The Musketeers est une nouvelle série diffusée sur les ondes de BBC One en Angleterre et le sera aussi au printemps en Amérique sur BBC America. L’action se déroule en France en 1630 alors que d’Artagnan (Luke Pasqualino) se rend à Paris pour venger le meurtrier de son père, un dénommé Athos (Tom Burke). Après avoir fait la connaissance du célèbre mousquetaire et de ses compères, Porthos ( Howard Charles) et Aramis (Santiago Cabrera), il découvre que le meurtrier opérait sous une fausse identité et les quatre hommes parviennent à résoudre le mystère. Bien d’autres complots seront ensuite démasqués au cours des épisodes suivants, la plupart menaçant la sécurité de l’État et le roi Louis XIII (Ryan Gage). Libre adaptation du célèbre roman de 1844 d’Alexandre Dumas, The Musketeers est une série alliant avec brio enquêtes, espionnage, action et aventures. Certains pourraient s’offusquer des divergences que l’on retrouve entre le roman culte et la série, mais son créateur, Adrian Hodges, parvient à extirper certains éléments du roman qui sont toujours autant d’actualité, tout en apportant assez de nuances et de profondeur aux personnages principaux pour qu’on s’attache à eux.
Recette d’un succès
Au grand écran comme au petit, on ne compte plus les adaptations de l’œuvre d’Alexandre Dumas, qu’il s’agisse de films, de séries ou de dessins animés. Vient ensuite cette question : pourquoi Les trois mousquetaires fascine autant? À la base, c’est une histoire rêvée pour l’écran dans son contenant (prétexte à moult combats d’épée, recréation d’époque, des valeurs nobles comme l’honneur, le respect des conventions, etc.), mais surtout pour son contenu. Il y a d’abord dans l’œuvre le volet espionnage. On retrouve dans The Musketeers des complots contre le roi et la reine, ces êtres intouchables qui sont l’incarnation d’un pays tout entier. Ce thème trouve facilement écho dans les séries télévisées, de nos jours aux États-Unis avec Homeland, Hostages, 24 et même The Assets qui se déroule dans les années 80. Dans toutes ces séries, c’est le chef de l’État qui est menacé, donc le pays tout entier. Dans la même veine, on retrouve toujours un traitre au sein d’organisations comme la CIA; ceux qui s’efforcent à saper le système de l’intérieur. Dans les Mousquetaires, c’est le tout puissant Richelieu (Peter Capaldi dans la série) qui bénéficie de la confiance du roi, mais qui en plus, a à sa solde sa propre armée et services secrets. L’autre volet est le côté enquête, incarné par d’Artagnan, Porthos, Athos et Aramis. Chacun d’eux à des talents spéciaux et ils joignent leurs talents respectifs lorsque vient le temps de recueillir des indices, des preuves ou d’arracher des confessions. On retrouve aisément ces caractéristiques dans les séries policières qui mettent en scène toute une brigade comme Chicago PD, Crossing Lines, Played, Graceland, etc.
The Musketeers de BBC prend souvent des allures de policier (même son créateur a qualifié la série de « full Sherlock »), mais contrairement aux navets des derniers mois, s’en tire admirablement. Dans le premier épisode, on tente d’incriminer Athos, et les mousquetaires (tout en voulant prouver l’innocence de leur collègue) s’efforcent de retrouver des documents confidentiels du roi concernant l’Espagne et qui sont en possession des gardes de Richelieu. Dans le second, on cherche à déjouer un attentat contre le roi qui était en fait une ruse de son instigateur pour s’emparer des bijoux de la couronne. Dans le troisième, les quatre doivent mener le marchand Emile Bonnaire (James Callis) au roi concernant un traité entre la France et l’Espagne sur les colonies d’Amérique. Ce mélange de policier/espionnage fonctionne dans The Musketeers notamment pour la diversité des intrigues d’un épisode à l’autre et surtout grâce aux scénarii solides.
Un prolongement de l’œuvre
Décider de transposer au petit écran l’œuvre de Dumas, c’est aussi être prêt à faire face aux critiques. On a vu plus tôt à l’automne jusqu’où la dérive peut aller avec la série Reign qui mettait en scène les jeunes années de Marie Stuart à la cour de France. La série réunissait à elle seule anachronismes éhontés, ton puéril et intrigues de pacotilles. L’avantage de The Musketeers est d’être l’adaptation d’une fiction, laquelle prend place à un moment précis de l’histoire avec des personnages ayant réellement existé; ce qui laisse à la série plus de latitude. Par exemple, il y a cette légende noire entourant le cardinal de Richelieu que l’œuvre de Dumas, et ses adaptations ont très certainement amplifiée. En entrevue avec The Guardian, le créateur Hodges apporte ce bémol : « Richelieu was a great moderniser; he wasn’t a villain, he was pragmatic. If someone is in the way and the only way of getting them out of the way is to kill them, then that’s what he will do, but he won’t do it because he likes killing people ». Et c’est exactement ces traits de caractère que l’on retrouve dans la série. Le cardinal veut le contrôle, mais en façonnant l’image de sa propre grandeur (peu importe les moyens), il élève aussi celle de la France dans le monde entier. D’ailleurs, n’est-il pas reconnu comme l’un des fondateurs de l’État moderne en France?
Contrairement aux films, les livres et les séries disposent d’assez de temps (chapitres et épisodes) pour aborder plusieurs sujets et personnages en profondeur. Dans The Musketeers, Hodges ne se contente pas d’en mettre plein la vue aux téléspectateurs avec des cascades et combats; au fil des émissions, il enrichit ses personnages et en profite pour aborder des sujets qui ont une résonnance avec notre époque, comme l’esclavagisme, la notion de sécurité intérieure ou la religion. Sur ce dernier sujet, le créateur a mentionné en entrevue :« It isn’t hard to parallel the hatred the Catholics felt for the Huguenots with people of different religious persuasions now ». Donc, bien qu’on s’éloigne quelque peu du récit initial, la série trouve le moyen d’être pertinente en allant au-delà de la simple transposition à l’écran de l’œuvre littéraire; ce qui est de plus en plus rare à la télévision.
Le succès de The Musketeers a pour le moins été instantané avec des cotes d’écoute entre 6 et 9 millions, si bien que le 9 février dernier, la chaîne a commandé une seconde saison. Fait inusité, l’interprète de Richelieu, Peter Capaldi, a entre-temps obtenu un rôle dans la célèbre série Doctor Who, si bien qu’il ne pourra être de la prochaine distribution de la série de Hodges. La productrice Jessica Pope a mentionné qu’ils créeront probablement un autre vilain, mais comment justifier le départ d’un personnage aussi central à l’œuvre? Quand la réalité vient contrecarrer la fiction…