
RSF